Sanctuaire de William Faulkner

Sanctuaire de William Faulkner
( Sanctuary)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Esperluette, le 24 août 2002 (*, Inscrite le 19 juin 2002, 52 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 10 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 176ème position).
Visites : 13 189  (depuis Novembre 2007)

Le culte de la perversion

Lire William Faulkner, c’est déjà un exercice périlleux. En faire une critique, c'est carrément du masochisme. Que dire de nouveau et d'au moins aussi intelligent qu'un Maurice Edgar Coindreau (son traducteur), qu'un Albert Camus, qu'un Jean-Paul Sartre ou qu'un André Malraux ?
Justement, en 1933, André Malraux écrivait dans une préface devenue célèbre : « Sanctuaire, c'est l'intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier. (…) Sans doute est-ce une erreur que de voir dans l’intrigue, dans la recherche du criminel, l'essentiel du roman. (.) Limitée à elle-même, l’intrigue serait de l'ordre du jeu d’échec- artistiquement nulle. Son importance vient de ce qu'elle est le moyen le plus efficace de traduire un fait éthique ou poétique dans toute son intensité. Elle ne vaut que par ce qu'elle multiplie »
William Faulkner n’aimait pas ce roman, il ne l'a écrit pour de l'argent. Pour booster les ventes, il avoue avoir cherché "l'histoire la plus effroyable qu'on puisse imaginer" Faulkner est descendu dans les abîmes de l’âme humaine à la recherche du mal absolu.
Comment ne pas s’émouvoir du sort de cette pauvre jeune fille, Temple Drake, psychologiquement broyée et sauvagement violée à l'aide d’un épi de maïs ? Et Popeye, ce truand impuissant et pitoyable, qui se laisse accuser d'un meurtre qu'il n’a pas commis ? Et Horace Benbow, l'avocat justicier, qui se fourvoie en voulant faire le bien ? Sanctuaire est résolument noir, malsain et désespérant.
A cela s’ajoute le chaos stylistique. L'écriture de Faulkner est volontairement obscure. Une chronologie bouleversée avec des flash-back incessants, des phrases « fracturées » et des monologues intérieurs qui ne se distinguent pas toujours de la narration, l’oeuvre de Faulkner demande une attention constante de la part du lecteur. Pour ma part, j'ai bien failli abandonner avant la fin… mais il faut croire qu’il n'y a pas de plaisir sans effort. Après le « Bruit et la fureur », je m'étais pourtant jurée qu'on ne m'y reprendrait plus !

