Le cercle Octobre de Robert Littell

Le cercle Octobre de Robert Littell
(The October Circle)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Mallollo, le 27 janvier 2015 (Inscrite le 16 janvier 2006, 41 ans)
La note : 9 étoiles
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Octobre en plein Printemps

La liste des personnages qui ouvre le roman laisse déjà rêveur. Un Porte-Drapeau (et sa maîtresse surnommée "le Lapin"), un Coureur, un magicien, un nain-clown à la retraite, un collectionneur d'images brisées, un Mime probablement réchappé de la Guerre Civile espagnole, un Thérapeute par le cri... Voilà les principaux acteurs de la drôle de pièce qui se déroule sous nos yeux.

En 1968, à Sofia, le "Cercle Octobre", cette bande d'amis mi-farfelus mi-idéalistes mais fondamentalement communistes, vivent le souffle du Printemps de Prague qui a dépassé les frontières de la Tchécoslovaquie, et qu'ils considèrent comme l'évolution humaniste de leur idéal communiste.

Alors que l'Union Soviétique entame la répression du Printemps de Prague, le Cercle Octobre décide d'organiser une "manifestation-spectacle", qui sera rapidement gommée, littéralement effacée par les autorités. C'est le début d'une descente infernale pour le Cercle Octobre, rattrapé fermement par le pouvoir communiste en place...

J'avoue ne pas être entrée rapidement dans l'histoire proposée par Robert Littell. Jusqu'au chapitre 6 (page 149 de mon édition de poche), la galerie de personnages est agréablement dépeinte, mêlant l'absurde à la poésie. C'est le Porte-Drapeau qui ouvre le bal en déclarant: "Non, mes amis, nous n'avons qu'une seule façon de protester. (...) Nous devons leur donner du spectacle." Retournement brusque de situation: de la contemplation inactive, le récit passe à l'action en force. Manifestation, répression... enfin châtiment pour les manifestants. Dans cette seconde moitié du roman, difficile de poser le livre entre deux chapitre, Robert Littell nous tient vraiment en haleine jusqu'au bout.

Pour vous donner un petit aperçu, voici 3 extraits très différents:

"Popov est à moitié sourd et à moitié fou, bien qu'à tel moment donné personne ne puisse jamais dire laquelle de ces dignités (le Porte-Drapeau insiste sur l'équivalence folie-"dignité" plutôt qu'indignité) l'emporte sur l'autre (...)
- Où en étais-je? Hummmmm... Ah oui, Un paquet de suppositoires roumains contre le mal de tête, vide, avec l'inscription "date limite d'utilisation: 10 janvier 1937". C'est une coïncidence Mendelstam a écrit un poème intitulé "10 janvier 1934". Hum. Un fragment d'icône datant - à en juger par l'absence d'auréole au-dessus de la tête de l'Enfant Jésus - de la Seconde Dynastie Bulgare; il suffit d'un coup d’œil à une icône pour comprendre que l'iconoclastie est le seul mode de vie raisonnable. Hein? Que répondez-vous à cela, Lev?"

"- Mais où sont les gens qui vont travailler à cette heure-ci? s'écrie Octobrina. (Elle se calme, et faisant un geste vers les fenêtres de l'autre côté de la place, elle ajoute:) J'ai le sentiment qu'il y a des yeux.
- C'est la seule manifestation dans l'Histoire à être observée par seulement deux personnes, raille Dancho (...)
Le Porte-Drapeau fait quelques dizaines de pas en direction de l'immeuble du Comité Central, écoute, et revient prendre place dans le cercle.
- Ils ont bouclé la place, annonce-t-il. Ils ont bouclé les rues avec des barricades. Ils nous ont mis en quarantaine.
- Comment les gens apprendront-ils notre démonstration, alors? demande Octobrina.(...)
- Écoutez, dit Dancho. Nous pouvons rester ici aussi longtemps qu'eux. Ne nous décourageons pas. Ils devront garder la place bouclée toute la journée. Les gens commenceront à poser des questions.
Il regarde autour de lui, cherchant du soutien.
- Ici, personne ne pose de question, dit le Coureur."

"Soudain, dans l'espace séparant les métallos de la fanfare militaire, le Porte-Drapeau apparaît - surgi d'où, le Coureur ne le saura jamais. Simplement, tout à coup, il est là, face aux dirigeants du Parti au sommet du tombeau, et il se laisse glisser sur les genoux devant la fanfare, il tire un bidon d'un sac plastique et il en déverse le contenu sur ses vêtements. (...) Des hommes en civil l'empoignent. Il essaie de se dégager, se détourne pour discuter, ferme hermétiquement les yeux et ouvre la bouche jusqu'au dernier point où il a l'impression que la peau va se déchirer aux commissures, et il pousse un hurlement qui transperce la musique de la fanfare.
- NOOOOOOOOOOOOooooooooooooon.
Et de nouveau:
- NOOOOOOOOOOOOooooooooooooon.
Le Coureur lutte pour ouvrir les yeux; pendant un instant terrible, il n'arrive pas à situer les muscles adéquats. Quand il ouvre les paupières, il voit une boule de feu qui a la forme révoltante d'un homme agenouillé, les bras largement écartés. Il y a un silence si absolu que la terre semble s'être arrêtée de tourner."

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