En chute libre de Leon Rooke

En chute libre de Leon Rooke
( The fall of gravity)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Libris québécis, le 21 juin 2003 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 111ème position).
Visites : 3 642  (depuis Novembre 2007)

Le Mal profond de l'Amérique

Rooke est un Canadien d'origine américaine. Son oeuvre que l'on a commencée à traduire en 2002 date d'environ trente ans. En 1981, il remportait le Prix du Gouverneur général avec Shakespeaure's Dog. Même cet honneur n'a pas lancé cet auteur en dehors des frontières de l'Ontario. En chute libre vient donc de paraître en français. Comme d'habitude, la traduction dénature le roman en lui donnant un air hexagonal. Même le titre ne convient pas davantage au roman. The Fall of Gravity aurait dû être traduit littéralement pour répondre au propos de l'auteur.
À la manière des héros de road novels, les personnages parcourent l'Amérique pour se donner une consistance, pour remédier leur manque de gravité. Les personnages vivent dans un état d'apesanteur à cause du manque de valeurs auxquelles ils pourraient s'accrocher. Tout autour d'eux est en chute libre dans le sens que les cadres sociaux chambranlent sur leurs crochets, comme la foi incarnée par ce prêtre défroqué incapable d'assumer son sacerdoce à cause de cette absence de gravité. Mais les héros, eux, sont en quête d'une identité, qui leur redonnerait leur état de pesanteur, contrairement aux héros de Jack Kerouac, qui, eux, la fuient dans On the Road.
L'auteur a bien choisi sa métaphore de la course, de cette quête d'espace, où le questionnement métaphysique aurait sa réponse . L'Amérique est un réseau routier à nul autre pareil, réseau qui conduit partout et nulle part. Un réseau qui empêche en somme l'enracinement. L'Amérique est une route qui permet tous les cheminements, un easy rider qui conduit finalement à la solitude, parce que tous courent après une existence qui ne peut voir le jour si l'on ne s'arrête pas.
Joyel a quitté son mari et sa fille adolescente justement pour trouver un ciel à sa mesure. Son exil à l'intérieur de son propre pays est comparable à celui des immigrants. Existe-t-il un espace idéal pour se réaliser? Déçue par un mari alcoolique, elle est en quête d'une existence nouvelle. Les siens ne l'entendent pas ainsi. C'est la course folle pour la retrouver, une course qui nous montre le manque de gravité qui caractérise l'Amérique. Ce pays en apesanteur avec ses fugueurs, ses auto- stoppeurs, qui me rappellent ce jeune que j'avais fait monter dans ma voiture. À ma demande de sa destination, je n'ai obtenu comme réponse qu'un «je ne sais pas». A ce compte-là, le voyage risque d'être long comme celui du héros de Louis Gauthier. C'est la mode en Amérique, ces road novels dans lesquels les héros partent en «no where», pensant que leur destinée va leur être signifiée comme à Saint Paul sur le chemin de Damas. On peut comprendre que cette situation favorise les sectes, qui ont le vent dans les voiles et les mains dans les portefeuilles. Même la quête métaphysique a un prix.
Ce n'est pas un roman à lire quand on est «down». C'est un portrait sombre d'un Amérique qui se meut sur des routes sans système de signalisation. À ce titre, c'est une oeuvre très révélatrice du mal à l'âme de notre continent. L'auteur ne raconte pas une histoire, il décrit un phénomène de société.

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Voyage au bout de l'ennui

9 étoiles

Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 21 juin 2003

Superbe critique de Libris québécis qui cerne bien le mal de vivre américain. « L'Amérique est un réseau routier à nul autre pareil, réseau qui conduit partout et nulle part. Un réseau qui empêche en somme l'enracinement. L'Amérique est une route qui permet tous les cheminements, un easy rider qui conduit finalement à la solitude, parce que tous courent après une existence qui ne peut voir le jour si l'on ne s'arrête pas ». « Ce pays en apesanteur avec ses fugueurs, ses auto- stoppeurs », dont j’ai fait partie ( !!!) avec la surprise d'être prise par un automobiliste qui n'allait nulle part puisqu’il vivait dans sa voiture…« des héros partant en no where, pen

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