Le roman de Bergen : 1950 Le zénith Tome 1 de Gunnar Staalesen

Le roman de Bergen : 1950 Le zénith Tome 1 de Gunnar Staalesen
(1950 high noon)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Jlc, le 5 novembre 2012 (Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans)
La note : 6 étoiles
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Bergen, ma déchirure

Cette critique rend compte globalement de la deuxième partie du « Roman de Bergen », publiée en France en deux livres.

Dans « 1900, l’aube », première partie du « Roman de Bergen », nous avons fait la connaissance des différents protagonistes qui, eux mêmes ou leurs descendants, ont illustré la vie à Bergen de 1900 à 1932. La deuxième partie, « 1950, le zénith », raconte les trente années qui suivirent, d’octobre 1932 à octobre 1962. On comprend tout de suite le choix de ces dates, marqueurs de moments majeurs non seulement de la vie d’une ville mais plus globalement du destin du monde.

Résumer l’intrigue relèverait au mieux de la gageure, au pire de la trahison, tant l’intérêt d’une saga réside dans les mille et un incidents qui en font la texture et la saveur. Disons qu’il s’agit d’une chronique sur une société urbaine, le développement économique de son port, les affrontements sociaux, les combats idéologiques et la prise en compte de l’ouverture au monde. Gunnar Staalesen mélange, avec grand talent, des faits réels comme l’explosion d’avril 1944 qui détruisit une partie de la ville à des destins individuels imaginaires. Conflits politiques, rivalités de pouvoir, trahisons amoureuses, luttes de classes, vengeances familiales, destins brisés touchent toutes les couches sociales bergenoises jusque dans leur intimité la plus secrète. La montée du nazisme que certains approchent de trop près, le stalinisme que d’autres justifieront aveuglément affectent des familles au point de les transformer en clans qui seront irréconciliables. Une occupation brutale, la collaboration active ou neutre, l’antisémitisme (alors que la communauté juive de Bergen est minuscule) déchirent un tissu humain dont il ne reste que des lambeaux à recoudre comme le symbolise l’explosion d’avril 44, à la fois destructrice et signe de renouveau. Et Bergen va renaître, s’ouvrant davantage à l’extérieur et à d’autres cultures, dans une ville où se pratiquaient encore différents dialectes. Ceux qui avaient une quinzaine d’années au milieu des années 50 se reconnaîtront certainement dans les pages très réussies qui racontent l’arrivée du rock ‘n’ roll en Europe et… à Bergen.

La façon de raconter cette histoire qui est plus un feuilleton qu’une saga est un de ses attraits principaux. On reste sous le charme, même si cette deuxième partie évoque trop de personnages dont aucun n’a l’impact du policier et de la belle femme « entretenue » (comme on disait à l’époque) qui dominaient « 1900, l’aube » et dont la belle histoire d’amour structurait le récit. L’auteur agit en véritable deus ex machina qui conduit ses acteurs, imagine des points de rencontre, suscite des coups de théâtre. Staalesen ne tient pas toujours le rythme mais il sait se jouer de ses lectrices et lecteurs quand, par exemple, il commence un chapitre sans préciser qui intervient et nous laisse deviner qui est entré en scène. En bon feuilletoniste, il sait à la fin d’un chapitre annoncer le suivant pour nous tenir en haleine : « Ainsi il s’écoula du temps avant qu’il la revoie et lorsque cela arriva de grands changements s’étaient produits ». De quoi passer une nuit blanche de lecture !

En revanche certains moments sont moins réussis comme le récit du film « Le train sifflera trois fois » pour le relier à une péripétie de son roman. C’est long, une quinzaine de pages, et c’est raté. De même quelques métaphores sexuelles sont vulgaires et triviales. Enfin et c’est le plus important, Staalesen n’a pas su reproduire dans cette deuxième partie ce qu’il avait réussi dans la première où il projetait la lumière sur un nombre relativement restreint de personnages alors qu’ici le lecteur peut se sentir égaré. Bien des histoires annexes auraient pu être supprimées ou simplifiées, donnant ainsi au livre plus de dynamisme.

Gunnar Staalesen a curieusement donné à cette deuxième partie le titre de « 1950, le zénith ». Bergen, alors en plein doute, n’est pas à son zénith ; elle est traversée par des idéologies qui la bouleversent, des événements (la guerre notamment) qui la fragilisent, des ruptures qui la désorientent, des personnages qui la déchirent. Bergen, mon amour est devenue Bergen, ma déchirure.

Et on ne sait toujours pas qui a tué le consul Frimann le premier janvier mil neuf cent !! On a hâte de connaître la suite « 1999, le crépuscule » pour enfin savoir…

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Les éditions

  • 1900 le zénith [Texte imprimé], roman Gunnar Staalesen traduit du norvégien par Alexis Fouillet
    de Staalesen, Gunnar Fouillet, Alex (Traducteur)
    Points / Points (Paris)
    ISBN : 9782757828038 ; 8,00 € ; 26/04/2012 ; 471 p. ; Poche
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