Pas son genre de Philippe Vilain

Pas son genre de Philippe Vilain

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Marvic, le 28 février 2012 (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans)
La note : 2 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 541ème position).
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L'indécis

François Clément, jeune professeur de philosophie est nommé à Arras; bourgade provinciale qu'il espère quitter le plus rapidement possible, lui, le parisien éclairé. De plus, pour passer le moins de temps dans cette ville, il a accepté de ne pas enseigner aux classes les plus « intéressantes » en se chargeant des sections techniques.
Par hasard, il tombe amoureux d'une jeune coiffeuse, Jennifer, maman d'un petit garçon qu'elle élève seule, heureuse et équilibrée dans sa vie de coiffeuse dans le plus beau salon de coiffure d'Arras.
Bien sûr, tout les sépare. Le milieu social, la culture, les ambitions. Et pourtant la jeune femme, pas dénuée de bon sens et de perspicacité, essaie de se rapprocher de son amant qu'elle sent moins attaché qu'elle ne l'est.
On va donc assister à des scènes d'une banalité affligeante: « Tu m'aimes? Comment tu m'aimes? Tu m'aimes comme je t'aime?..... » mais aussi à des points de vue qui, loin de la philosophie, ne manquent pas d'intérêt.
« Non, l'amitié sincère, ça se voit quand il arrive un événement heureux dans sa vie. Si tu veux en faire l'expérience, crois-moi, annonce une bonne nouvelle...et là, à sa réaction de se réjouir, tu comprendras tout de suite si son amitié est sincère ou non: soit il se réjouira de bon cœur et cela se verra, soit il fera semblant de se réjouir mais cela sonnera faux... »

Curieusement ce sont les états d'âme du héros qui sont le plus pesants.
La lecture des premières pages m'a été pénible; elles essaient de nous expliquer pourquoi le héros est un perpétuel indécis; mot d'ailleurs que l'on rencontrera souvent; (dans le même genre de personnage, je préfère « L'irrésolu » de Patrick Poivre D'Arvor.)
Il préfère ne pas faire de choix, ne pas s'engager auprès d'une femme, car faire un choix implique de renoncer aux autres possibilités qui s'offre à nous.

Au début de sa relation avec Jennifer, il garde une distance méprisante. Mais le bouleversement qu'il va ressentir à la suite d'un malentendu lors d'un retour de vacances, va l'amener à s'interroger sur son attachement véritable.
« Étrangement, rien ne nous éloigne plus que de sentir nos proches heureux lorsque nous ne sommes pas la cause de leur bonheur: alors nous déplorons de ne pas partager avec eux ce bonheur que nous avons échoué à leur offrir, et nous n'admettons ni qu'ils l'aient trouvé seuls, ni qu'ils se satisfassent d'en profiter sans nous. Nous nous sentons trahis. »
C'est pourtant elle qui comprendra la première l'échec inévitable de cette relation et qui lui permettra de s'apercevoir qu'il l'aimait parce qu'il …. la méprisait!

Un thème sans aucune originalité, racontée avec pédanterie dans une écriture d'une grande banalité.
Et au moins pour ce passage, je suis d'accord avec ces phrases prononcées par le narrateur:
« Je travaillais en dilettante.. dans l'idéal, j'aurais voulu devenir quelque chose comme écrivain, mais soit parce que ce statut me paraissait trop abstrait et que je ne m'imaginais pas en vivre, soit parce que je n'avais pas assez de talent pour le devenir, ou que j'étais trop paresseux pour travailler ce talent, si j'en avais envie, j'en abandonnais vite l'idée. »

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Non engagement paresseux

6 étoiles

Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 8 novembre 2014

Le narrateur, professeur de philosophie parisien en début de carrière, exilé à Amiens avec des classes qui ne sont pas les plus recherchées en contrepartie d’un regroupement de ses cours sur 3 jours, nous donne un long monologue sur une relation d’à peine une année scolaire qu’il a eu avec une femme, coiffeuse avenante qui n’était même pas son genre. Et réciproquement.

On peut noter quelques coups de griffes sur les colloques universitaires pompeux qui ne réunissent qu’une vingtaine de spécialistes s’écoutant parler.

Le livre, qui m’a donné une impression étrange de déjà vu alors que je ne l’avais jamais lu, est une sorte de longue introspection sur l’indécision, trait de caractère dont le personnage s’estime affligé mais qu’il chérit aussi. Cette passivité est quand même mise à mal quand la petite vie tranquille qu’il s’est arrangée bascule. Sur le même registre du non choix qui laisse ouvertes toutes les possibilités, « Haute fidélité » de Nick Hornby est beaucoup plus amusant.

Si les chapitres ne font souvent que quelques pages, les phrases sont fréquemment très longues mais comportent des respirations.

IF-1014-4293

Une chronique subtile et cruelle.

9 étoiles

Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 18 août 2014

Je suis enchanté de cette lecture, de l’arrière-plan proustien d’"un amour de Swann" annoncé par le titre, de l’analyse méticuleuse et acérée des comportements amoureux, de l’attention à la précision du langage.

Les dialogues cocasses entre deux personnes de cultures très différentes, l’agrégé et la petite coiffeuse, passent de l’humour malicieux à la situation pénible qui crée la tension entre deux êtres : ils s’exposent tour à tour à des traits cruels.

Accusera-t-on notre philosophe d’être condescendant, voire méprisant ?

L’intérêt qu’il porte à la relation, et la dissection clinique de ses motivations, montrent à quel point ce récit le touche à vif. Il glisse d’ailleurs entre les pages une petite note sur " le diable au corps", où il défend un certain François - son propre prénom, narrateur comme lui d’une aventure mal maîtrisée.

Le lecteur lit par-dessus son épaule de narrateur, il le prend plusieurs fois en flagrant délit de mauvaises interprétations ou d’ingénuité comique.

J’apprécie donc cet auteur

- qui manie l’analyse morale avec une grande exactitude

« Étrangement, rien ne nous éloigne plus que de sentir nos proches heureux lorsque nous ne sommes pas la cause de leur bonheur : alors nous déplorons de ne pas partager avec eux ce bonheur que nous avons échoué à leur offrir, et nous n’admettons ni qu’ils l’aient trouvé seuls, ni qu’ils se satisfassent d’en profiter sans nous. Nous nous sentons trahis »

- qui tient des propos lucides et amers sur les classes sociales

« Les Économique et social (ES) et les Techniques (STG) : les premiers ne travaillaient pas la philosophie les seconds la travaillaient trop studieusement ; les premiers arrogants petits-bourgeois, méprisaient les seconds, enfants des classes laborieuses, qu’ils exploiteraient plus tard, et considéraient que la philosophie ne leur serait d’aucune utilités pour intégrer une école de commerce ; les seconds, sages et appliqués, s’étaient convaincus depuis des générations de prolétariat de leur infériorité sur les premiers et que la philosophie ne leur permettrait pas de restaurer ce sentiment. Sans doute l’arrogance est-elle plus ridicule encore lorsqu’elle ne naît pas d’un talent, mais d’un simple appartenance sociale, ici la petite bourgeoise de commerçants et d’entrepreneurs, Breitling menottée au poignet, inculte mais conscient de ses privilèges..

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