La montagne morte de la vie de Michel Bernanos

La montagne morte de la vie de Michel Bernanos

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique

Critiqué par Eric Eliès, le 30 mai 2012 (Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans)
La note : 10 étoiles
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Un récit onirique et halluciné comme un cauchemar surréaliste

« La montagne morte de la vie » est un très court roman fantastique (il se lit en une soirée), divisé en deux parties distinctes. La première est un récit d’initiation, dont l’action se déroule en mer. Le narrateur, un jeune homme presque adolescent, a été dupé par une équipe de recruteurs et se réveille à bord d'un galion où il se retrouve vite en butte à la dureté de la vie quotidienne et à la brutalité de l’équipage. Bernanos restitue avec réalisme mais sans prosaïsme l’ambiance oppressante qui règne à bord du navire, et parvient à susciter la peur et l’horreur, notamment lorsque le navire se retrouve à la dérive, en panne de vent, près de l’équateur. Où ? Bernanos ne le dit pas : le récit ne contient quasiment aucun élément circonstancié qui permettrait de dater ou de localiser précisément l’action. Le narrateur n’aura la vie sauve que grâce à Toine, le cuisinier, qui le protège et le cache tandis que l’équipage, après une mutinerie, se livre à une orgie de violence et à des actes de cannibalisme…
Une tempête survient alors, qui disloque et fait sombrer le galion. Au terme d’une dérive en mer, Toine et le narrateur échouent sur une île mystérieuse, couverte d’un sable rouge extrêmement fin comme s’il résultait d’une érosion très ancienne. Des statues parsèment la surface de l’île, qui leur semble très vite ne pas appartenir au monde connu. Comme s’ils avaient franchi une porte, ils sont ailleurs, sous un ciel aux étoiles méconnaissables. L’île est également couverte d’une végétation extrêmement dense, dont le foisonnement génère un sentiment d’inquiétante étrangeté par son altérité. Malgré sa beauté, cette végétation recèle des pièges et des dangers mortels (telle cette mare qui invite à la baignade mais dont le fond est une immense bouche avide…). En fait, Toine et le narrateur avancent comme des intrus dans cette jungle, où tout semble « hors du temps » et désireux de les engloutir comme pour effacer leur présence, vers un énorme volcan qui domine l’île. Peu à peu, leur progression se ralentit, devenant plus difficile en même temps qu’ils semblent se pétrifier et devenir semblables à ces statues, de plus en plus nombreuses alors qu’ils s’approchent du volcan. Seule l’amitié que se vouent réciproquement Toine et le narrateur les empêche de totalement s’abandonner au désespoir. Mais quand ils découvrent que les pentes du volcan sont couvertes d’hommes pétrifiés, seul le narrateur a encore la force de gravir la montagne pour parvenir jusqu’au cratère... Je ne dévoilerai pas la fin du roman, qui s’achève sur une image hallucinante comme un cauchemar surréaliste !

Michel Bernanos, fils de George Bernanos, n’est peut-être pas un grand écrivain mais ce roman, qui est son chef d’œuvre (parmi quelques romans, nouvelles et poèmes), est d’une force hallucinante, imposant au lecteur des images mentales (notamment la scène finale) qui le hantent longtemps comme seuls peuvent le faire les rêves ou certaines œuvres surréalistes. L'écriture est d'une poésie simple et subtile, qui parvient à suggérer l'indicible. La première fois que j’ai lu ce livre, j’avais 12 ans (emprunt à la bibliothèque) et c’est l’un des rares romans de mon adolescence que j’ai cherché pour le relire à l'âge adulte. La magie opère toujours... Bernanos a clairement été traumatisé par son enfance passée au Brésil, lorsque son père fut contraint à l’exil pendant la 2ème guerre mondiale, et a gardé de la jungle amazonienne l’image d’une nature foisonnante, étouffante, splendide mais terrible, engagée dans une lutte à mort avec l’humanité… Il y a une sorte de lyrisme désespéré, lucide et halluciné, dans l’œuvre de Bernanos, qui semble avoir beaucoup souffert et s'est finalement suicidé en forêt de Fontainebleau.

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