Pas pleurer de Lydie Salvayre

Pas pleurer de Lydie Salvayre

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sentinelle, le 9 octobre 2014 (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 15 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 170ème position).
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La guerre civile espagnole, année 36

Lydie Salvayre n’avait jamais éprouvé le besoin ni le désir de se consacrer aux souvenirs maternels de la guerre civile espagnole. Jusqu’au jour où cela lui est devenu une nécessité impérieuse. Pour aborder ce sujet, elle confronte d’un côté cette parenthèse libertaire qui fut pour Montse, la mère de la narratrice, un pur enchantement, et de l’autre côté les récits de Georges Bernanos, témoin direct de la répression des nationaux franquistes à Palma de Majorque. Il est tellement épouvanté par ce qu’il observe qu’il fuit l’Espagne tout en s'attelant à l'écriture de son récit Les Grands Cimetières sous la lune, dans lequel il dénoncera « cette saloperie des hommes lorsque le fanatisme les tient et les enrage jusqu’à les amener aux pires abjections ».

Afin de ne pas s’égarer entre les récits de Bernanos et la mémoire défaillante de sa mère, qui soixante-quinze ans après les événements, est pleine de méandres et de trous, Lydie Salvayre consulte également quelques livres d’histoire pour reconstituer le plus précisément possible l’enchaînement des faits.

Deux voix entrelacées donc, celle horrifiée de Bernanos et celle éclatante de joie solaire de Montse, pour qui l’arrivée dans la ville catalane aux mains des milices libertaires fut la plus grande émotion de sa vie. La nécessité également pour l'auteur de faire revivre cette année 36 et cette envolée de révoltes libertaires, qui n’auront pas d’autres équivalents en Europe et qui seront sauvagement réprimées.

Si la voix de Bernanos se fait entendre, il faut bien avouer que Lydie Salvayre privilégie avant tout celle de Montse, et ce pour notre plus grand plaisir. Une voix vibrante, émouvante, une voix qui s’exprime dans un français bancal, que la mère maltraite et estropie en intercalant des mots espagnols et des mots français malmenés. Cette voix de Montse, qui abuse aussi de gros mots depuis sa maladie, comme si elle pouvait enfin se libérer de la censure sociale, est sans aucun doute le plus bel hommage qui soit d’une fille à sa mère, qui nous la rend aussi attachante qu’inoubliable. Un récit vivant porté par une plume aussi révoltée qu’ironique car il vaut mieux en rire qu’en pleurer, même si…

Un seul bémol, quelques phrases ou slogans écrits en espagnol, pour garder tout leur impact et leur intensité, ne sont malheureusement pas traduits en bas de page par la maison d’édition. Mais ne vous laissez pas décourager pour autant, car il serait bien dommage de passer à côté de toute la verve de Montse.

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Souvenirs partagés

8 étoiles

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 41 ans) - 22 août 2021

Un roman aussi court que curieux, surtout dans la manière dont il est écrit. Autant le dire, c'est pas super évident de rentrer dedans, le style de Lydie Salvayre est à la fois très direct, très parlant, et quand même un peu abscons.
On y parle de la Guerre d'Espagne, en 1936, par le biais des souvenirs de la propre mère de l'auteure, qui est d'origine espagnole, et par les expériences personnelles de l'écrivain Georges Bernanos, dont le fils a combattu durant la guerre civile espagnole.
C'est parfois drôle, souvent émouvant, il faut juste s'accrocher parfois.
Pas un de mes Goncourt préférés, mais c'est à lire.

L'Art de la répétition... ou comment fabriquer un normopathe...

10 étoiles

Critique de Henri Cachia (LILLE, Inscrit le 22 octobre 2008, 62 ans) - 15 juillet 2018

L'art de la répétition ou comment fabriquer un normopathe.

