Huis clos entre jeunes filles de France Théoret

Huis clos entre jeunes filles de France Théoret

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 21 juin 2003 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 7 étoiles
Visites : 3 585  (depuis Novembre 2007)

Pensionnat pour jeunes Québécoises

Les Québécoises d'un certain âge se souviennent de ces pensionnats pour jeunes filles qu'il fallait fréquenter si l'on voulait accéder à des études supérieures, mais interdites au-delà du bachot. Ce n'est que tout récemment que les portes de nos universités se sont ouvertes à l'autre moitié de la société. Pour les filles, trois possibilités s'offraient à elles : l'école ménagère, l'école infirmière ou l'école normale. Cette dernière institution n'est pas ce qu'elle représente en France. C'était un court séjour pendant lesquels les enseignants faisaient souligner des passages soi-disant importants des manuels pédagogiques dépassés, mais approuvés par l'.glise. On en sortait avec un brevet C, B ou A selon le nombre d'années que l'on passait dans l'établissement.
France Théorêt introduit le lecteur dans l'univers feutré de ces pensionnats dirigés par des religieuses, qui préparaient à l'enseignement, les jeunes filles des années 50. Comme c'est un roman en flash-back, l'auteure présente en amorce une fonctionnaire municipale qui reçoit une lettre évoquant ce passé de ses seize ans. Il faut croire, l'auteure ne le dit pas, que l'héroïne n'a pas exercé la fonction pour laquelle elle s'était préparée. Quoi qu'il en soit, c'est le portrait d'une jeune fille de la décennie 50 que l'on trace. Un portrait qui la montre soumise aux diktats de l'époque afin de se préparer aux responsabilités et aux devoirs de la bonne chrétienne sur laquelle comptait l'église pour protéger son pouvoir.
Dans un premier temps, l'auteure nous familiarise avec ce lieu sacro-saint, où chaque jeune fille disposait d'un espace protégé par des tentures qui les isolaient de leurs voisines. Après avoir évoqué la matérialité de cet établissement, on s'attarde à l'ambiance qui y prévalait. Il va sans dire que tout était prévu pour que les jeunes filles étudient dans une atmosphère comparable à celle d'un cloître. Les élèves y menaient presque une vie de religieuse contrairement aux garçons, qui étaient beaucoup plus libres de leurs faits et gestes.
Après avoir franchi cette barrière, l'auteure pénètre le coeur de son héroïne. De prime abord, cette dernière s'ouvre sur ses compagnes en leur offrant son amitié afin de s'insérer dans ce microcosme féminin. La fuite de sa solitude lui donne accès à ce qu'elle est. C'est en se frottant aux autres que l'on découvre qui l'on est. Ce qu'elle ne manque pas de confier à son journal personnel. Dans ses contacts, elle cherche à donner le meilleur d'elle-même, mais elle réalise qu'il est bien difficile d'atteindre le coeur d'autrui. D'ailleurs, elle sera rabrouée amèrement par Yolande, de quatre ans son aînée, qui l'avait pourtant ouverte sur le monde en lui prêtant La Vingt-cinquième heure de Gheorghiu. Ses découvertes l'initient donc à la vie. Innocente, elle apprendra que le pensionnat n'est pas un reflet de la société. Elle sent que son morne quotidien répond davantage à l'idéal souhaité par ceux qui détiennent les rênes du pouvoir. Mais c'est sa condition féminine qui lui déplaît le plus. Elle voit bien que sa mission sur terre, ce n'est pas de reculer les frontières de l'ignorance, mais de perpétuer les conventions établies.
En somme, ce roman initiatique rappelle l'éducation donnée jadis aux filles. Quoique l'auteure souligne l'essentiel de l'âme de son héroïne, elle lance un os bien maigre à gruger. Même l'écriture me fait sourciller. Ses expressions me font sourire, surtout quand je lis que «sa lucidité verbale éveilla ses craintes.» Le «verbale» donne de l'élégance à la phrase, mais il est employé à mauvais escient. Le pire, selon moi, c'est que l'auteure ne parvient pas à raconter une histoire qui débouche sur une synthèse. Elle raconte bien comment se sentait la jeune femme des années 50, mais son récit ne constitue pas un développement à un élément déclencheur. C'est un portrait intimiste comme l'indique le titre. En terminant le roman, on se dit que ç'a bien changé. Pas fort fort comme conclusion. Comme complément de lecture, on assouvira davantage sa faim avec Une nuit entière de Christiane Frenette.

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