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4 étoiles

Critique de Thomas lu (, Inscrit le 11 novembre 2019, 34 ans) - 11 novembre 2019

J'aimerais bien partager l'enthousiasme des autres lecteurs mais je n'ai pas aimé ce livre. Je le trouve un peu racoleur, pas parce qu'il y est question de meurtre et de viol, non, mais parce l'histoire manque de sens. Pourquoi Popeye tue-t-il Tommy? Il n'avait pas besoin de ça pour s'en aller avec Temple. C'est un acte un peu gratuit. Pourquoi tue-t-il Red son complice qu'il a poussé à baiser Temple? La violence devient racoleuse quand elle manque de justification psychologique ou quand elle ne sert pas vraiment l'histoire. On a beau être brutal on ne tue pas sans motif. Le fait que Popeye soit impuissant ou que sa mère ait la syphilis ne suffit pas à faire un motif. Pourquoi Temple accuse-t-elle Goodwin et sauve-t-elle Popeye qui l'a violée et enfermée au bordel pendant des semaines? Ce n'est pas du tout clair. J'ai cherché sur des sites américains, les spécialistes ne sont pas d'accord et ils peinent à expliquer le parjure de Temple. Je ne vois pas l'intérêt de rendre l'histoire ou les personnages obscurs, de dérouter le lecteur. On peut, comme Dostoïevski par exemple, montrer la pire noirceur humaine sans que les personnages soient opaques. J'aime les ténèbres humaines mais j'aime que le romancier m'y fasse pénétrer. Aucun des personnages ne m'inspire de l'attachement ou de la sympathie. Temple est plusieurs fois présentée comme une écervelée et en plus elle commet un parjure et envoie un innocent à la mort! L'identification à un personnage ne fonctionne pas pour moi, pas même avec Benbow l'avocat qui veut quitter sa femme et finalement retourne au foyer à la fin. Je ne trouve pas l'intrigue captivante dans la mesure où il n'y a pas de personnage porteur d'une dynamique (au moins pendant la première moitié du livre). On a envie de savoir ce qui va arriver à la pauvre Temple mais à partir du moment où elle ne tente pas d'échapper à Popeye (à la station-service par exemple) mon empathie décline beaucoup et je ne suis plus très curieux de connaître son sort. Donc, pour moi, pas de personnage que j'aime, pas d'intrigue qui me tienne en haleine - cela va ensemble d'ailleurs, si les personnages me restent lointains, si je ne m'attache pas à l'un d'eux au moins, je ne suis pas très curieux de ce qui va leur arriver - une écriture que je trouve dure, raboteuse, dénuée de fluidité et de musicalité, de charme, un point de vue souvent extérieur qui ne permet pas d'entrer dans la conscience des personnages et contribue à me les rendre lointains, étrangers.

Une oeuvre sombre et dérangeante !

4 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans) - 6 novembre 2017

William Faulkner (1897-1962) est un romancier et nouvelliste américain. Il reçoit le Prix Nobel de littérature en 1949.
Il a situé la plupart de ses récits dans son état natal du Mississippi.Il est considéré comme un des plus grands écrivains américains de tous les temps et un écrivain majeur du XXe siècle.
"Sanctuaire" est son sixième roman (1931).

Sud profond des états-unis -Comté imaginaire de Yoknapatawpha (Mississippi)- la prohibition fait rage et la jeunesse prend tous les risques pour acheter de l'alcool.
Temple Drake, jeune fille de bonne famille, est abandonnée dans une maison délabrée, par son petit ami venu y chercher de l'alcool. Une masure habitée par des marginaux dont le mystérieux et violent Popeye. Temple, telle une brebis lâchée dans la jungle, sera violentée, violée et séquestrée.
Elle échouera dans une maison close de Memphis où sa déchéance va s'accélérer.

Un récit effroyable, dérangeant où le malaise est omniprésent.
Une lecture difficile sur la fond et la forme.
Je me suis interrogé sur la finalité du récit. Mais où Faulkner veut-il en venir ?
J'avoue être resté sur ma faim. Probablement n'ai-je pas compris le sens profond de cette oeuvre.
Même à la relecture de la préface d'André Malraux, je n'ai pas avancé dans la compréhension.
Un roman qui restera un mystère....

Faulknerisme mineur

7 étoiles

Critique de Khan (, Inscrit le 1 mai 2005, 37 ans) - 3 mai 2008

Tout le monde vous le dira: lire Faulkner ce n’est pas seulement lire pour lire, c’est aussi lire dans l’effort. Constamment dans l’envie de brouiller les pistes, Faulkner multiplie les narrations différentes, joue avec le temps comme s’il était maitre des aiguilles, il aime à ballotter son lecteur comme un simple objet sous son contrôle et autant le dire de suite ça me dérange beaucoup. Je n’aime pas être malmené je n’aime pas être la victime d’un petit malin et, parfois, Faulkner me fait le même effet qu’un Dostoïevski. D’ailleurs, si je n’avais lu que Sanctuaire de lui je me serais arrêté à cette comparaison et l’aurais peut-être bien vite jugé.

