La Révolution française ou Le triomphe de la troisième fonction de Patrick Geay

La Révolution française ou Le triomphe de la troisième fonction de Patrick Geay

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Essais , Sciences humaines et exactes => Spiritualités

Critiqué par Patmos, le 17 novembre 2013 (Inscrit(e) le 6 décembre 2010, - ans)
La note : 10 étoiles
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Révolution à propos de la Révolution.

Ce travail fascinant, fraîchement paru, nous est proposé par Patrick Geay, auteur du mémorable Hermès Trahi – L’Harmattan 2011 – qui, sous le couvert de sa thèse de doctorat en philosophie soutenue en 1996, nous avait livré une extraordinaire vision du processus d’altération de l’humanité au cours de l’histoire, décrivant avec une acuité implacable les marques repérables de cette dégénérescence ontologique, du nominalisme à la psychanalyse, éclairant au passage les insuffisances et les constructions privatives des philosophes modernes. L’ouvrage, au titre puissamment évocateur, avait particulièrement mis en lumière la perte croissante pour l’homme de sa capacité d’accès à la dimension imaginale, véritable déracinement aux conséquences tragiques.

Se concentrant ici sur la Révolution française, Patrick Geay bâtit en une magistrale synthèse un vaisseau qui nous mène en profondeur vers une vérité inédite: cet évènement serait un tournant majeur pour ce cycle d’humanité, non seulement parce qu’il confère à la troisième fonction - celle de la production, incarnée par les vaichyas (artisans-commerçants) -, une suprématie sur la société humaine – et donc sur les autres fonctions – qui conduit inexorablement cette dernière à sa perte, mais aussi parce que beaucoup des faits qui le composent sont extraordinairement signifiants au plan téléologique.

L’auteur s’en explique tout d’abord en rappelant «l’analogie constitutive du microcosme et du macrocosme» (1) dans les trois ordres de l’existence : la constitution de la nature humaine (spirituel, psychique, physique), la structure sociale traditionnelle des sociétés indo-européennes (brahmanes, kshatriyas, vaishyas) et l’économie même de la manifestation (spirituel, imaginal, corporel). Il démontre ensuite que la désorganisation des relations entre les fonctions sociales – dont les natures humaines sont les supports appropriés – est consubstantielle à la descente cyclique, et tisse pour se faire des liens entre des faits historiques qui s’enfilent telles des perles sur le collier d’une prédétermination manifeste. Prélevant avec une grande intuition, ici et là, des éclats de vérité chez des penseurs de référence, s’appuyant en partie sur Leibniz, Bossuet et osant Marx (2), sous les instances de Platon et bien sûr de Guénon, Patrick Geay matérialise sous nos yeux une trame méta-historique à la complexité inimaginable, occidentale autant qu’universelle.

La deuxième partie n’est pas en reste avec l’abord de la doctrine de la bicorporalité (3), cible principale de la Révolution française. Là résidait tout l’enjeu pour les forces en présence. Il s’agissait d’amputer concrètement l’homme de son potentiel spirituel. A ce titre, la décollation du Roi, représentant divin investi d’un second “corps” étendu à son peuple, véritable tête du royaume, fut le point d’orgue scellant la triste victoire des puissances de gravité - tamas -. Patrick Geay retrace avec justesse les précédents, qui, outre-Manche, ont préfiguré un siècle auparavant à travers la Révolution de 1688, le désastre français. Il souligne aussi l’importance de l’identification de la Charge Glorieuse du Roi à celle du Christ (4), qui motiva plus encore les attaques anti-traditionnelles, dans leur objectif de matérialisation du monde. Ce chapitre d’une rare densité qui foisonne d’autres clés toutes aussi prometteuses se termine sur une magnifique et sibylline note d’espérance inhérente à la fonction messianique.

C’est avec le statut ontologique de l’histoire que Patrick Geay clôt ce travail. Avec la pureté d’une logique dédiée à la métaphysique véritable, il suggère de s’évader d’une histoire restreinte au temps linéaire, pour rejoindre celle contenue dans une Instantanéité qui déploie dans l’espace et le temps la représentation du Théâtre du Monde, où chaque créature joue la partition qui lui est attribuée. L’auteur évoque pour finir les spasmes qui agitent, à travers de «pompeux élans technoprophétiques» (p.86), une humanité acéphale égarée dans les chimères d’une science-fiction démiurgique qui envisage le plus sérieusement du monde une régénération de l’homme à travers la machine: un «spectre technologique du Corpus mysticum» (p.87), dont les prémices seraient déjà repérables – Condorcet/Sieyès – au coeur même de la période révolutionnaire.

Sylvain Labeste, pour Patmos.

1/ Phrase récurrente dans l’oeuvre de René Guénon.

2/ Avec entre autres un éclairage inédit de la lutte des classes .

3/ Voir « Les Deux Corps du Roi », Essai sur la théologie politique du Moyen Age, Kantorowicz, Ernst H., Paris, Gallimard, » Quarto », 2000.

4/ Ce qui pourrait soulever une ambiguité à se vouloir chrétien et républicain. A noter que l’auteur rétablit aussi le statut de victime et non d’actrice de la Franc-Maçonnerie dans le processus de la Révolution française.

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Les éditions

  • La Révolution française ou Le triomphe de la troisième fonction [Texte imprimé] Patrick Geay
    de Geay, Patrick
    Archè / Histoire et métahistoire
    ISBN : 9788872523292 ; 12,00 € ; 20/05/2013 ; 100 p. ; Broché
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