Projets de constitution pour la Corse de Mathieu de Buttafoco, Jean-Jacques Rousseau

Projets de constitution pour la Corse de Mathieu de Buttafoco, Jean-Jacques Rousseau

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Elya, le 11 octobre 2013 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 8 étoiles
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Organisation territoriale et politique de la Corse indépendante selon Rousseau

Dans le Contrat social, Rousseau parle de la Corse et de son peuple en termes élogieux, allant même jusqu’à penser que l’île « étonnera l’Europe ». Suite à ces commentaires flatteurs, il est contacté par un officier d’origine Corse en 1764 qui lui prie de concocter un plan constitutionnel pour l’île [1]. Rousseau se penche sur le sujet en 1765 soit pendant la brève et unique période (1755-1769) où la Corse fut indépendante[2]. Ce Projet ne sera cependant publié, inachevé, qu’en 1861, bien après sa mort [1], et donc lorsque la Corse était déjà un territoire français.

Ce projet propose les caractéristiques d’un gouvernement idéal pour la Corse, en prenant en compte sa géographie, sa superficie, son histoire (« l’extrême épuisement où les ont jetés quarante années de guerres continuelles »), les mœurs (« l’heureux naturel de ses habitants ») et le nombre de sa population. Un des pré-requis indispensable à la réussite de ce gouvernement est le non recours à l’importation de denrées, sous quelque formes qu’elles soient, sauf à titre exceptionnel et parce qu’elles sont vraiment nécessaires pour la survie. Grâce à son climat et à l’organisation de son territoire en pièves, que les Corses doivent revaloriser, l’île a selon Rousseau les capacités de vivre en autonomie énergétique (on est bien d’accord qu’à l’époque, on n’employait pas cette notion). Les régions sont inégalement loties ; par exemple, les environs de Bonifacio, très venteux, sont peu fertiles et pauvres en matériaux, à l’opposé de certains lieux plus au Nord. Il sera donc nécessaire de réaliser des échanges et de constituer un bon réseau pour relier l’île. Surtout, il faudra à tout prix se consacrer à l’agriculture, qui sera le plus gros facteur de subsistance des Corses et leur empêchera de tomber dans les vices des arts et des sciences [3] . Enfin, la population sur le territoire doit être mieux répartie plutôt que multipliée.
Pour démontrer l’intérêt de ces mesures, Rousseau s’appuie beaucoup sur la Suisse, pays qu’il connaît bien puisqu’il y est né. La Suisse possède des caractéristiques communes avec la Corse, dont l’isolement relatif de ses habitants de par les montagnes découpant le territoire. Il se base également sur l’aphorisme suivant : « La crainte et l’espoir sont les deux instruments avec lesquels on gouverne les hommes » et organisera donc le pouvoir politique en fonction.

Il est amusant d’essayer d’appliquer cette organisation à l’île d’aujourd’hui, de s’imaginer, de manière totalement anachronique, comment elle fonctionnerait. Le style de cet ouvrage est un régal, mais c’est un truisme de dire cela à propos d’un écrit de Rousseau. Qu’on s’intéresse, comme c’était mon cas, un tant soit peu à l’histoire et la politique de la Corse, et/ou aux écrits politiques de Rousseau, on devrait trouver satisfaction dans ce court essai.


1. voir les notes de Gérard Mairet dans la collection Les classiques de la philosophie, Le livre de Poche, Ecrits politiques de Jean Jacques Rousseau, 1992

2. voir, entre autres, le livre de Roger Caratini, Histoire du peuple Corse, ed. Crirétion, 1995

3. Pour la position de Rousseau quand à l’aliénation des peuples par les arts et les sciences, voir son Discours sur la science et les Arts

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