Rites de passage de William Golding

Rites de passage de William Golding
(Rites of passage)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Lecassin, le 3 mars 2014 (Saint Médard en Jalles, Inscrit le 2 mars 2012, 68 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 898ème position).
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Un journal de bord...

La trilogie maritime de William Golding : « Rites de passage » 1980, « Coup de semonce » 1987 et « La Cuirasse de feu » 1989… Mais intéressons-nous à « Rites de passage »…
J'ai découvert William Golding en 1983, alors qu'il vient de recevoir le prix Nobel de littérature. Aussitôt, je sens une attirance : je lis « Sa majesté des mouches » ; bien, mais bof, finalement. Il faudra un certain nombre d'années et le Challenge Nobel pour que je « remette le couvert » avec ce « Rites de passage »…
En fait, un journal de bord promis à son parrain – exhaustif des petits riens de la vie à bord – par Edmund Talbot qui fait route d'Angleterre en Australie à bord d'un voilier : une longue traversée, un voilier, un microcosme...

Outre l'équipage, dirigé d'une main ferme par le capitaine Anderson, nous fréquenterons le couple Miss Granham et Mr Prettiman, Mr Brocklebank, et sa «fille» Zenobia, et d'autres encore… Et parmi eux le révérend Robert James Colley qui offrira au lecteur un rebondissement inattendu dans ce huis clos maritime, et dont une lettre à sa sœur apportera un éclairage nouveau sur l'épopée… car il s'agit bien d'une épopée, sans tempête et sans naufrage ni sauvetage, sans canonnades ni ennemi vu ou entendu ; mais une épopée quand même.

« Rites de passage », une allusion aux rites en usage dans la marine pour le premier passage de l'équateur… oui certes, mais aussi à ceux qui amènent un jeune aristocrate promis à un riche avenir – en l'occurrence, coopté par son parrain, un poste important en Australie – à passer à l'âge adulte.

Un roman initiatique qui ne manque pas de rappeler Michel Tournier par certains côtés et Jean-Marie le Clézio par d'autres. Superbe !

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Trilogie maritime (1)

