Femmes et filles de Elizabeth Gaskell

Femmes et filles de Elizabeth Gaskell
(Wives and Daughters)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par FranBlan, le 1 mars 2013 (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 81 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 187ème position).
Visites : 4 848 

Dernier roman…

«Ici, le récit est interrompu et il le demeurera à jamais…»
Tels sont les premiers mots d’une note de l’éditeur du Cornhill Magazine, qui tient lieu de dernier chapitre à ce roman inachevé, par l’auteure Elizabeth Gaskell décédée brutalement le 12 novembre 1865, à l’âge de 55 ans, alors qu’elle prenait le thé…

Ce dernier roman, contenant plus de 650 pages complétées, sera publié dès 1864 sous forme de feuilleton mensuel (18 épisodes); certains numéros sont donc posthumes et au dernier ne manque, peut-être, qu'une vingtaine de pages. L'éditeur du Cornhill, Frederick Greenwood, ajouta quatre pages pleines de tact et de discrète émotion, suggérant comment le roman aurait fini.

Après avoir lu avec bonheur Nord et Sud ainsi que le court et brillant roman Cousine Phyllis, je suis toute aussi comblée, sinon plus, par la lecture de cette dernière œuvre, une simple histoire de tous les jours, de cette époque bien sûr; mais fidèle à elle-même, cette grande auteure réussit sans faillir à créer des personnages tous plus fascinants les uns que les autres, à décrire sans complaisance et sans jugement une société rigoureuse, rigide, cruelle, implacable, pour les femmes sans aucun doute, mais aussi pour quiconque étant défavorisé ou vulnérable.
Presque deux siècles plus tard, avons-nous tellement évolué? Pas sûre…

Avant de vous dire un peu de quoi il s’agit, permettez-moi de m’insurger aussi, car d’autres l’ont fait sur ce fait, contre la bourde impardonnable commise dans la traduction du titre de ce livre : «Femmes et filles» ne traduit nullement «Wives and Daughters», qui devrait être «Épouses et filles», filles au sens de ses enfants de sexe féminin. Certes, nous n'avons pas en français de mot qui fasse la différence entre la fille, féminin de fils, et la fille, féminin de garçon. Mais pourquoi traduire "wives" par femmes au lieu d'épouses, alors que ce mot a justement la même ambiguïté que "filles". Cela résulte en un titre complètement faux. Une telle erreur augure mal pour le reste de la traduction!

S’il s’agit surtout de Molly Gibson élevée par son père veuf, médecin dans un village anglais et de sa nouvelle belle-mère ainsi que la fille de celle-ci, la ravissante Cynthia, il s’agit aussi d’autres épouses, d’autres filles et fils gravitant autour d’elles;
Molly et Cynthia deviennent inséparables malgré l'opposition de leurs caractères. Alimenté par des secrets inavoués, des sentiments inexprimés, des scandales, des drames, des rires, ce roman se dévore tout simplement!

Elizabeth Gaskell, grande amie de Charles Dickens et de Charlotte Brontë, dont elle a écrit la biographie à sa demande, avait la réputation d’être une femme d’une grande bonté et d’une grande intelligence.
À mon avis, son œuvre est empreinte de ces deux grandes caractéristiques et la lecture de celle-ci à ce moment-ci est cordiale, remontante, apaisante tout en demeurant passionnante et fascinante.

N.B. Lu en version originale anglaise

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« Une histoire de tous les jours » comme seule Mrs Gaskell sait nous en raconter !

10 étoiles

Critique de Pierrequiroule (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans) - 14 juillet 2013

Contemporaine des sœurs Brontë et de George Eliot, Mrs Gaskell (1810-1865) est tout aussi talentueuse et mériterait d’être plus célèbre en France.
"Femmes et filles" - ou plutôt "Epouses et filles"- est un roman domestique, sentimental et social à la fois, avec pour cadre la vie provinciale anglaise du XIXème siècle. Il a été publié en feuilleton entre 1864 et 1866, comme beaucoup de chefs-d'oeuvre de l’époque.

Avec ce dernier et magnifique livre, l’auteure nous transporte dans les années 1830, à Hollingford, une paisible bourgade. Dans cette petite ville, le principal divertissement consiste à organiser des « tea parties » où l’on commente la vie des aristocrates locaux et les amours des jeunes gens à marier.
C’est là que nous faisons la connaissance de Molly Gibson, et de son père, l’honorable médecin de Hollingford. La relation entre ce veuf quinquagénaire et sa fille unique est touchante car ces deux êtres sont liés par une grande affection et une confiance mutuelle absolue. Ils sont tout l’un pour l’autre, menant une vie simple et heureuse, sans se soucier des mondanités. Mais cette tranquillité domestique est ébranlée le jour où le docteur Gibson décide de se remarier. Sa nouvelle épouse, Miss Clare, va s’immiscer dans les relations père/fille, mais aussi dans l’avenir amoureux de Molly, au nom de son devoir de belle-mère. Quant à la fille de Miss Clare, Cynthia Kirkpatrick, elle semble cacher un terrible secret sous les dehors les plus attrayants.
Les Gibson sont liés à plusieurs autres familles d’Hollingford, dont deux sont particulièrement distinguées : il y a d’abord Lord et Lady Cumnor, des aristocrates qui ont employé autrefois Miss Clare comme préceptrice ; mais c’est surtout la famille Hamley que fréquentent les Gibson. Et sachant que le vieux squire a deux fils en âge de se marier, on peut imaginer que des péripéties sentimentales vont suivre. Molly s’éprendra-t-elle d’Osborne Hamley, le séduisant héritier, ou de son cadet Roger dont elle fait son confident ? Pourra-t-elle sauver l’amitié qui l’unit à sa belle-sœur, alors que celle-ci devient sa rivale en amour ?

Difficile et inutile de détailler ici toute l’intrigue. Il suffit de savoir qu'il y aura des amours contrariés, des secrets révélés et des commérages à souhait ! La tragédie elle-même s’invitera à Hamley Hall pour briser le vieux squire. Mais ce roman est surtout passionnant par sa description des relations sociales - qu’elles soient familiales, sentimentales ou de voisinage – à une époque où l’honneur et le rang étaient bien plus importants qu’aujourd’hui. Les portraits psychologiques sont également pleins de finesse et les répliques délicieusement spirituelles !

« An Every-day story », comme l’indique le sous-titre du livre ? Certes, mais cette histoire du quotidien est admirablement contée par une auteure pleine de délicatesse et de subtilité. C'est en cela que réside l'incomparable talent d'Elizabeth Gaskell: chaque dialogue sonne juste, les personnages semblent vivants, saisissants de vérité. C'est tout un univers qui est ainsi dépeint avec brio. Malgré la banalité apparente du sujet, c’est l’un des plus grands romans du XIXème siècle à ma connaissance. Hélas, une mort brutale a emporté Mrs Gaskell avant qu'elle ait pu achever son livre. La fin du roman nous est donc livrée par son éditeur en quelques pages et conformément au projet de l'auteure décédée. Sans cela, le lecteur aurait été privé d'une scène longtemps attendue.

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