Les occupations de Côme Martin-Karl

Les occupations de Côme Martin-Karl

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Anonyme9, le 21 août 2013 (Inscrit(e) le 27 septembre 2010, - ans)
La note : 8 étoiles
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Les petits orgueils

Marcel est un petit fonctionnaire français qui s’est rangé sous l’autorité de l’occupation allemande pendant la guerre : affecté dans un service de propagande quelconque, il est surtout chargé de censurer les manuscrits qu’il reçoit si ceux-ci s’avèrent contenir des passages hostiles au Reich. Dans cette fonction où l’on attend du travail de bon petit soldat et pas trop d’éclat, Marcel croit pourtant réaliser ses rêves de tutoyer les auteurs et la littérature, et il prend son travail très au sérieux. Aveuglé par son souci de bien faire et ses grandes espérances, il ne verra pas le vent de l’Histoire tourner et on le remerciera de sa diligence à la Libération en le fusillant à l’aube sans grande forme de procès.

Pierre, le petit-fils de Marcel, est un jeune homme qui n’a jamais connu ce grand-père dont personne ne parle dans la famille : ça ne fait pas bon genre d’être le rejeton d’un collabo. Pierre vit une adolescence anodine dans une famille anodine d’une petite commune de l’Oise, entouré de ses deux parents qui attendent de lui qu’il ne fasse surtout pas de remous (« Ecoute bien à ton école », comme l’écrivait Annie Ernaux dans La place). A petite échelle, l’ordre de son univers va pourtant être bouleversé, et le jeune homme perdu va se chercher un rôle dans la vie qu’une découverte hasardeuse le reliant à son grand-père inconnu lui dictera comme un signe du destin.

Par une multitude de procédés narratifs (courant de conscience, discours indirect libre, références à des détails administratifs ou culturels minutieux), Côme Martin-Karl épingle l’absurdité de tout ce que sont et entreprennent ses personnages médiocres dans un souffle rapide, concis et incroyablement léger.

Les occupations sont une sorte de Madame Bovary contemporain, où l’on trompe l’ennui par des rêves stupides et où l’on finit toujours par juste remplir du vide. La galerie de personnages secondaires, croqués en quelques mots choisis, est d’un réalisme hilarant de ridicule, et ajoute à l’argument de l’auteur par l’allusion plus ou moins explicite à une forme d’ambition grossière ou de sentiment d’importance démesurée qui agissent comme autant d’obstacles à l’impossible progression des protagonistes.

Incapables de prendre leur destin en main pour s’affranchir de tout système, de toute norme, de toute notion de hiérarchie pour agir selon un désir propre, le grand-père et le petit-fils en sont réduits à des existences petites, à une série d’échecs qui ne sont pas subis comme des déceptions mais comme des coups du sort. Dans cette perspective, Les occupations sonne comme une invitation ironique et drôle à penser et à s’instruire, à vivre, vouloir et désirer. J’attends avec impatience ce que cet auteur talentueux nous réserve ensuite.

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