9 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 3 septembre 2014

“Rites de passage” est le premier ouvrage de ce que William Golding regroupa en une trilogie ; la “Trilogie maritime”. Les deux autres étant « Coup de semonce » (2) et « La cuirasse de feu » (3). Ces trois romans se suivent réellement, même si la trilogie est commencée en 1980 (Rites de passage), poursuivie en 1987 (Coup de semonce) et terminée en 1989 (La cuirasse de feu). Au passage, entre 1980 et 1987, trois autres romans seront intercalés. Il vaut clairement mieux les lire dans l’ordre, les 2 et 3 reprennent les personnages et éléments développés dans le 1.
« Rites de passage » s’entame en 1814, lorsque Napoléon abdique et est envoyé en exil à l’île d’Elbe. Ce n’est pas dit explicitement, mais comme William Golding, anglais comme chacun sait, a entrepris de nous narrer la traversée de Londres vers l’Australie d’Edmund Talbot, jeune aristocrate anglais qui part prendre une fonction administrative importante dans ce nouveau territoire, il est évident lorsque le vaisseau s’élance pour cette très longue traversée qu’une mauvaise rencontre avec un vaisseau français (la France pays en guerre alors avec l’Angleterre) est possible – et non souhaitée. Dans la suite de « Rites de passage », nous apprendrons que Napoléon a quitté le pouvoir et a été exilé. Nous savons donc dater cette traversée ; dans l’année 1814.
On a peine à imaginer le défi que représentait alors un départ pour un si long cours sur un vaisseau uniquement mû par ses voiles sur des mers où des vaisseaux ennemis pouvaient croiser, et où le sextant et l’estimation de la vitesse étaient les seuls moyens de se repérer au milieu des océans. On a peine, mais pas William Golding. Il parvient à nous plonger complètement dans cet étroit monde nouveau dans lequel vont « mariner » des mois Edmund Talbot et ses compagn(es)ons de voyage (j’allais dire d’infortune !).
C’est qu’il n’est pas seul, Edmund Talbot – et heureusement pour nous tenir en haleine sur trois ouvrages ! Il y a ceux qui évoluent dans la même classe que lui, une classe qu’on qualifiera de « upper-class ». Il y a l’équipage du vaisseau et singulièrement les officiers et sous-officiers, les matelots étant relégués, au même titre que les émigrants qui voyagent dans les cales, au titre de faire-valoir.
Un mot du vaisseau : ancien navire de guerre, promis à la réforme, il effectue une de ses dernières traversées reformaté en transport de passagers. C’est qu’il s’agit d’aller peupler l’Australie, la colonie.
« Rites de passage », le titre, peut être interprété de différentes manières ; c’est bien sûr le passage de l’Equateur, qui donne lieu à des rites, enfin des humiliations plutôt. C’est le rite de passage à l’âge d’homme pour un Edmund Talbot, bien jeune encore et dont le principal titre de gloire est surtout d’avoir un parrain haut placé dans l’Administration anglaise et potentiellement influent sur les carrières ultérieures des officiers du vaisseau, (oui, il est bien jeune notre Edmund, et il va rapidement s’apercevoir que de longs mois vécus en vase clos en société restreinte peuvent changer les perspectives). Mais cette interprétation me parait surtout pertinente pour les deux suites de « Rites de passage ». Il y a, de manière subliminale, les rites de passage pour un officier monté du rang, situation peu acceptée dans une société anglaise où les positions sociales sont excessivement figées. Il y a les rites religieux, d’un prêtre surtout qui va jouer un rôle clé dans ce volume ci, le Révérend Robert James Colley, un rôle clé et un destin abominable.
Des rites, il y en a à foison …
On peut considérer ce premier volume de « la Trilogie maritime » comme un premier acte « d’exposition » : le cadre, les personnages, le contexte. Mais il serait réducteur de ne le prendre qu’ainsi tant la plume de William Golding est imaginative et bavarde – mais bavarde dans le bon sens du terme. Prolixe, plutôt.

Premier contact d’Edmund Talbot avec le vaisseau :

« Bref, je suis à bord. J’ai gravi le flanc bombé et goudronneux de ce qui fut jadis, au temps de sa jeunesse, l’un des plus formidables vaisseaux de la marine anglaise. J’ai franchi une sorte de porte basse, pénétré dans l’obscurité d’un pont et j’ai eu aussitôt un haut-le-cœur. Ciel, quelle odeur nauséabonde !
Une grande agitation régnait dans un demi-jour artificiel. Un individu qui se présenta comme mon serviteur me conduisit à une espèce de cabane étroite à flanc de navire, dont il m’assura qu’elle était ma cabine. C’est un vieil homme qui traîne la jambe ; de chaque côté du visage anguleux, une touffe de cheveux blancs. Une calvitie luisante relie ces deux touffes.
« Dites-moi, mon brave, quelle est cette puanteur ? »
Il leva son nez pointu et regarda tout autour de lui comme s’il allait apercevoir l’odeur fétide dans l’obscurité plutôt que la flairer. « Une puanteur, monsieur ? Quelle puanteur, monsieur ? »
…/…
« Mon Dieu, monsieur, me dit-il, vous allez bientôt vous y faire !
- Je n’ai pas du tout envie de m’y faire ! Où est le capitaine de ce navire ? »
Le visage de Wheeler s’allongea et il m’ouvrit la porte de la cabine.
« Le capitaine Anderson lui-même n’y pourrait rien, monsieur, dit-il. C’est le sable et le gravier, voyez-vous. Sur les nouveaux bateaux, le lest, c’est de la ferraille ; mais celui-ci est bien trop vieux. S’il avait été entre deux âges, comme qui dirait, on l’aurait débarrassé de son vieux lest. Mais pas lui. Il est trop vieux, voyez-vous. Personne n’aurait voulu y changer quelque chose, monsieur. »

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