Le boxeur polonais de Eduardo Halfon

Le boxeur polonais de Eduardo Halfon
(El boxeador polaco)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Merrybelle, le 18 octobre 2015 (PACA, Inscrite le 6 novembre 2011, 61 ans)
La note : 10 étoiles
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69752

Eduardo Halfon est né en 1971 au Guatemala.Né de grands-parents juifs du Liban, Egypte, Syrie et de Pologne.
A 12 ans, il quitte le Guatemala pour suivre sa scolarité aux Etats-Unis et devient ingénieur. A 24 ans, "desubicado", il rentre au pays. Oubliés la langue, le pays, exerçant un métier qu'il n'aime pas, il se lance dans la philo couplée avec la littérature. Il se met à dévorer des livres puis c'est l'écriture.

"69752. Son numéro de téléphone. Tatoué sur son avant-bras gauche, pour ne pas l'oublier."
C'est cette explication que donne, Oitze (petit nom affectueux yiddish qu'ils se donnent), à son petit-fils à chacune de ses questions. Au fil des années, ce dernier fantasme la "scène secrète qui les lui avaient valus" face au silence dont se sont entourés ceux qui sont revenus.

Et un jour pluvieux, assis sur le vieux canapé en cuir beurre frais, un verre de Red Label en mains, observant ces numéros devenus méconnaissables, après 60 ans de silence, Oitze dit : "Ça s'est passé à Auschwitz".

Son récit est entrecoupé de silences "peut-être parce que là mémoire est pendulaire, elle aussi. Ou parce que la douleur ne se tolère qu'à petites doses". Le petit-fils a tant de questions qu'il n'ose pas poser. Une question fuse : "Pourquoi vous, Oitze ?" aussitôt regrettée car une autre question y est rattachée, sous-entendue.

En 30 pages, l'auteur nous fait ressentir le lien très fort qui unit ces deux êtres, tout ce qui tisse nos souvenirs, la douleur et les traumatismes qui accompagnent le grand-père (le stock de Red Label qu'il s'est constitué en cas de guerre), le besoin de savoir du petit-fils, le temps qu'il faut pour parler, trouver une oreille pour raconter l'indicible.
Ce récit est entrecoupé de souvenirs ou de scénettes issus des souvenirs du petit-fils : le soin qu'Oitze porte à ses mains que la grand-mère enduit de crème Nivea.

Alors peu importe le boxeur polonais connu le temps d'une nuit et qui va sceller son sort, peu importe les mots qu'il lui a dit pour le sauver.
Des mots en polonais, langue maternelle qu'il refuse de parler depuis 60 ans, "langue de ceux qui l'ont trahi".


Halfon collecte les fragments de son histoire et nous les confie affectueusement à petites touches. Son texte est accompagné de trois photos de son grand-père, photos qui sont à la base de tous ses récits, dit-il dans ses interviews.
Le bandeau de son livre est une photo, photo de famille dont on retrouve la seconde partie sur le recueil "Signor Hoffman", seul souvenir d'une famille déportée à Auschwitz et dont ne reviendra que le jeune homme à gauche, Oitze.

On parle de son écriture comme l'art de la litote et de la chute. Je n'ai que peu de recul en matière de nouvelles. Mais à coup sûr, ce livre est le second coup de coeur de cette année. L'écriture m'a touchée au plus haut point.

Une seconde nouvelle, (mais en est ce bien une ?) donne un contrepoint
Titrée "allocution de Póvoa" elle est une réflexion sur la littérature. L'auteur reçoit le thème d'une conférence "la littérature gratte, écorche la réalité".
Sa réflexion va nous ramener à la première nouvelle.

Seule ombre au tableau, le livre dans sa version originale contient six nouvelles dont l'auteur dit qu'elles constituent la matrice de tous ses livres. Pourquoi l'éditeur s'est-il permis d'en éliminer 4 ?

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