Apre coeur de Jenny Zhang

Apre coeur de Jenny Zhang
(Sour heart : stories)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Débézed, le 2 janvier 2019 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Filles de l'émigration chinoise

A travers l’histoire de petites chinoises (Christina, Annie, Mande, Jenny, …) nées, ou arrivées très jeunes en Amérique, Jenny Zhang raconte l’immigration des Chinois à New York au cœur des années soixante. Ces fillettes rencontrent toutes les mêmes difficultés, elles ont toutes un frère envahissant, un père absent et une mère plus ou moins névrosée après son expatriation. Elles subissent les mêmes affronts, se battent avec la même énergie pour sortir de leur condition de parias complètement fauchés, vivent mal le confinement dans le milieu familial et dans le vase clos de la colonie chinoise. Elles rêvent d’abattre les murs qui les enserrent dans la misère et dans leur communauté et ses traditions. Leur histoire se déroule entre 1966, alors qu’elles ont entre 7 et 10 ans et 1996 quand elles sont devenues adultes et qu’elles ont surmonté les plus grandes difficultés qui se dressaient sur le chemin de leur intégration dans la société américaine.

Après lecture faite Je me suis interrogé : ces quatre fillettes ne seraient-elles pas quatre visages différents de la même gamine, en l’occurrence l’auteure, qui raconterait sa vie de petites chinoises débarquant en Amérique après un père bien décidé à réussir ses études pour construire une nouvelle vie dans cet autre monde avec une mère qui n’arrive pas à s’intégrer et deux enfants, un garçon et une fille, qui s’étripent mais s’adorent. Ca pourrait être l’histoire de Jenny Zhang depuis son arrivée à New-York, une histoire parfois sordide, souvent compliquée, pleine de frustrations et d’affronts mais aussi une histoire d’amour et de solidarité entre les membres de la famille et de la communauté même si elle est parfois un peu étouffante. Un texte écrit avec le sang, la morve, la niaque et toutes les autres humeurs qui débordent sous l’action de la souffrance physique et morale. Elles ont une telle volonté, une telle pugnacité qu’elles deviennent attachantes et qu’on a envie de les voir réussir.

Avec Julie Otsuka, Brian Leung et quelques autres encore, Jenny Zhang vient grossir le bataillon des auteurs asiatiques qui racontent l’histoire de leurs parents obligés, pour diverses raisons, de quitter leur pays pour rejoindre l’Amérique où ils espèrent construire une autre vie. Mais, l’Amérique n’est pas qu’un pays de rêve, c’est aussi un pays très pragmatique où si l’on ne te demande rien, on ne te donne rien non plus sauf quelques horions, une bonne dose d’humiliation et de dédain. Jenny raconte les taudis sordides où il a fallu vivre, les déménagements incessants, l’hygiène de vie exécrable, l’école et ses affronts, la langue toujours jugée mauvaise parce qu’elle laisse percer une pointe d’accent, le regard dédaigneux des autres même quand ils sont étrangers eux aussi mais d’une autre ethnie, la culture, les mœurs, les coutumes apportées par les parents, tout ce qui différencie un Américain de longue date d’un Américain en devenir. Elle raconte aussi les rapports souvent houleux au sein des familles qui supportent mal le changement de monde et l’extrême pauvreté., et les rapports avec la famille restée au pays qui s’immisce avec plus ou moins de bonheur dans la vie des expatriés.

Un texte cru, âpre, rude, violent, surgi de la fange et de la crasse, élevé au lait de la misère. Un texte écrit dans un vocabulaire à cheval sur deux langues que les enfants maitrisent mieux que leurs parents, un langage parfois ordurier parce qu’il est plus facile d‘apprendre le parler de la rue, les jurons, les obscénités que la belle langue que l’école essaie d’enseigner aux émigrants, et que la violence demande une réponse violente même quand on ne peut se battre qu’avec des mots. C’est l’histoire de ces gamines souvent plus adultes que leurs parents qui ont grandi dans la boue et la misère, qui se sont battu comme des lionnes rendant coup pour coup mais n’oubliant jamais d’où elles venaient et surtout pas où elles voulaient aller avec leurs parents à la remorque.

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