3 minutes 33 secondes de Esi Edugyan

3 minutes 33 secondes de Esi Edugyan
(Half blood blues)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Yotoga, le 3 mars 2014 (Inscrite le 14 mai 2012, - ans)
La note : 8 étoiles
Visites : 3 068 

Le jazz en 40

Paris 1940. Trois musiciens de jazz font un disque : Sidney Griffiths « Sid », le narrateur à la contrebasse, Charles « Chip » Jones ( à la batterie) qui viennent de Baltimore et se connaissaient depuis l’enfance, et Hieronymus Falk, le môme, un métis allemand apatride à la trompette. Ils ont rendez-vous avec Louis Armstrong. Hiero se fait arrêter par la Gestapo un dimanche matin, sans papiers.

Berlin 1992. Dans un festival à l’honneur d’Hiero, Chip et Sid se retrouvent et la mémoire fait face aux suspicions enfouies depuis des années.

Berlin 1939. A la base, dans la bande de musiciens, ils étaient six : Paul Butterstein le juif au piano, arrêté et enfermé à Sachsenhausen, Ernst von Hasenberg à la clarinette, de famille noble allemande nazie qui fournit des papiers au groupe qui part pour Paris, et Fritz Bayer au sax-alto qui a eu la possibilité de travailler pour les Golden Seven mais qui finalement s’est caché à Hambourg dans un bordel jusqu’à la fin de la guerre. Ce sont les péripéties d’un voyage entre l’Allemagne et la France qui vient juste d’entrer en guerre et d’un enregistrement du dernier disque avant de mourir, un disque de jazz comme un acte de résistance, inespéré et désespéré. 3min33sec. Ce disque qui sera la raison de la renommée de Hiero, mais aussi la raison de sa mort.

Pologne 1992. Hiero est-il encore en vie ? Chip et Sid vont-ils retrouver Hiero ? et pourquoi celui-ci est resté muet si longtemps ? Pourquoi a-t-il choisi la Pologne pour vivre ?

Sur fond de guerre, cachés dans des appartements, sans papiers et souvent sous prise de l’alcool, on suit les compères dans les trahisons et les soutiens humains. Le racisme envers les personnes de couleur et « leur musique de sauvages » est déjà dépassé, maintenant, ils sont traqués et proie facile sur tout le territoire européen. Mais les différences de niveau de talent et les jalousies amoureuses pimentent le quotidien qui bascule en quelques jours.
Ce livre chante une amitié entre les âges. Parce que dans la musique comme à la guerre, il faut pouvoir faire confiance aux amis qui soutiennent. Quand Sid n'a pas le niveau musical et qu'il est porté par Hiero, ou quand les fameux passeports arrivent d'une personne inconnue, le lecteur a l'impression d'être porté par le soutien humain.

Certains passages sont longs mais l’auteur détaille dans chaque note les personnages. La langue utilisée est proche de l’argot sur toute la longueur du livre : quelquefois difficile à suivre mais donne un charme particulier, on reconnait le slang américain qui tourne dans la bouche et les airs de jazz dans les caves enfumées.

« je voyais la foutue bannière couleur sang se lever partout dans Paris. Même la tour Eiffel était drapée de cette araignée noire qui dansait » page 335.

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