Keila la Rouge de Isaac Bashevis Singer
(Yarmy un Keile)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

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Pour l'amour d'une ancienne prostituée
Bunem, jeune Juif aussi sérieux qu'austère et rangé du Varsovie de l'entre-deux-guerres, tombe amoureux de Keila, flamboyante rousse exubérante, connue pour s'être illustrée dans trois bordels de la ville. Or, Bunem est marié, ce qui ne l'empêche pas de tomber amoureux d'elle, et même éperdument. Elle l'est également, tant mariée que tourneboulée par lui. La morale et la religion s'en mêlent, l'ancienne prostituée ayant tenté de faire amande honorable, sans avoir renié son passé sulfureux encore récent. Tous les oppose a priori, mais les qualités et gentils défauts de l'autre les attirent comme un aimant, alors que la constitution du ghetto dans la capitale polonaise les pousse à fuir, tout autant que le caractère hautement atypique de leur union. C'est ainsi qu'ils décident de partir pour les Etats unis.
Ces deux époux non divorcés, fraichement immigrés, s'installent en couple dans la grouillante New York qui semble pouvoir engloutir tous les nouveaux venus. Ce n'est pas pour cela que les rebondissements s'arrêtent. Après leur installation mouvementée, ils reprennent de plus belle, leur passé en Europe les rattrapant, tout cela pour arriver à une chute tout aussi incongrue, au terme d'une intrigue foisonnante, voire touffue et rocambolesque. Les rires et les pleurs alternent dans cette tragicomédie mouvementée, que je vous recommande.
Les éditions
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Keila la Rouge
de Bashevis Singer, Isaac
Stock
ISBN : 9782234081260 ; EUR 23,00 ; 31/01/2018 ; 468 p. ; Broché
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Un roman dostoïevskien

Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 21 mai 2025
Le stupéfiant récit aux accents dostoïevskiens imaginé par Singer se concentre autour du personnage qui lui donne son titre : Keila, surnommée « La Rouge » du fait de son abondante chevelure de couleur rousse. Au début du roman (nous sommes en 1911), nous apprenons qu’après avoir fréquenté trois bordels, elle a pris la décision de se retirer, de ne plus vivre de prostitution, de changer de vie. Mais c’est sans compter sur son compagnon Yarmy, homme de 32 ans qui a déjà séjourné quatre fois en prison pour vol et pour traite des blanches. Le projet de Keila est d’autant plus compromis que, bientôt, surgit un autre homme, encore pire que Yarmy , une vraie âme damnée qu’on appelle Max le boiteux. Pour ce qui concerne les combines et les malversations, ce Max ne connaît aucune limite. Il est bisexuel, fit la connaissance de Yarmy en prison (où il le prit également pour amant) et, de retour et découvrant la beauté de Keila, imagine un plan machiavélique : partir à l’étranger, y ouvrir des bordels, obliger la jeune femme à renouer avec la prostitution, tout cela en formant un ménage à trois. Horrifiée, paniquée, Keila, toujours décidée à en finir avec la vie de débauches, prend conseil d’un rabbin car elle veut, dit-elle, faire une bonne action pour être rachetée de ses péchés. La réponse du rabbin est belle et apaisante, il prêche la miséricorde, mais cette visite est aussi et surtout l’occasion pour Keila de faire la rencontre de Bunem, le fils du rabbin, appelé à prendre une place importante dans la suite de l’histoire, tant il est séduit par la jeune femme, séduit au point qu’il lui propose de trouver refuge dans un atelier où ses amis artistes et lui se retrouvent parfois pour pratiquer leurs arts. Bunem éloigne Keila de Yarmy et de Max, de leur influence pernicieuse, il s’attache de plus de plus à la jeune femme, bien qu’il soit fiancé à Solcha, une jeune femme purgeant une peine de prison à cause de ses convictions anarchistes.
Cet aperçu donne une idée de l’originalité et de la force d’imagination dont fit preuve Singer. Le roman se divise en deux époques : la première se déroule à Varsovie, dans la rue Krochmalna, rue immortalisée par Singer parce qu’on la retrouve dans plusieurs de ses romans et nouvelles ; la deuxième, plus courte, se situe à New York, ville dans laquelle ont voulu trouver refuge Bunem et Keila, mais ville dans laquelle ressurgissent les anciennes connaissances malfaisantes de Varsovie, Yarmy, Max et même Solcha, libérée de prison. Je n’en dis pas davantage sur les diverses péripéties d’un roman hautement captivant, non seulement du fait de personnages qui ne laissent pas indifférent, non seulement à cause de tout ce qui survient dans leurs parcours, mais aussi grâce à tout ce qui est sous-jacent, tout ce que l’auteur fait habilement percevoir sur des temps aujourd’hui révolus mais également sur ce qui habite le cœur des humains pour le meilleur et pour le pire. Keila en est le personnage le plus attachant, elle, la prostituée repentie à propos de laquelle Bunem, à un moment, se pose cette question : « Comment a-t-elle pu avoir une vie pareille et rester pure en apparence ? » Ajoutons, pour finir, que tout ce roman, qui rappelle en cela Dostoïevski, est habité par la question de Dieu. Elle résonne, cette question, sur des tons très divers : cela va de Yarmy pour qui il n’y a pas de Dieu et de Max qui le rejette au rabbin qui prêche la miséricorde divine en passant par Keila qui croit et veut se racheter et Bunem, l’homme qui s’interroge, qui a perçu des contradictions dans la Bible et qui en vient à croire en un Dieu qui existe mais sans rien vouloir à faire avec les hommes : « Il existe, affirme-t-il, mais je ne Le servirai pas ! ». À la fin du roman, l’auteur précise encore la pensée de Bunem : « [il] croit en un Dieu complètement caché, qui ne se révélait jamais à quiconque et dont personne ne savait ni ce qu’Il était ni ce qu’Il voulait. »
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