Extrait :

« Les Fuentes, c'était leur nom, nourrirent l'enfant, le lavèrent, le couchèrent, l'habillèrent, et le conduisirent à l'école, irréprochablement.
Ils lui apprirent à dire merci, pareillement, après vous, s'il vous plaît, bonjour, au revoir, à se tenir droit, à essuyer ses pieds, à manger la bouche fermée, à ne pas répondre aux adultes, et à ne pas leur poser de questions.
Et lorsque le petit Diego, bravant leur interdiction, les interrogeait sur des sujets pressants comme le sont ceux qui occupent les enfants, des sujets concernant l'abandon et la mort, ils le sommaient de se taire, irréprochablement, soucieux de lui inculquer de bonnes manières : pas de questions, pas de mensonges.
Et lorsqu'il leur demandait si sa mère serait encore malade longtemps, combien ? Dix jours ? Vingt jours ? Cent jours ? (car il savait compter jusqu'à cent), ils lui répondaient, irréprochablement, de réviser ses leçons plutôt que de penser à des sottises.
Lors des visites bimensuelles de don Jaime, les Fuentes s'épuisaient en longues dissertations sur la bonne nourriture qu'on donnait à l'enfant, les bons vêtements qu'on lui achetait, et les bons soins corporels que journellement on lui prodiguait.
Mais l'enfant, bien qu'irréprochablement nourri, irréprochablement vêtu et irréprochablement astiqué, ressentait confusément un manque, une détresse dont il ne pouvait déterminer la cause. Il n'y a pas plus mélo, dis-je. Perfectement, me dit ma mère, et je te défends de te burler. C'est lorsqu'il était couché, seul, sans défense, dans le noir, livré aux ombres, sans un mot d'affection, sans un geste d'affection, sans un sourire d'affection, que le désespoir l'inondait et prenait la forme de choses terrifiantes. Alors il appelait au secours, il sanglotait, il ignorait de quoi il avait peur, mais il mourait de peur, et cette peur sans bords décuplait ses imaginations effroyables. (Il devait garder toute sa vie ce sentiment d'insécurité terrible qui finirait, dans les dernières années de sa vie, par tout recouvrir, et le conduire lui aussi à l'hôpital psychiatrique.)
Alors la mère de famille se rendait d'un pas calme dans sa chambre et lui demandait, irréprochablement, de pleurer moins fort pour ne pas réveiller la maison. S'il sanglotait encore, le père l'autorisait, irréprochablement, à laisser sa lampe allumée.
Et s'il continuait de pleurer, le père revenait, et lui faisait remarquer, irréprochablement, que les peureux étaient à ses yeux les plus lamentables des hommes.
Si bien que l'enfant en vint peu à peu à réprimer devant sa tia et son tio, comme il les appelait, toutes ses émotions, une contrainte que la plupart du temps les hommes ne s'infligent que tardivement. Il apprit à serrer les dents, à taire ses douleurs, à se durcir contre leur lame. »

Nul doute que Lydie Salvayre a dû en entendre des récits de la même teneur dans l'exercice de sa pratique psychiatrique.

Un peu confus

5 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 24 juin 2018

Sans doute un livre trop personnel pour permettre au lecteur d’y entrer facilement.

S’il a eu le Goncourt, il est assez évident que c’est plus par le thème abordé que par le style, qui manque totalement d’accessibilité.

La guerre civile espagnole n’a jamais été ma tasse de thé.

Retour sur temps terribles

7 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 30 octobre 2017

Plus qu’un roman, c’est probablement une épopée familiale romancée que ce « Pas pleurer ». Lydie Salvayre nous y parle sans trop de fards de sa mère arrivée à l’hiver de sa vie, affligée de pertes de mémoire immédiate mais avec une réminiscence intacte de ce temps de sa jeunesse qui la vit tenter de vivre aux moments terribles de la guerre civile espagnole.
La maman, c’est Montse, et elle a quinze ans en 1936 quand commence ce qu’on appellera la guerre d’Espagne. Montse raconte à sa fille ce qui fut son bel été d’émancipation, dans une période où le pire était partout,l’été où Montse quitte le giron familial pour débarquer à Barcelone en pleine guerre civile. Elle quitte une famille pauvre où le père, ouvrier agricole, n’est pas tendre et la mère plutôt soumise. Il y a bien son frère, Josep, qui découvre le milieu anarchiste, opposé en cela à Diego, fils adoptif de la famille du notable local, Don Jaume Burgos, qui lui s’intéresse aux idées communistes, mais la solitude est patente.
Impression d’immuabilité : l’Eglise qui prêche l’immobilisme et la soumission à l’ordre établi, le notable indéboulonnable et la misère comme point d’horizon. C’est dire si la fuite de Montse vers Barcelone, malgré toutes les difficultés rencontrées, fait figure de Graal ! Et puis il y a l’amour qu’elle a découvert auprès d’André, fugitivement, dans le cadre de la clandestinité, de mise à cette époque …
En contrepoint, Lydie Salvayre évoque le figure de Georges Bernanos qui fera, horrifié, la découverte de la complicité de l’Eglise avec les Phalangistes dans les massacres de Républicains lors de son séjour à Majorque en juin 1936 et qui donnera lieu à l’écriture de « Les grands cimetières sous la lune ».
Petit côté agaçant, Lydie Salvayre restitue la mauvaise connaissance de la langue française de sa mère, créant en quelque sorte un sabir de français-espagnol savoureux – le « Fragnol » - mais elle incorpore aussi carrément des lignes entières en espagnol qui, elles ne sont, incompréhensiblement, absolument pas traduites.
C’est un ouvrage qui aura remporté le Prix Goncourt 2014.

