Zones de Jean Rolin

Zones de Jean Rolin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Voyages et aventures

Critiqué par AmauryWatremez, le 3 décembre 2014 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 54 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 864ème position).
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Excursion sur les marges de Paris

Ce petit livre est un journal de voyages en quelque sorte de Jean Rolin à travers des endroits de Paris pas encore muséifiés ou bobolisés, un Paris insolite très loin de la « ville-monde » de Madame Hidalgo, pour le touriste américain, ou pour les badauds de Paris qui sont tous comme le rappelait Verlaine, des « péquenots », tout comme le « bobo » est généralement un paysan parvenu qui singe ce qu'il estime être les manières parisiennes car il en a les moyens financiers.

L'auteur raconte donc sa traversée de ces « zones » humaines, ses rencontres cosmopolites, pathétiques avec des piétons parisiens, des égarés, des pauvres fous en rade comme cette dame énorme qui lui raconte toute sa vie pour deux verres de « Côte », des clochards, des jeunes de banlieue, des couples insolites et, ou mal assortis, à un point excentrique, ou une « diversité » face auxquels il n'a aucun angélisme, ce qui est appréciable. Il note en passant, assistant à des rixes, à des « incidents », combien le discours larmoyant, ou en excuses, revient le plus souvent au même, « a contrario » de celui que l'on prête à la droite...

S'il ne verse pas dans un angélisme de mauvais aloi, il est par contre sans cesse bienveillant avec les personnes croisées, qu'il décrit et observe sans les moquer, ni leur faire la morale comme en ont l'habitude les bourgeois pédagogues. Ce sont beaucoup de « petites » gens qu'il évoque. En le lisant le lecteur mal avisé pourrait croire qu'il est proche de l'école « anodine » de Philippe Delerm, qui est également le créateur de l'école des « écrivains en pull raszip », consistant à monter en épingle des micro-évènements qui ne font pas de la littérature même si « la première gorgée de bière » était loin d'être un livre antipathique.

Ici, il faut considérer l'ensemble, ce sont tous ces portraits, toutes ces petites notations d'atmosphères, ces dialogues reconstitués, ces ambiances qui font un seul portrait, celui du Paris authentique loin des ouvrages érudits ou des clichés hollywoodiens, un Paris au visage goguenard face aux prétentions des puissants et des riches, où les milieux se mélangeaient dans les bistrots où l'on ne se souciait pas de manger cinq fruits et légumes, ou de ne pas trop boire, ou de boire « bio », ou de faire de ces « compétitions » œnologiques que les « bourgeois pédagogues » affectionnent, on y fraternisait entre classes, entre milieux et tant pis pour ceux qui ne voulaient pas. Les « bobos » sont bel et bien un de ces « bourgeois pédagogues » car ils ne supportent que « l'entre-soi » eux aussi...

Il ne se contente pas d'explorer la lisière sociale et les « marges » humaines, Il voyage littéralement sur celles de la Ville ne se rapprochant que progressivement des quartiers plus réputés et plus connus, finissant vers Montmartre, avant son « amélipoulinisation », le « café des deux moulins » était encore un endroit supportable, avant que d'être ripoliné par les bons sentiments du film de Jean-Pierre Jeunet, à l'époque.

Il m’apparaît d'ailleurs que hélas, s'il n'a pas complètement disparu, ce Paris n'existe quasiment plus peu ou prou, le livre datant de 1994, la muséification et les métastases bobolisantes ont fait leur œuvre, ainsi Belleville est-elle devenue un quartier bourgeois pour CSP++ aisées et libérées. Ce Paris est le mien, j'y suis chez moi. Des chapitres entiers de ce livre m'ont renvoyé à mon enfance -heureuse- dans le « 9-3- » au Raincy, à Gagny. Il m'a remis en mémoire ces images de la banlieue proche : Chelles, Villemonble, Vaires sur Marne, il m'a rappelé ces petits matins où il y a quelque chose d'incomparable pour qui veut bien le sentir dans l'air de Paris. Il n'y a que les cœurs insensibles, ou formatés par ces bons sentiments rappelés plus haut, qui ne comprennent pas que ces lieux recèlent en eux une incomparable poésie qui n'est pas bien cachée bien loin.

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Les éditions

  • Zônes [Texte imprimé] Jean Rolin
    de Rolin, Jean
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070401659 ; 6,90 € ; 14/01/1997 ; 176 p. ; Poche
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Déambulation en banlieue méconnue !

8 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans) - 8 juillet 2023

Jean Rolin (1949 - ) est un écrivain et journaliste français
"Zones" paraît en 1995.

De Boulogne-Billancourt à Boulogne-Billancourt, Jean Rolin nous entraine dans une escapade atypique à la rencontre de quartiers méconnus de villes de la banlieue parisienne.
Des hôtels avec vue sur terrains vagues et/ou autoroutes, à la rencontre d'une population bigarrée, d'échanges lunaires au comptoir de bistrots perdus .
On déambule au hasard de rues désertes, de quartiers aux architectures futuristes mal pensées.
Des longues descriptions un brin désabusées mais follement poétiques.

Savoureuses balades, quelque peu loufoques mais que l'auteur parvient à rendre attachantes.
Vous est-il déjà arrivé de démarrer un roman au bas de chez vous et de le terminer à 500 mètres de ce même domicile ?
C'est exactement ce qui m'est arrivé à la lecture de "Zones" qui décrit les rues de Boulogne-Billancourt que j'emprunte au quotidien .
Un mariage parfaitement réussi entre récit journalistique et roman.
Passionnant !

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