Mudwoman de Joyce Carol Oates

Mudwoman de Joyce Carol Oates
(Mudwoman)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Pacmann, le 26 décembre 2014 (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 094ème position).
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Renaître après avoir été enterrée

Abandonnée par une mère indigne et laissée pour morte à l’âge de six ans dans la boue des marais, Meredith Ruth (M.R.) est sauvée par un braconnier puis adoptée par Agatha et Konrad Neukirchen, un couple modeste tant matériellement que spirituellement. Voilà ce qui va influencer le destin de la brillante étudiante entourée de l’affection de ses nouveaux parents.

Elle devient à quarante ans, la première femme présidente d’une grande université et sera rattrapée par son passé. Pourquoi à quelques heures de donner une importante conférence M.R décide-t-elle de louer une voiture et de prendre un chemin de traverse en vue de retrouver le lieu où elle a été sauvée 35 ans plus tôt ?

Le récit, semé de flash-back, commence à la veille de la seconde guerre contre l’Irak, période à laquelle les Etats-Unis se divisent entre partisans d’une croisade contre les ennemis d’un monde chrétien blanc et hétérosexuel et ceux qui veulent que l’Amérique change et progressent en entrant d’un bon pied dans le vingt-et-unième siècle.

Loin de l’Amérique florissante, la touche politique et intimiste d’un auteur critique sur son propre pays, dépeignant la masse des laissés pour compte de cette société inégalitaire, nous conduit sur le chemin intérieur qu'une enfant maltraitée doit parcourir pour tenter de garder la tête hors de l’eau, se reconstruire et s’affirmer dans un monde impitoyable où le malin semble tenter sans arrêt de triompher.

Le lecteur est plus que pénétré par ce monde intérieur de l’héroïne. En effet, certains chapitres semblent s’apparenter à des cauchemars visant expressément à troubler ou à désorienter par des épisodes entretenant un certain malaise visiblement recherché par l’écrivain. Etait-ce réellement nécessaire d’ajouter ces épisodes ? L’auteur a ici pris un risque de ne pas pouvoir être comprise.

Joyce Carol Oates, fidèle à ses approches et thèmes, pour ne pas dire ses obsessions parvient tout de même à captiver un lecteur critique grâce à un style caractéristique prenant et recherché.

Passé quasi- inaperçu lors de la rentrée littéraire 2013, ce livre a pourtant le mérite de conserver un niveau littéraire élevé en atteignant celui de l’œuvre de référence de l’auteur « Les chutes ». Il donne en tout cas l’envie de découvrir davantage l’auteur.

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Chutes

5 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 28 décembre 2015

Meredith Neukirchen est une femme remarquable. Brillante philosophe, elle est la première femme présidente d'une prestigieuse université américaine. Travailleuse acharnée, respectueuse de ses convictions, elle est fière de sa réussite.
Jusqu'au jour où, poussée par une impulsion puissante, alors même qu'elle doit prononcer le discours inaugural d'un congrès de 1500 personnes, elle loue une voiture et quitte son hôtel pour suivre le cours de la Black Snake.
L'accident qui survient alors, ébranle le fragile édifice sur lequel M.R. s'était construite.
Car M.R n'a pas toujours été Meredith Ruth Neukirchen, fille de parents aux revenus moyens, elle a, il y a très longtemps, été la fille de Marit Kraeck.
"Mourir par accident: sûrement la plus miséricordieuse des morts !
Mourir de la main d'un autre : la plus cruelle ;
Mourir de la main d'un autre qui vous est proche, intime comme un battement de cœur : la plus cruelle de toutes."

M.R va prendre ses fonctions, mais les souvenirs se feront de plus en plus présents, de plus en plus perturbants.
"À distance, nous paraissons tous équilibrés. Quand notre "apparence" a pris le pas sur notre "être"."

Jusqu'au jour où les apparences ne pourront plus être sauvées.
Mêlant ses délires, souvenirs et faits réels, M.R arrive à la lisière de la folie.
"Elle était curieusement heureuse dans ce rêve. Ou plutôt elle n'était pas malheureuse. Une sensation de chaleur irradiait dans sa poitrine, dans la région du cœur. Mudwoman est aimée. Enfin. C'était absurde, le rêve-accomplissement d'un désir à son plus pitoyable, une compensation manifeste pour les manques de sa vie de femme ; le genre de fantasme primaire qu'elle n'aurait jamais pu se résoudre à raconter à un thérapeute , si elle avait suivi une thérapie : sa fierté ne lui aurait pas permis."

