Oui, mais quelle est la question ? de Bernard Pivot

Oui, mais quelle est la question ? de Bernard Pivot

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Marvic, le 16 décembre 2012 (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans)
La note : 2 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (48 836ème position).
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La liste de mes questions

Adam Hitch est un journaliste atteint de « questionnite » aiguë.
Si cela est normal étant petit,cela devient gênant dans la vie privée; cela peut même empoisonner l'existence tant il est de questions sans réponse; l'auteur nous en livre d'ailleurs quelques unes entre chaque chapitre.

Dès son enfance, Adam pose des questions. A cette période de la vie, rien de plus normal. Mais en grandissant, les questions posées vont devenir plus précises, plus personnelles, voire impudiques. Il est une époque où demander à ses parents de leur raconter quand et comment ils ont fait l'amour la première fois, est choquante mais possible; poser cette question à ses grands-parents, touche à un tabou.
Et si la sexualité n'est plus un sujet tabou à l'heure actuelle, il existe encore des domaines où les questions seront sans réponses comme l'argent gagné par exemple.

Arrive l'adolescence; Adam prend un réel plaisir à poser des questions à ses professeurs, certains appréciant ses interventions, d'autres moins. Interventions souvent assez mal vues par les autres élèves.
Lors de son premier oral à l'école de journalisme, il se met à interviewer un examinateur, impressionné.

Suivront ensuite des épisodes de sa vie privée qu'il nous livrera, montrant les dommages de sa « maladie ».
Les femmes qu'il a aimées, lassées de vivre un interrogatoire permanent:
« Après l'amour, ce n'est plus un amant que j'ai dans mon lit, c'est un sondeur de la SOFRES... Salut! »

Avec ses amis, les relations sont plus faciles. Ce sont les seuls « qui ne se gênent pas pour stopper l'avalanche de ses questions »:
« Adam, tu en as encore beaucoup de tes questions à la con? »

Ce « roman » est donc une suite ininterrompue de questions; à tel point que la lecture en devient lassante par moments. Lire des pages entières de phrases interrogatives (8 sur 10 phrases), n'est pas vraiment passionnant.
Et puis est-il vraiment indispensable de connaître la dernière carte que le général de Gaulle a retourné avant de faire sa rupture d'anévrisme?

Arrive la période de la vie où se posent les grandes questions universelles:
« To be or not to be? D 'où venons-nous, que sommes-nous, où allons-nous? »
Et l'auteur nous fournit (enfin!) quelques réponses dont certains hommes peuvent se satisfaire selon qu'ils soient croyants, cyclistes, philosophes ou... académiciens.

« Plus on vieillit, plus notre inventaire en produit. Plus les années passent, plus ces questions se révèlent embarrassantes, et plus il est difficile d'y répondre. La sincérité fait mal. L'autocritique sape le moral. Trop tard pour rectifier la position. C'est pourquoi beaucoup de personnes âgées sont amères; et insupportables. Ce ne sont pas les autres qu'elles ne supportent pas, ce sont elles-mêmes. »

Le roman se termine sur la genèse de ce livre. Au cas où on aurait des doutes sur le thème central...
« Mon entretien avec Jean-Manuel T, l'un des éditeurs du vaste domaine des essais chez Gallimard, a été un peu fou. Car il me posait des questions à propos de mon futur livre sur les questions; et je lui posais des questions sur ce qu'il en attendait. Nous nous répondions par des questions, et notre façon d'y répondre était d'en soulever d'autres. Je lui ai demandé si un ouvrage sur les questions ne devrait pas être constitué que de questions. Il s'était posé la question. Il s'interrogeait et m'interrogeait sur ma capacité à prendre de la distance avec moi-même pour me poser les bonnes questions sur l'art et la technique de poser des questions. Je m'étais en effet posé la question. Je lui ai dit qu'il me serait utile qu'un expert établisse un questionnaire psycho-sociologique sur le fonctionnement des questions dans nos rapports humains. Il m'a suggéré de me poser la question de l'usage comparé des questions dans la sphère professionnelle et dans la sphère privée. »

Admiratrice du journaliste, et de son implication dans la défense de la langue française, je dois avouer ma grande déception à la lecture de ce roman. Bien sûr, l'écriture est agréable et érudite, et le tout présenté avec beaucoup d'humour. Mais pourquoi ce héros Adam Hitch, « frère jumeau » de l'auteur?
Et bien que prévenue par le titre, je me suis ennuyée à ne lire que des questions et la vie d'un homme sans grand intérêt.

