La berge de Su Tong

La berge de Su Tong
(He an)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Dirlandaise, le 13 juillet 2013 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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La voix de la rivière

J’avais beaucoup d’attentes envers cet écrivain chinois découvert par hasard lors de recherches sur un autre sujet. Non pas que je sois déçue loin de là mais je suis tout de même perplexe devant le style étrange de l’écrivain, sa façon de raconter comme s’il inventait tout au fur et à mesure de la rédaction et sa propension à consacrer des chapitres entiers à narrer des événements somme toute insignifiants qui ne font guère avancer l’histoire. Pourtant, en aucun cas, je n’ai éprouvé d’ennui ni d’agacement, seulement un certain étonnement.

Pour résumer l’histoire, il s’agit des tribulations d’un jeune homme dont le père, secrétaire général de l’administration de la ville de Youfang est subitement déchu de ses fonctions en raison d’une enquête ayant révélé des irrégularités au sujet de son origine sociale. En effet, le père du jeune homme a toujours prétendu être le fils d’une martyre locale vénérée comme une sainte et il doit son poste haut placé à ses origines hors du commun. La mère du jeune homme est une actrice de théâtre talentueuse. Suite à la perte d’emploi du père, la famille de Dongliang se désagrège irrémédiablement et il doit choisir entre habiter sur terre avec sa mère ou bien s’installer avec son père sur une barge de transport rattachée à la flottille du Tournesol voguant sur la rivière aux Moineaux. Ayant choisi la barge plutôt que la berge, la vie de Dongliang change radicalement de même que son statut social qui dégringole dramatiquement, les mariniers étant considérés comme des citoyens ignorants et grossiers.

Su Tong possède indubitablement un formidable talent de raconteur mais son récit est souvent étrange et débridé. Il s’attarde sur des détails sans importance cependant son livre constitue une remarquable fresque sociale légèrement teintée de politique. En effet, la petite ville est dominée par la pensée de Mao et la révolution culturelle bat son plein. Mais le but de l’auteur ne semble pas être de dénoncer le climat politique régnant à cette époque. Il met plutôt l’accent sur la relation entre Dongliang et son père, relation qui ira toujours en se dégradant au grand dam du père qui voit en son fils un rebelle irrécupérable. Et il y a aussi la fillette abandonnée par sa mère et recueillie par les membres de la flottille qui l’élèveront comme une princesse et dont Dongliang tombera amoureux fou.

Charmant roman parfois très drôle, parfois tragique mais toujours intéressant et surtout, extrêmement divertissant. Une touche poétique et un brin de surréalisme ajoutent au charme de ce livre dont l’univers débridé et les personnages attachants nous le font quitter à regret. La fin laisse présager une suite ce qui serait bien, très bien même…

« Après ces vagues successives d’agitation, le calme finit par revenir sur notre barge. Un mystérieux cadeau s’offrait à moi dans cette quiétude. Le sofa de notre cabine, telle une barge dans la barge, emportait une petite fille inconnue. La flottille dépassa l’élevage de canards et la rivière s’élargit, le trafic fluvial s’éclaircit. Le clapotis de l’eau dans notre sillage soulignait le silence de mort du bord. La fillette, dans un rêve, appela sa mère : « Maman, où est ma maman ? » Ce cri fit sursauter mon père et moi, mais heureusement ce n’était qu’un rêve, elle se retourna nerveusement et se rendormit tout de suite. Je remarquai qu’une de ses chaussettes était tombée, et son petit pied tout pâle, pointé vers moi, se balança légèrement. »

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