Un Goncourt quoi !

5 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 3 janvier 2016

Si le langage un peu écorché ne m'a pas du tout dérangé (au contraire cela donnait des pointes d'humour), l'absence de traduction des parties de texte en espagnol m'a laissé dans l'ignorance. (ça c'est dommage)

L'histoire à proprement parler ne m'a pas trop "accroché", malgré la gravité du sujet. J'ai lu de par le passé des livres mieux construits sur cette période trouble de l'histoire espagnole.

Je suis déçu, certes mais cette lecture ne fut pas un moment désagréable.

des résonances actuelles.

9 étoiles

Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 22 décembre 2015

Lydie Salvayre remet au jour la guerre d’Espagne à partir du prisme familial : souvenirs partiels et partiaux de sa mère pendant l’été 36, qu’elle complète de son propre chef, en y ajoutant notamment l’expérience du Bernanos des « cimetières sous la lune ».

Ces trois relations s‘additionnent, se font contrepoint parfois, et réjouissent le lecteur par une langue très vivante : Mintve raconte ses souvenirs dans une « langue bancale » qu’elle « estropie », ce qui autorise des mots insolites, des confusions cocasses, mais aussi des retouches, des incises ironiques, ponctuant l’échange entre la mère et la fille.

Cette dernière entretient aussi les attentes du lecteur par l’annonce de développements futurs,(prolepses), voire de fausses identités (« André….Malraux »). Elle met l’accent sur le rôle de la religion dans ce triste épisode franquiste :

« Comme si de rien n’était, l’épiscopat espagnol, vendu aux meurtriers, bénit la terreur que ces derniers instaurent « in nomine Domini ».
Et comme si de rien n’était, toute l’Europe catholique ferme sa gueule. »

Le lecteur sera sensible à des résonances actuelles, tel le détournement de la religion à des fins guerrières, tout comme l’aspiration de certains jeunes, bloqués dans une existence terne et sans avenir , à une vie mouvementée au service d’un idéal.

« L’idée de mener toute une vie planté au même endroit, de faire les mêmes gestes que son père, de gauler les mêmes amandes avec la même gaule, de cueillir les mêmes olives sur les mêmes oliviers, de prendre la même cuite tous les dimanches chez la même Bendicion, et de « baiser » (il le crie) avec la même femme jusqu’à sa mort, ça le déprime. »

Pourtant José, s’aperçoit vite que les grands mots masquent des idéologies délétères, dans les rangs franquistes adeptes du « vive la Mort », mais aussi parfois chez les Républicains :

« José, tout comme Bernanos à Palma, découvre qu’une vague de haine ronge ses propres rangs, une haine permise, encouragée, décomplexée, comme on le dirait aujourd’hui, et qui s’affiche fière et contente d’elle-même. »

Dans le collimateur de Lydie Salvayre, la droite dure et l’extrême droite, mais aussi son pendant islamiste, avec ses djihadistes et « fous de Dieu ».

On voit donc l’intérêt de cette lecture très vivante, qui, d’une langue allègre et colorée, joue sur différents registres, de la verve comique du mariage maternel, au destin tragique et prévisible de José etc.