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Les éditions

  • Oui, mais quelle est la question ? [Texte imprimé] Bernard Pivot,...
    de Pivot, Bernard
    Nil éd.
    ISBN : 9782841116195 ; 5,68 € ; 20/09/2012 ; 268 p. ; Broché
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Bel exercice de style

9 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 72 ans) - 25 mai 2015

Adam Hitch est journaliste et donc interviewer. Il est donc censé poser les bonnes questions dans sa vie professionnelle. Mais cet exercice est devenu chez lui une véritable addiction dans sa vie privée ce qui s’avère être un emploi du temps parfois un peu plus délicat … Une seconde nature en quelque sorte. Sans compter qu’une question en amène une autre et qu’elles sont infinies … Roman ou autobiographie ? est-il indiqué en bandeau. Un bel exercice de style pour ce grand critique littéraire. Peut-être un petit bémol : un grand nombre de « pourquoi ? « mais très peu de « comment ? ». Alors qu’on sait que le « pourquoi ? » est accusateur, inquisiteur même, le « comment ?, lui, cherche à comprendre …



Extraits :


- La réponse est oui. Mais quelle était la question ? – Woody Allen

- A propos de Charles de Gaulle

« - Grand, il l’était, dis-je. Plus d’un mètre quatre-vingt-dix. De Gaulle aurait-il eu le même destin s’il avait été un petit homme râblé, un peu ventripotent ? »
« - Ma réponse est oui. Il aurait eu le même destin (…)
« - Et si de Gaulle avait été un petit homme râblé, non pas né à Lille, mais à Marseille et, ayant parlé avec un fort accent du Midi, s’il avait ressemblé à un personnage de Pagnol ? »
« - Non, là, vous exagérez. Et pourquoi pas une petit rouquin qui aurait louché comme Sartre et qui aurait eu des tics comme Malraux ! «

- Seigneur, qu’y avait-il d’écrit sur le billet, reçu de l’un de ses camarades, que le jeune Baudelaire a avalé pour qu’il ne tombe pas sous les yeux du sous-directeur de Louis-le-Grand, geste qui lui valut d’être renvoyé du lycée ?

- Est-ce qu’il t’arrive de penser à Dieu en faisant l’amour ?

- Une autre fois, tu avais demandé à Grand-Mère si tout était en noir et blanc quand elle était petite.

- Seigneur, pourquoi l’Univers est-il en expansion et, surtout, comment expliquer que cette expansion s’accélère ?

- La gaieté, ça sert à tromper l’angoisse.

- Dieu est une équation dans laquelle E=mc2 ne serait qu’une des variables.

- Seigneur, le monde a-t-il eu un commencement et aura-t-il une fin ?

Faussement facétieux

8 étoiles

Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 30 novembre 2013


Roman ou autobiographie ? interroge le bandeau de l’éditeur. Ni l’un ni l’autre, à mon avis. Et puis, là n’est pas la question…
Pour ma part, je qualifierais plutôt cet ouvrage de conte philosophique, voire parfois métaphysique, beaucoup plus profond qu’il n’y paraît sur la nature de l’homme ce «roseau pensant» ; le seul être vivant à pouvoir se poser des questions sur le sens de la vie, l’amour, la mort, la vieillesse et Dieu que l’auteur, en guise d’introït, interroge au début de chaque chapitre sur des énigmes grandes ou petites qui resteront à jamais sans réponse.

Bien évidemment, on s’amusera à recenser ici et là de multiples anecdotes ou détails qui rapprochent singulièrement l’auteur de son héros, Adam, tel un amour du vin partagé qui permet à ce dernier d’échapper de justesse avec la connivence d’un policier -œnologue à ses heures- à un retrait de permis. Fiction ou réalité ? Peu importe.. «Toute ressemblance avec des personnes existantes serait-elle fortuite ? » avertit une des phrases placées en exergue du livre, tout comme la boutade de Woody Allen qui en a inspiré le titre «La réponse est oui. Mais quelle était la question ?» L’essentiel est de passer un bon moment en compagnie d’un véritable orfèvre de la langue française.

Certes, j’ai, moi aussi, trouvé quelque peu lassantes et parfois trop appuyées les mésaventures de ce pauvre Adam que ses multiples compagnes abandonnent tour à tour, à cause de sa questionnite aiguë.
Mais j’ai, en revanche beaucoup apprécié les passages où l’interrogatoire se mue dans la sphère professionnelle en interview pleine d’humour et d’à-propos le comble étant, écrit Bernard Pivot celle d’«un auteur questionné sur le livre qu’il n’a pas écrit par un journaliste qui ne l’a pas lu» Cela ne s’invente pas…

Viennent enfin ces questions que l’on se pose lorsqu’on en a évacué de plus légères, à l’heure où la vieillesse se profile à l’horizon et l’auteur de se demander à travers son héros «Quand devient-on vieux ? Quand on n’a que des réponses et plus de questions»

Et, en conclusion, cette ultime prière relevée à la page 31 …«Seigneur, je vous prie, préservez-moi de l’enfer. De par ma nature et mon métier, j’y serais encore plus malheureux que les autres damnés, célèbres ou ordinaires. De toute évidence, le paradis est fait pour moi. Je vous impressionnerai, Seigneur, par l’étendue de ma curiosité, par ma soif de connaissance, par l’abondance et la variété de mes questions. Peut-être serez-vous même tenté de faire de moi un élu de vos élus. Amen. Mais rien ne presse»

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