Le jeune homme de Ōgai Mori

Le jeune homme de Ōgai Mori
(Seinen)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Dirlandaise, le 1 février 2012 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Le chemin de la maturité

Médecin, officier de carrière, haut fonctionnaire, érudit, polémiste et homme de lettres, Rintarô Mori (Ôgai est un pseudonyme) a laissé à la postérité une œuvre qui a marqué l’histoire de la littérature du Japon moderne. Il est l’un des principaux fondateurs de la littérature moderne japonaise et un traducteur d’August Strindberg entre autres.

Dans ce roman, un jeune homme provincial aspirant à devenir écrivain, arrive à Tôkyô dans le but d’y entreprendre des études littéraires. Il retrouvera d’autres étudiants provenant de la même ville mais il fera plusieurs rencontres qui exerceront une influence décisive sur sa pensée et surtout, sur son avenir. Parmi ces rencontres, plusieurs femmes très différentes retiennent son attention : une jeune fille ingénue habitant la maison voisine de celle où il loge, une veuve aisée rencontrée au théâtre qui lui offre d’emprunter tous les livres de sa riche bibliothèque et enfin une jeune servante aux allures de geisha. Le monde de la femme demeure une énigme pour Jun.ichi. Jamais encore il n’a eu d’amante et les femmes sont pour lui une source constante d’interrogations et de mystères. Les jeunes filles le laissent plutôt indifférent malgré le fait qu’il apprécie leur beauté et leur grâce. La riche veuve parviendra cependant à l’envouter grâce à son regard mystérieux et ses manières raffinées. Il accepte son invitation à la rejoindre dans une auberge d’une station thermale à la mode mais à son arrivée, la déception qu’il éprouve bien qu’amère, se révélera salutaire et le mènera sur le chemin de la maturité.

Sous des dehors romanesques, Rintarô Mori introduit plusieurs réflexions philosophiques et sociales de son temps. Les rencontres entre étudiants sont prétextes à de longues discussions portant sur des sujets chauds de l’époque tels que la place de la femme dans la société japonaise moderne, l’influence de plus en plus importante de l’Occident, la modernité et les valeurs traditionnelles du Japon, l’individualisme versus le nationalisme etc.

Le style de Rintarô Mori ressemble beaucoup à celui de Sôseki (que je préfère) dans la description des objets du quotidien, des vêtements et des expressions des différents personnages. L’écriture est pure, dépouillée et le lire équivaut à naviguer sur un lac aux eaux calmes et limpides. La prose de Rintarô Mori est lumineuse et d’une belle simplicité. Un peu plus de poésie et de lyrisme aurait été les bienvenus mais il semble que ce ne soit pas une priorité chez cet écrivain tout comme chez Sôseki. Les deux écrivains se plaisent à décrire le réel sobrement sans toutefois omettre d’introduire un aspect philosophique par le biais des conversations et des réflexions personnelles des narrateurs.

C’est un roman d’apprentissage fort agréable est surtout révélateur des profonds questionnements de la jeune génération en émergence dans le Japon du début du vingtième siècle. Les références littéraires y fourmillent : Maeterlinck, Verhaeren, Tengai, Von Heyse, Sudermann, Tovote, Bernstein, Katai, Sôhei. De belles lectures en perspective…

« La femme à la droite de Jun.ichi s’était levée dès la chute du rideau, mais elle revint bientôt sans son manteau ni son col de fourrure, sans doute parce que la salle s’était réchauffée. Son kimono était en crêpe de soie, et son obi brodé d’or pareil à celui qui orne le costume de certains acteurs de nô, mais les yeux de Jun.ichi ne virent que son magnifique haori sombre. Elle gardait les mains croisées sur ses genoux, et il remarqua qu’à chaque doigt ou presque scintillait une bague. »

« L’homme à la chaîne d’or écoutait avec un air de brillant mécène. Ochara, dont le visage exprimait un parfait ennui, nouait et dénouait la cordelette de l’étui de sa pipe minuscule qu’elle avait posée sur ses genoux. Jun.ichi observait le mouvement désordonné de ses doigts effilés semblables à de minuscules poissons blancs se tordant dans un panier, si bien qu’à son tour Ochara ne put s’empêcher de lancer des regards à la dérobée dans la direction du jeune homme. »

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