La note finale avec le mot « surnuméraire » renverrait peut-être à la 2e fille de Mitve, jamais mentionnée, sauf à se dire que Lydie Salvayre est omniprésente dans ce livre par le truchement de l’échange magnifié par l’écriture

La petite histoire dans la grande

8 étoiles

Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 48 ans) - 28 septembre 2015

Montserrat est une vieille dame qui a presque tout oublié de sa vie, à mesure qu'Alzheimer grignote ses souvenirs. L'une des rares choses qu'elle n'a pas oublié, c'est ce fameux été de l'année 1936, quand l'Espagne commençait à se fragmenter et à s'affronter de toute part, et qu'elle s'est sentie vivante pour la première fois. Et c'est là l'histoire qu'elle raconte à sa fille, en "fragnol" : la misère, les traditions séculaires, l'humiliation de sa mère, la révolte de son frère, le départ vers la grande ville…
Bernanos, lui, ce même été, parcourt l'île de Palma de Majorque, notant dans ses carnets toute la folie des franquistes qui éliminent à tour de bras ceux qui leur paraissent suspects (et il y en beaucoup) sous la très bienveillante complaisance du clergé catholique. Ces notes seront à l'origine de son livre "Les Grands cimetière sous la lune".


La guerre d'Espagne… Rétrospectivement, je me dis que j'en connais peu à son sujet, alors qu'elle est à l'origine de l'exode de ma famille. Mon grand-père faisait partie de ces gens qui, comme la famille de Montse, n'étaient pas loin de crever la dalle sans espoir d'amélioration de leur situation. A la révolte et à la guerre, il a préféré l'émigration, mais ça, c'est une autre histoire.
J'ai beaucoup aimé ce livre de Lydie Salvaire, et pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'elle choisit de mettre en scène toute la complexité des parties prenantes de ces évènements dans un petit village espagnol. Tous les mouvements y sont représentés et s'affrontent, mettant au grand jour les grandes petitesses de la nature humaine : lâcheté, cruauté, vengeance... franquisme et communisme atteignant leur point critique dans l'affrontement entre le frère de Montse et son mari. La grande histoire nous est donc contée au travers de la petite, celle de ce personnage principal qui raconte à sa fille ce qu'il lui reste de ses souvenirs. J'ai également aimé la neutralité de l'auteur dans ce conflit : elle ne soutient ni les uns ni les autres, mais explique leur origine, et dénonce autant les exactions des uns que celles des autres. Les récits que l'on pourrait croire opposés de Montse et de Bernanos, que lit le narrateur, sont finalement très proches dans leurs contenus, alors qu'ils s'intéressent à des partis opposés qui se passent à des endroits différents. C'est la subjectivité qui change.
Pas pleurer est un livre à la fois drôle et émouvant, aussi bien dans son histoire que dans la façon dont elle est écrite. J'y ai trouvé un côté très espagnol, dans le "machisme" des hommes, leur fierté qui tend à l'orgueil ou la morgue, dans l'excès des discours et des comportements, une espèce d'excentricité que l'on retrouve dans les films d'Almodovar par exemple. J'ai été enchantée par le "fragnol", ce langage que Montse parle, mélange très imagé de français et d'espagnol. Le texte est émaillé de nombreux slogans ou expressions espagnoles non traduites. Mon espagnol scolaire remonte à loin, mais je n'ai pas eu de mal à les comprendre. La plupart du temps, les mots espagnols utilisés sont proches de mots français, et les expressions plus typiques sont reprises en français.
Enfin, ce livre m'a été offert par une amie proche. Comme ça, pas pour une occasion particulière, juste pour le plaisir de me faire plaisir. Alors forcément, avant même de l'ouvrir, je l'aimais presque déjà…


Il faut que tu sais, ma chérie, qu'en une seule semaine, j'avais augmenté mon patrimoine des mots : despotisme, domination, traitres capitalistes, hypocrésie bourgeoise, cause prolétarienne, peuple saigné à blanc, explotation de l'homme par l'homme et quelques autres, j'avais apprendi les noms de Bakounine et de Proudhon, les paroles de Hijos del Pueblo, et le sens de CNT, FAI, POUM, PSOE, on dirait du Gainsbourg.

L'épiscopat espagnol n'a cessé au long des siècles de trahir, de dévoyer et de défigurer le message christique en se détournant des pauvres au profit d'une poignée de "canailles dorées". L'Eglise espagnole est devenue l'Eglise des nantis, l'Eglise des puissants, l'Eglise des titrés. Et ce dévoiement et cette trahison ont atteint un sommet en 1936 lorsque les prêtres espagnols, de mèches avec les meurtriers franquistes, ont tendu leur crucifix aux pauvres mal-pensants pour qu'ils le baisent une dernière fois avant d'être expédiés ad patres. Pour l'exemple.

