Sous le ciel de l'Altaï de Juan Li

Sous le ciel de l'Altaï de Juan Li
(Aletai de Jiaolauo)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Débézed, le 7 avril 2017 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Solitude immense

A l’extrême limite occidentale de la Chine, aux confins du Kazakhstan, sur les plateaux de l’Altaï, Li Juan a passé sa jeunesse avec sa mère, sa grand-mère et sa petite sœur, elles étaient couturières, elles fabriquaient des habits pour les bergers nomades qu’elle suivaient dans la transhumance de leur troupeau de moutons montant vers les pâturages de la montagne en été et descendant vers les plaines du désert de Gobi en hiver. Vivant souvent dans des hébergements de fortune, elles menaient une vie simple, laborieuse, difficile avec beaucoup de travail, peu de confort et encore moins de réjouissances. Comme Galsan Tschinag l’a fait dans « Ciel bleu » pour la partie de l’Altaï mongol, Li Juan a voulu raconter cette vie bien loin de celle menée dans la Chine que les médias nous racontent.

Couturières devenues aussi commerçantes, elles vendent tout ce qui est nécessaire aux personnes qui transitent dans la région avec des troupeaux. L’économie collectiviste prônée par Mao ne semble pas avoir atteint ce far west chinois, les quatre femmes connaissent très bien les principes du commerce et, si elles ne s’enrichissent pas, elles réussissent tout de même, elles des Han, à vivre respectablement et en bonne harmonie au contact des Kazakhs et de Ouïgours qui peuplent cette région frontalière de la Chine.

Dans ces récits d’une grande fraîcheur, empreints de candeur et même parfois d’une certaine naïveté, Li Juan décrit avec une grande précision des tableaux de la vie quotidienne qu’elle mène dans les montagnes avec sa famille, ses voisins éventuels et les bergers qui passent. Une vie immuable insensible au temps qui s’écoule et au progrès technique qui n’atteint pas ces contrées. « C’est un mode de vie très ancien qui a traversé les siècles avec aisance, qui est en accord avec l’environnement, en étroite relation avec lui, si bien qu’il est devenu aussi naturel que la nature elle-même ». Li Juan aime les montagnes, les vallées, les paysages, les immensités désertiques, les rivières, les cascades tout ce qui constitue son environnement, une nature originelle que personne n’a encore polluée, ni souillée. « Je vis dans un monde merveilleux. Vaste, silencieux, proche, vraiment authentique, et si accessible ! »

La vie de Li Juan est une immensité désertique. « Sur les pistes de terre, s’étend, sur trois pouces, une couche de lœss étale qui ne porte aucune trace de pas. Il n’y a pas âme qui vive », où le temps n’existe presque plus, il se contente de passer de faire défiler les jours sans jamais rien n’altérer. « Dans les montagnes, la vie se déroule sous un voile indécis, comme si le temps ne se mesurait qu’à l’aune des fêtes ou des aléas du climat, sans que jamais se fasse sentir le cycle des jours ». Cette immensité atemporelle et désertique ne prend forme que sous la plume du poète, sous celle de Li Juan en l’occurrence qui évoque son pays avec une telle délicatesse, une réelle tendresse et une énorme passion. Certains disent qu’elle ne veut plus quitter son Xinjiang adoptif malgré la solitude qu’elle y a souvent vécue. « Ce que je veux dire, c’est que le monde est comme divisé en deux : d’un côté le monde que je vois, que je perçois, et de l’autre, moi, dans ma solitude ».

Peut-être cherche-t-elle encore la réponse à cette question qu’elle formule dans ce si joli recueil de récits sur la vie qu’elle a menée au cœur de la nature originelle : « Que dire de cette vie qui ne s’arrête jamais et pourtant ne continue pas ? » Une énigme digne de Confucius.

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