Mrs Parkington de Louis Bromfield

Mrs Parkington de Louis Bromfield
(Mrs Parkington)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jlc, le 20 mai 2012 (Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 124ème position).
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Femme du monde ou femme d'un monde?

Pour Louis Bromfield, écrivain américain à succès dans la première moitié du vingtième siècle et quelque peu oublié aujourd’hui, « Mrs Parkington » est l’histoire d’une femme du monde. Il entend par là non pas un personnage snob, hautain ou arrogant mais au contraire une femme qui « tout à la fois jouit d’une grande sagesse, d’une logique à toute épreuve, de sentiments d’humanité et d’un caractère mûri par l’expérience. » On peut avoir de ce livre deux lectures qui se complètent: le très beau portrait d’une femme du monde qui se conjugue avec le constat impitoyable et pathétique d’une femme d’un monde qui se dissout.

Portrait en pied : Avant d’être cette milliardaire de quatre vingt quatre ans, au « visage ridé mais bienveillant », Susie Parkington est aussi « une femme forte comme un lion » quand on la croit faible et délicate, « toute menue et très droite, aux yeux aussi lumineux qu’un lac de montagne sous le soleil d’été, sachant toujours tirer le meilleur parti de ce qui lui arrive. » Issue d’un milieu modeste dans l’Ouest américain de la seconde moitié du dix neuvième siècle, intelligente, simple, sensible sans être sentimentale, courageuse pour faire face à l’adversité, pudique et loyale, dotée d’une force de caractère qui n’altérait pas une grâce naturelle, elle va assumer un destin inattendu. Orpheline à 17 ans, elle est tout de suite prise en charge par un aventurier de 33 ans, Guss dit Le Major, qui l’épouse et l’emmène avec lui à New York. Mais tout va trop vite, tout est trop grand pour celle qui n’a pas le temps de s’y habituer, bousculée par un mari qui lui fait donner une éducation mondaine pour qu’elle l’aide dans son ascension sociale. Car le Major qui a fait fortune par des moyens que ne justifient pas forcément les fins rêve d’une ascension sociale que va concrétiser le mariage de sa fille avec un duc français, mariage qui ne sera bien vite qu’apparence puis négociation de rupture que Mrs Parkington mènera avec talent. Malgré ses fredaines qu’elle justifierait presque et ne veut pas connaître pour mieux se protéger, Susie aime profondément Guss, égoïste, jouisseur, et lorsqu’il meurt dans des conditions humiliantes, elle sait que « quelque chose de beau venait de se briser. » Devenue chef de famille, elle contemple avec consternation ce que sont devenus les siens. Sa fille maintenant divorcée « qui n’a rien appris et n’apprendra jamais rien » sombre dans l’alcool. Une petite fille est hystérique et passe d’un mari l’autre. Une autre, insignifiante et sans caractère a épousé un membre de la haute société, « grand, beau, stupide il est vrai ». Elle ne se reconnaît que dans son arrière petite fille dont le père est financièrement aux abois. Et c’est par ce personnage que nous entamons une autre lecture.

Peinture d’histoire d’une société : on sait que Le Major fit fortune par des moyens peu orthodoxes mais la société de l’époque l’acceptait. Après les pionniers, étaient venus les bâtisseurs comme le Major puis, hélas, les affairistes, aux combines louches que la société ne tolère plus. Un petit fils par alliance de Mrs Parkington est sur le point d’être inculpé pour escroquerie et met sa morgue dans sa poche pour demander l’aide de la grand-mère. Mais celle-ci n’oublie pas qu’il appartient à ces héritiers de la vieille bourgeoisie qui en son temps a humilié le Major qui rêvait d’une Amérique dominant le monde. Encore fallait-il pour cela éliminer ces héritiers « qui ne faisaient qu’entraver la marche de l’Amérique ». Or le constat est cruel. Les enfants des parvenus d’hier sont devenus les héritiers d’aujourd’hui qui ont appris dans les écoles qui leur sont réservées que les règles morales « c’est bon pour le commun des mortels mais pas pour eux ». Les bonnes manières, l’art de paraître sont devenus des codes de reconnaissance, au détriment des valeurs. « On ne croit plus qu’à la puissance de l’argent et on confond la notion de culture « avec celles d’automobiles et de water-closed. » Et Mrs Parkington de conclure : « La civilisation américaine s’est établie sur des bases fausses. »
La fin du livre, après de multiples péripéties, réunit en quelque sorte ces deux lectures par la cohérence d’une femme qui traverse le siècle avec élégance et lucidité. Elle reste fidèle au monde qui fut le sien et dont elle constate avec consternation la dissolution. En même temps, elle se sait prête à aider la nouvelle génération d’un monde qu’elle espère nouveau.

Louis Bromfield va alterner tout au long de son roman passé et présent, chaque événement d’aujourd’hui trouvant sa corrélation dans un épisode ancien. Ceci peut paraître un peu artificiel mais c’est bougrement efficace. « Mrs Parkington » est un roman à l’ancienne, où l’auteur mêle faits et sentiments, attitudes et réflexions des personnages qu’il met en scène. Ici nous ne sommes pas chez Hemingway son contemporain. C’est parfois un peu désuet, ce monde où on lit Gyp (qui s’en souvient encore ? apparemment personne sur CL), où les personnages font des saillies, où les femmes sont toujours des filles d’Eve, où on n’est pas ivre mais gris, etc. Un peu désuet peut-être dans la forme mais certainement pas dans le fond tant on peut juger actuel le diagnostic que Louis Bromfield portait sur la société américaine des années 40.
Et surtout quel charme, quel bonheur de lecture et quelle femme !!

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Les éditions

  • Mrs Parkington [Texte imprimé], roman Louis Bromfield traduit de l'anglais par Jean Buhler
    de Bromfield, Louis Bühler, Jean (Traducteur)
    Phébus / Libretto (Paris. 1998)
    ISBN : 9782752904300 ; 10,80 € ; 18/02/2010 ; 384 p. ; Poche
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Belle surprise

10 étoiles

Critique de Echo (Aquitaine, Inscrite le 25 avril 2013, 46 ans) - 29 septembre 2013

Que voilà un joli roman et une belle découverte. Comme est beau et attachant le personnage de Mrs Parkington, cette vieille dame de 84 ans à la force d'âme rare à la fin d'une vie certes privilégiée mais qui a connu aussi vicissitudes et drames. Cela donne une histoire somme toute "banale" mais qui ouvre des perspectives de réflexion sur l'existence et ce que les hommes en font. Une écriture de qualité et un choix narratif de flash-backs éclairant le déroulement de l'intrigue donnent au roman une profondeur remarquable. A découvrir.

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