Il y a quelque chose, disait-il, mille fois pire que la férocité des brutes, c'est la férocité des lâches.

No comprendo

8 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans) - 10 mai 2015

En commençant la lecture de ce roman, j'ignorais deux choses: qu'il avait obtenu le prix Goncourt 2014, et la langue espagnole.
Ah si, je connaissais deux mots: paëlla et retirada, souvenirs de vacances à Prats-de Mollo (Pyrénées orientales). Je ne sais toujours pas l'espagnol mais satisfaite de savoir que sur les deux mots, le deuxième m'a été utile…

En abordant les premières pages du livre, j'ai eu trois réactions: la première a été d'aller voir en fin de livre si les traductions étaient fournies ; la seconde a été un sentiment de frustration devant l'abondance de citations, puis de colère (inutile) pour ce livre que j'avais envie d'abandonner au bout de quelques dizaines de pages malgré les conseils d'une amie.
Alors, j'ai persévéré. Et je ne le regrette pas.

Quant Josep et Montse arrivent à Lerida, j'ai oublié ma méconnaissance de leur langue pour suivre leurs destins, partager leur enthousiasme, mais aussi leurs drames, leurs espoirs et leurs déceptions personnels et politiques au milieu d'un Espagne qui se cherche, une Espagne en pleine guerre, la prise de pouvoir de Franco, les contradictions des révolutionnaires, les revirements des populations, les atrocités d'une guerre civile soutenues par un clergé à l'aveuglement ordonné.
"Ce qui importe à présent, ce qui importe furieusement, c'est de classer les gens en bons ou en mauvais, selon leur étiquetage politique... car ces appartenances priment désormais sur tout le reste..."

Montse, à peine sortie de l'adolescence, qui, à 15 ans, a "l'air modeste" qui convient pour travailler dans la maison bourgeoise des Burgos où elle se retrouvera quelques mois plus tard... en tant que bru. C'est là qu'elle prendra la pleine mesure du décalage indélébile entre les familles populaires dont elle est issue et les familles bourgeoises, par une sorte d'immobilisme résigné.

Et l'idée remarquable de mêler le destin de Bernanos dont la clairvoyance nommera le mal à venir : "Je ne me lasserai pas de répéter que nous pourrons entreprendre un jour ou l'autre l'épuration des français sur le modèle de l'épuration espagnole, bénie par l'épiscopat... "

Un livre marquant qui nous fait vivre des pages douloureuses de l'histoire de l'Espagne, égayé par le savoureux français parlé par une Montse nonagénaire, pour qui ces années resteront malgré tout parmi les meilleures de sa vie, son premier sentiment de liberté.

Espoir et désespoir

7 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 56 ans) - 22 mars 2015

Lidia écoute sa mère Montse raconter l'année décisive de sa vie, l'année 1936 en Espagne. A quinze ans, Montse espère comme son frère José que la révolution va les tirer de la misère et de l'ennui de leur petit village à l'esprit étriqué. Epris de liberté, ils partent pour la grande ville, mais déchanteront vite.
Montse raconte son histoire dans un français fleuri par des mots d'espagnol francisé à sa manière. Mais comme les critiques précédents, j'ai trouvé qu'il y avait trop d'espagnol dans ce livre : pour ceux qui ne le comprennent pas, c'est frustrant.
Lydie Salvayre fait de très nombreuses allusions à Bernanos, qui séjourna en Espagne pendant la guerre civile et qui fut choqué par la barbarie des combats et révolté par la complicité du clergé espagnol avec Franco. Elle explique la situation historique de la guerre civile espagnole, mais ne me la rend pas plus compréhensible pour autant !

passions et fureur de la guerre

8 étoiles

Critique de Mine2 (, Inscrite le 11 octobre 2013, 64 ans) - 4 février 2015

quelle critique faire après celle de Sentinelle ? tout est dit et bien dit .
j'ajouterais simplement que la seconde partie du livre m'a moins plu à cause des invraisemblances de la vie de Montse dans sa nouvelle famille .