Joyce Carol Oates emporte avec un incroyable talent le lecteur dans la folie de son héroïne, le perdant dans les souvenirs fictifs ou réels, le déstabilisant en confondant hallucinations et réalité. Elle nous emmène aux limites de la raison, créant le malaise, avec parfois l'envie d'abandonner, tout en réussissant à "accrocher" le lecteur.
Une belle performance d'auteur ; malheureusement, j'ai trouvé vraiment très longue cette lecture ; particulièrement la première partie, les questions philosophiques ardues, et ce malaise brillamment entretenu ne m'a pas convenu.

Malaise déroutant

8 étoiles

Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 14 mars 2015

Lorsque je me suis renseigné sur Joyce Carol Oates, je me suis vite aperçu qu’elle faisait partie du clan des auteurs prolifiques. Mais contrairement à certains d’entre eux qui écrivent un roman de 100 pages par an, elle semble plutôt habituée à offrir de gros livres de type pavés. Et comme le veut le vieil adage « Mieux vaut la qualité que la quantité », j’ai craint à l’ouverture de « Mudwoman »entrer dans une nouvelle histoire superficielle.
Tels ne fut pas ma surprise et mon bonheur de découvrir qu’il n’en était rien. L’auteur nous narre le destin de Meredith avec une écriture exigeante et hypnotisante. Ce personnage principal et ses émotions sont parfaitement bien approfondis et j’ai voyagé sans résistance à l’intérieur du cerveau de cette fille miraculée devenue femme traumatisée. Faute d’une trame narrative passionnante, l’auteur s’amuse à nous dérouter à chaque scène créant ainsi une atmosphère déconcertante où le malaise est omniprésent. J’ai été balloté entre les rêves, les délires et les dépressions de cette héroïne de la vie. Cette plongée dans les bas-fonds d’un esprit torturé m’a secoué. Je suis ressorti ébranlé par la plume de Madame Oates qui a su renverser le poids de mes préjugés pour me compter parmi ses futurs adeptes.

Ressort psychologique fragile…

8 étoiles

Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 1 mars 2015

Mudwoman est sombre, même selon les normes de Joyce Carol Oates.
Fascinante, obsédante, à la limite intimidante, cette lecture regroupe tous ces attributs et beaucoup plus… Dès les premières lignes il est impossible de s’en détacher, même si celle-ci n’a rien de réconfortante ou de facile!
Oates est bien connue pour ses romans disposant de premiers rôles féminins qui ne ressentent le danger vers lequel elles se dirigent, avant qu'il ne soit presque trop tard d’y échapper.
Meredith Neukirchen a bien su faire oublier ses origines d'enfant de la boue, retrouvée et adoptée par des un couple de quakers après avoir été abandonnée par une mère folle. Mudwoman est raconté dans des chapitres qui alternent entre l'enfance de Meredith et sa vie présente comme premier président féminin d'une université “Ivy League” (université prestigieuse de la côte Est des États-Unis).
L’auteur, elle-même un professeur de Princeton depuis 1978, est très familière avec l'univers universitaire et en expose son fonctionnement interne en détail.

Celle qu’on nomme M.R. (Meredith Ruth) selon son désir, est brillante et respectée. Elle est devenue la présidente d'une université de renom, et le déséquilibre que Meredith redoutait risque de la faire chavirer.
Parce qu'une si grande partie de ce qui a lieu dans le présent se déroule entièrement à l'intérieur de la tête de M.R., le livre devient un contraste entre une présentation réaliste de son enfance et la présentation plus surréaliste des circonstances du moment présent. Menacée de surmenage, celle-ci retourne sur les lieux de son enfance.
Les fantômes du passé surgissent; ce qui se produit lorsque les démons d'enfance de M.R. s'immiscent dans sa vie présente est souvent douloureux à observer. De plus, alors que les fissures commencent à transpercer le personnage public, il faut s'attendre à être horrifiée par l'écroulement mental de l’héroïne tandis que le conseil d'administration universitaire essaye de contenir les dégâts et traiter les problèmes qu’elle crée pour l'école.

Les critiques littéraires sont unanimes à reconnaître que l’auteur n’a pas craint de se "mettre en danger" avec cet opus.
Mudwoman est parfois irritant car Oates, qui est un maître de ce style d'écriture, désire que le lecteur soit (au moins temporairement) aussi confondu que Meredith elle-même de ce qui est réel et ce qui arrive seulement dans ses rêves. La bonne nouvelle est que le lecteur patient constatera que la majorité, mais pas tout à fait toutes, des réponses sont révélées d'ici la fin du livre. Une lecture passionnante et difficile qui défie souvent le lecteur.

N.B. Lu en version originale américaine

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