Il y a un passage formidable qui pour moi rachète à lui seul la technique de narration temporelle qu’emploie Faulkner. La scène du “dix heures et demie” comme j’aime à l’appeler. Formidable madeleine proustienne, ce dix heures et demie se moque de tout. Ce n’est pas le dix heures et demie de l’instant présent mais une multitude de dix heures et demie, ou comment à partir d’un principe rigide comme le temps, Faulkner va transporter son lecteur dans d’autres journées, d’autres parts d’existence de l’héroïne, comment de sa grange il va la faire voyager à la soirée de préparation pour le bal, comment tout simplement il va nous promener et finalement ressaisir son lecteur lui donner à manger, pas trop, mais juste ce qu’il faut pour lui enlever un peu de l’agacement que l’on ressent pour l’auteur. Certes en faisant exploser en diverses temporalités la structure narrative Faulkner accède à des facilités de narrations ou même à des expérimentations qui peuvent le faire passer pour plus grand qu’il ne l’était mais à côté de ce principe maintenant éculé, se trouve le vrai génie de Faulkner et il est total. J’entends parler de son génie de la description, de son élégante façon de raconter. Jamais Faulkner ne nous inonde de descriptions, paradoxe amusant quand on sait à quel point il aime nous malmener avec le temps! Ces dernières sont d’ailleurs pour le moins étranges toujours mal placées.

Disons plutôt inappropriées dans tout autre roman autre qu’un roman de Faulkner. L’écrivain n’est jamais là où on l’attend, il se perd dans des descriptions secondaires où les mots sont chirurgicalement choisis, travaillés, intelligemment - peut-être trop - placés. Pourtant tout est d’une élégance rarissime, on voit que l’oiseau qui chante n’est pas le plus intéressant mais qu’il recrée finalement une ambiance, une réalité, que les froides descriptions étirées d’autres écrivains n’arriveront jamais à appréhender. Faulkner, c’est le génie de la description secondaire, le magicien de la littérature, le seul écrivain qui entre mille possède un style d’une modernité à la fois austère et gaie, les mots ne correspondent pas au ressenti, ils recréent simplement une atmosphère qui elle-même va générer le ressenti! Les descriptions deviennent alors vivantes, l’imagination du lecteur est appelée à tout instant, mais toujours sous contrôle d’éléments secondaires qui la recadrent constamment dans une réalité pourtant fictive.

J’aime Faulkner pour cette raison plus que pour l’histoire de narration inversée, j’aime Faulkner pour son talent à manier ce qui est secondaire chez d’autres, j’aime Faulkner car il ne donne rien d’un coup, parfois on découvre encore des traits de caractères des personnages alors qu’on les connait déjà depuis 200 pages. La description chez Faulkner seule échappe au temps, elle est totale, parfaitement totale et immortelle, c’est elle le vrai sanctuaire de l’écrivain, la seule chose qu’on ne pourra jamais lui enlever, son plus précieux don, celui qui pour moi différencie le travailleur acharné du génie.

Quelle surprise

9 étoiles

Critique de Zelda (Rambouillet, Inscrite le 26 avril 2006, 52 ans) - 24 juillet 2006

J'ai lu ce livre car mon voisin, qui se reconnaîtra, m'en a parlé en bien.
C'est l'été et tout est frais et léger ... sauf ce livre.
Mais quel livre !
C'est véritablement une plongée au coeur de l'Amérique profonde du sud poisseux.
On lit une histoire terrible et fascinante, un peu comme lorsque l'on assiste à une scène horrible dont on devrait détacher les yeux sans pouvoir le faire.

Ce livre m'a aussi permis de réfléchir aux personnages, qui sont si lisses aujourd'hui (je pensais à Houellebecq et aux critiques de Plateforme). Faire de Popeye un impuissant, violent et jaloux, donner une envergure incroyable au personnage de Temple qui s'adapte, bien que détruite, à cette nouvelle existence alcoolisée, cela est vraiment intéressant.