Les souvenirs d'une guerre civile

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 16 novembre 2014

Ce témoignage romancé est important, historiquement bien sûr, pour découvrir le ressenti de républicains, d'une réfugiée, face à la montée et la prise de pouvoir du franquisme. Il l'est également littérairement, car il interroge sur la place du parler populaire et familier, utile pour retranscrire, divulguer une ambiance en la restituant fidèlement. De plus, le statut de réfugié, l'âge aidant, fait mélanger les langues.
Le revers de cette médaille tient à la place peut-être un peu trop grande faite à l'argot, qui plonge un peu trop le récit dans l'émotionnel, le ressenti, qui ont leur importance, mais la narration, du même coup, manque un peu de recul ; et les phrases, nombreuses, en espagnol, ne sont pas traduites. J'ai la chance de comprendre, mais, pour les autres, l'omission est fâcheuse.
Sur le fond, ce récit fait bien de parler du rôle de l'Eglise, de sa compromission et de son asservissement au régime qui est en train de s'instaurer dans ce pays. Dans le pieux VIIème arrondissement de Paris, cela crée un débat assez vif, créant, à tort, à mon sens, des réactions outrées, ou au moins de vive contrariété. L'Eglise peut se tromper : c'est ce qu'elle a fait pendant cette époque.

Malgré ses travers formels, il s'agit bien d'un livre important, indépendamment du Goncourt qui lui a été décerné.

Utopie ibérique

7 étoiles

Critique de Ndeprez (, Inscrit le 22 décembre 2011, 48 ans) - 15 novembre 2014

Bin oui , pour faire écho a une discussion assez animée sur les forums , je fais comme beaucoup de monde , je lis le Goncourt de l'année. Je n'avais pas entendu parler de ce texte et je dois avouer que le synopsis entendu lors de la remise du prix m'a intéressé.
Sur l'histoire je n'ajouterai rien à la critique principale si ce n'est qu'elle m'a permis d'en savoir plus sur le conflit qui a déchiré l'Espagne peu avant le début des hostilités de la 2ème guerre mondiale.
Un peu comme Bernard2 , je regrette que de très nombreux passages soient en langue espagnole (non traduite) ce qui entache un peu la lecture (j'ai eu l'impression d'être un peu mis à l'écart , ne parlant pas du tout cette langue).
Je sors mitigé de la lecture de "Pas pleurer" , mais avec l'envie de lire Bernanos , est ce l'intérêt principal de ce livre ?

Prix Goncourt 2014

5 étoiles

Critique de Bernard2 (DAX, Inscrit le 13 mai 2004, 74 ans) - 13 novembre 2014

La critique de Sentinelle est fort bien écrite. Et depuis cette mise en ligne, le livre a reçu le prestigieux prix Goncourt.
Sur le fond (l'histoire), je n'ajouterai rien. Sur la forme, il est certain que chacun réagira selon sa propre sensibilité. Personnellement, je n'ai pas aimé ce style. Une vulgarité déplacée, que l'auteur essaie de justifier, mais qui ne m'a pas convaincu. Une français châtié, beaucoup trop, ce qui finit pas exaspérer. Et de nombreuses phrases en espagnol, non traduites, que je n'ai pas comprises.
Je suis souvent déçu par le prix Goncourt. C'est encore le cas cette fois-ci.

Le Goncourt 2014

8 étoiles

Critique de Christian Palvadeau (, Inscrit le 19 janvier 2011, 59 ans) - 10 novembre 2014

Le narrateur de ce roman est assez curieux. On pourrait, dire qu’il s’agit d’un binôme, d’une double voix, celle de la vieille mère de Lydie Salvayre qui maîtrise mal le français, écorche les mots, les transforme, en invente et raconte ce que fut sa vie dans les années 1930 au sein d’un village espagnol, sur laquelle se greffe celle puissante de Lydie Salvayre elle-même. Un village donc, un peu archaïque, un monde de traditions, marqué par le machisme, la tyrannie des hommes, une condition ouvrière misérable, en quasi servage, le joug religieux et un avenir tout tracé pour les jeunes : la reproduction à l’identique de ce que vécurent leurs parents. L’année 1936 cependant marque l’arrivée d’idées nouvelles, un souffle de liberté, court hélas, en même temps que les atrocités de la guerre civile, avec d’un côté la collision des Franquistes et des autorités catholiques que dénoncera courageusement Bernanos, de l’autre la lutte fratricide entre des libertaires un peu utopiques et des communistes très dogmatiques.

Un tableau fort de l’Espagne de 1936 à travers une reconstitution familiale.

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