La Suisse, pays le plus heureux du monde de François Garçon

La Suisse, pays le plus heureux du monde de François Garçon

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Critiqué par Elya, le 10 février 2019 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 9 étoiles
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Prospérité = Suisse = démocratie directe + confédéralisme

François Garçon est docteur en histoire et maître de conférence à l'université Paris I, où il enseigne et réalise des recherches sur le cinéma. Ses ouvrages grand public concernent également le fonctionnement politique et économique de la Suisse, qu'il présente, à raison, comme un des États les plus prospères du monde. Sa thèse, qu'il étaye à nouveau dans cet ouvrage paru en 2015, est que cette prospérité ne vient pas comme on l'entend souvent à tort et à cri de l'or des banques suisses, mais du système politique suisse, particulièrement du contrôle qu'ont l'ensemble des citoyens sur leurs institutions, au travers des mécanismes de démocratie directe mis en place.

Dans cet ouvrage, Garçon présente dans un premier temps de nombreuses données descriptives sur l'économie, l'emploi et chômage, l'industrie, la formation initiale et continue, les langues, l'immigration et l’émigration, et l'organisation du système politique Suisse. Il les compare à celles des pays frontaliers de la Suisse (particulièrement la France), ainsi qu'à d'autres pays européens et mondiaux. La Suisse sur à peu près tous les points se démarque par sa bonne santé dans tous ces domaines, d'où le titre de l'ouvrage : la Suisse, pays le plus heureux du monde. L'auteur sous-entend que l'on doit ces spécificités positives de la suisse à son régime confédéraliste et de démocratie directe, mais il ne cite à aucun moment des travaux empiriques sur le sujet (qui existent pourtant depuis plusieurs décennies). Sa ligne argumentaire est plutôt celle de l'argumentation théorique et logique pour expliquer en quoi il est plus pertinent pour un État d'adopter un système politique tel qu'en Suisse.

L'introduction donne le ton :

« La Suisse n’est plus seulement un îlot mal connu au cœur de l’Union européenne, où cohabitent banquiers et gruyères sans trous sur fond d’alpages enneigés. La Suisse est le pays où les citoyens peuvent dire tout haut ce qu’ils pensent, puis surveiller l’application de leurs choix politiques. Que ces choix soient judicieux ou idiots est une autre histoire, sur laquelle on se penchera. L’important est cette capacité qu’ont les Suisses à pouvoir s’exprimer autrement qu’en brulant des poubelles ou en bloquant les trains. »

Au cours des premiers chapitres, nous apprendrons par exemple que 60% du chiffre d'affaire de l'industrie suisse vient de l'exportation, en raison de la valeur ajoutée des produits manufacturés comme ceux issus de l'horlogerie. Les banques elles ne pèsent que dans 7% du PIB suisse. Les inégalités de revenus entre les plus riches et les plus pauvres en Suisse sont inférieures à celles existantes en France ou en Europe en moyenne. Les suisses naturalisent 3 fois plus d'immigrés que les français, même si le processus est long et complexe. D'autre part, 24% d'étrangers sont installés en Suisse, contre 6% en France. Tous ces éléments m'ont personnellement surprise car ils vont à l'encontre de ce que j'ai pu parfois lire ou entendre sur la Suisse comme par exemple le fait qu'elle soit inhospitalière pour les étrangers, ou riche grâce aux banques et aux inégalités entre les plus pauvres et les plus riches.
Au cours des chapitres suivants, l'histoire de la mise en place de la démocratie directe en Suisse est brièvement relatée. Ce sont surtout ses modalités de fonctionnement qui sont détaillées. François Garçon ne fait pas l'impasse sur les limites qui existent à ce type de régime (qui ne sont d'ailleurs pas une spécificité de ce type de régime) : les cas de fraude et de manipulation des scrutins, les projets de lois soumis inapplicables. Il les remet toujours en perspective avec ce qui se passe ailleurs.
À plusieurs reprises, l'auteur évoque les projets qui sont nés d'initiatives populaires, qu'ils aient été ou non adoptés. On voit ainsi que les Suisses ne sont pas du tout limités dans les domaines sur lesquels ils peuvent modifier leur constitution, que ce soit au niveau fédéral ou cantonal : interdiction d'exporter du matériel de guerre, contre la construction de minarets, contre les mauvais traitements envers les animaux, pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse, pour des naturalisations démocratiques, contre le bruit des avions de combat à réaction dans les zones touristiques, pour des aliments produits sans manipulation génétique, pour un dimanche sans voiture par saison, pour sortir du nucléaire, pour l'adhésion de la Suisse à l'ONU ; et la liste est encore très longue.

François Garçon n'hésite pas à revenir sur des projets de loi qui ont fait couler de l'encre dans la presse internationale, notamment celui sur l'interdiction des minarets. Il remet les choses en perspective à froid et cela est très salutaire. Finalement, l'auteur précise à nouveau sa thèse, espérant que des élus d'autres États puissent s'en inspirer :

« Voilà pourquoi étudier le système suisse est hautement rentable : il a résisté à toutes les agressions parce qu’il s’appuie sur le consensus de sa population, elle-même sourde aux chimères démagogiques car confrontée aux conséquences directes de ses choix politiques. Se trouvent réunis ici tous les mécanismes qui favorisent l’innovation technologique, le plein-emploi et la stabilité politique sur la longue durée. »

Je trouve que l'on ressort de ce livre avec une image beaucoup plus précise et factuelle de l'état économique et politique de la Suisse d'aujourd'hui. En revanche, le lien causal entre la prospérité de la Suisse et son système politique (confédéralisme et démocratie) n'est pas forcément très évident à la lecture de ce seul ouvrage. Le style de l'auteur, certes parfois un peu ironique, est très fluide et rend cette lecture, bien que contenant de nombreux chiffres, très agréable.

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