Rencontres avec l'Étrange de Alain Magerotte

Rencontres avec l'Étrange de Alain Magerotte

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Bruxellois, le 15 juillet 2013 (Inscrit le 10 mai 2010, 78 ans)
La note : 8 étoiles
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Communion belge avec l'absurde

Encore un recueil très réussi, pour ce nouvelliste bruxellois à l’écriture acerbe, à l’ironie caustique, à l’imagination débridée ! Décidément, Alain Magerotte se rapproche avantageusement des grands conteurs fantastiques belges, tant par le style que par la construction de ses récits. Ce recueil présente une constante, et aurait pu s’appeler « Rencontres avec l’absurde », tant l’auteur instille ce dernier dans tous les recoins de ses textes, avec une ironie grinçante.
Un livre à savourer en détail, comme une boîte de bonbons. Des bonbons saupoudrés d’absurde, évidemment.

Il ne faut pas disputer des goûts. Prenez une idée simple, rencontrée au quotidien : la chasse aux fumeurs par l’administration. Poussez-la jusqu’à l’absurde : tout fumeur pris en flagrant délit sera abattu sur place. Ajoutez l’inévitable délateur et l’incontournable fraudeur, et vous obtenez une nouvelle vibrante, dont la fin pourtant prévisible vous laisse pantois. Et si un jour, on en arrivait là ?

Avec Je m’emmerde !, on sombre délicatement dans l’absurde confit, dans le paroxysme du jusqu’au-boutisme. La caramélisation de notre condition de vie nous amène à voguer dans l’illusion, loin de tout sens commun. Tout cela avec un humour frisant l’auto-dérision.

Dérision, encore, que cette parodie de conte vampirique menée tambour battant, presque grotesque dans sa farouche détermination à se rendre crédible : le détective rêve tellement de ses vampires, qu’il finit par les identifier. Dans Coup de sang pour Régis Lampougne, Alain Magerotte mystifie pratiquement, par son écriture caustique et son sens de l’ironie, les contes fantastiques de ses prédécesseurs.

Pour Le crime de 22h30, le choix délibéré de patronymes tels que Dominique Chose, Irène Machin, inspecteur Trucmuche, et autres commissaire Alexandre Bazar, révèle l’intention de l’auteur de surtout ne pas se prendre au sérieux. Ce qui ne l’empêche pas de nous asséner avec un sourire entendu, la médiocrité de notre soumission au système.

Nous plongeons encore dans la dérision avec Le collectionneur, où interviennent les dérives de la science. Un champion de Doigt de fer — et non comme on pourrait s’y attendre, de Bras de Fer ! — se voit amputé de l’index droit par un praticien spécialiste de la main et collectionneur de… doigts ! chirurgien passionné par les objets de ses prélèvements professionnels, qu’il finit par retrouver sous l’aspect d’un… oculiste. Allez donc imaginer la suite !

Dialogue à bâtons rompus entre un personnage et son auteur, que ce Le héros tout droit jailli du surréel. Comme un leitmotiv lancinant tout au long de l’œuvre, Alain Magerotte joue avec l’absurdité et le marasme de la société que nous nous sommes créée.

Avec Laid au-dehors, laid en dedans, on renoue avec le goût exacerbé de l’auteur, pour l’horrible. La laideur quasimodienne de ses personnages n’a rien de romantique, et n’appelle pas l’empathie. Ils sont nés laids et meurent victimes de leur laideur, sans le concours d’autrui, simplement parce qu’ils sont… laids ! C’est là qu’on retrouve l’absurde.

Dialogue de l’absurde, encore, que ce Chasseur de cons aux rebondissements imprévisibles, et toujours dans un climat d’ironie et de dérision ; la crotte de nez y côtoie allègrement le sandwich au thon, et le plus con n’est pas celui qu’on pense…


Douce enfance. Vit-on aujourd’hui dans un monde réel, ou dans un univers onirique, de super-héros et d’explosions gigantesques ? La ligne étroite qui les sépare échappe à la plupart d’entre nous. « Sachez réveiller l’enfant qui sommeille en vous », mais jusqu’où pourra-t-on aller ?.

Par sa brièveté percutante, La tête bien vissée sur les épaules nous assène un atemi à la base du crâne. C’est tellement vrai que c’en est hallucinant.

Homo universalis, ou les méfaits de l’étalement de son ego. Dans une lettre aux nombreuses digressions manifestement inutiles (mais chères au rédacteur), un quidam expose toute sa vie intime, sans un regard pour l’usage que pourrait en faire son destinataire. Les réseaux sociaux et leurs dérives ne sont pas loin !

Avec Adelin Leroi a disparu !, nous voici replongés dans l’univers fantastique cher à l’auteur, un univers de monstres mutants, buboniques, dégoulinants, assoiffés de chair humaine. Pourtant, ces monstres ont un côté grand-guignol dont l’écriture joue avec adresse. De la politique et des médias, rien n’est épargné. Qu’en reste-il ? « Des écrits qui traverseront le temps pour permettre aux générations futures de mesurer le courage immense ».

Alain Magerotte est décidément devenu un maître de l’absurde, tel que le pratiquaient les auteurs fantastiques belges.

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