C'est du beau travail étrangement ficelé par moment, à lire en toute connaissance de cause.
C'est en somme un vrai livre d'adulte .

Horace Benbow, initiateur du lundi de Pentecôte ouvrable.

10 étoiles

Critique de Feint (, Inscrit le 21 mars 2006, 60 ans) - 22 avril 2006

« La nuit est dure pour les vieilles gens, dit-il tout bas (…). Les nuits d’été sont pénibles pour eux. Il faudrait faire quelque chose pour cela. Une loi. » C’est Horace Benbow qui parle ici, à la fin du roman (p. 355 en Folio), après avoir été incapable de sauver Goodwin. C’est l’expression d’une conscience en déroute, le fossile d’une volonté défaite, incapable désormais de tenir autre chose qu’un discours dérisoire, vide de sens. Les hommes « politiques » devraient lire Faulkner.

Sanctuary : un Faulkner qui fait mal

8 étoiles

Critique de Sylkarion (Saint-Etienne, Inscrit le 9 décembre 2005, 43 ans) - 9 décembre 2005

Sanctuaire est un roman au désespoir saisissant, omniprésent. On y retrouve un couple de jeunes privilégiés du Sud soudain confrontés au vieux Sud primitif. Le contraste ne tarde pas à se faire ressentir et les autochtones ressemblent, de par leurs comportements, davantage à des animaux qu’à de véritables êtres humains, dirigés par leurs instincts. Par exemple, le personnage de Tommy, qui tient plus du chien que de l’homme. Un peu à la manière de Giono, Faulkner fait de la nature un personnage à part entière qui embrasse tous les autres. Sanctuaire est un drame réaliste à la violence inouïe qui ne laisse pas indemne. A rapprocher de Flannery O’Connor, Milan Kundera ou encore J.M.G. Le Clezio.

Une merveille de sensibilité

9 étoiles

Critique de Giny (Casablanca, Inscrite le 26 avril 2005, 36 ans) - 23 septembre 2005

Oui, je l'ai trouvé merveilleux de justesse, ce livre, mais en ce qui concerne sa description de la misère, de la déchéance, du viol, je trouve qu'il fait preuve d'une pudeur touchante.Par exemple, la scène du viol n'est pas décrite, juste évoquée, et ce qui caractérise le livre est le silence:le fait de taire ce qui est douloureux.Temple passe d'une adolescente pure, enjouée, à une femme souillée, qui se tait pour mieux endurer ses souffrances.
Ces ellipses narratives sont à mon goût ce qui fait le charme du livre, qui le fait passer d'une banale histoire, après tout, à un chef-d'oeuvre de désespoir.

Je suis d'accord, Jules

10 étoiles

Critique de Esperluette (*, Inscrite le 19 juin 2002, 52 ans) - 26 août 2002

Je trouve qu’il serait effectivement dommage (quelle que soit la difficulté) de passer à côté d'une oeuvre aussi puissante. C’est pour cette raison que j’ai accordé cinq étoiles à "Sanctuaire" et que "Le bruit et la fureur" figure parmi mes 10 livres préférés.

Attentif ? Oui, pour le moins !

8 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 26 août 2002

C'est vrai que dans "Sanctuaire" Faulkner va très loin dans les bassesses de l'âme humaine mais de là à le condamner comme auteur... "Le bruit et la fureur" est une vraie merveille et à tous points de vue... Un livre génial dans un style très particulier, difficile. Mais quel plaisir quand on l'a décodé. Ses phrases sans fin, ses parenthèses avec des parenthèses, ses flahs-back... Mais une fois qu'on l'a décodé le plaisir est à la hauteur de l'effort demandé. "Requiem pour une nonne", "Tandis que j'agonise", "Lumière d'août", "Sortoris", "L'intrus" et "Treize histoires" sont des merveilles de la littérature ! Mais à chacun ses goûts bien sûr ! J'ai aussi de très grands auteurs que je n'aime que très peu !

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