La Nostalgie du Carillon de Virginie Holaind

La Nostalgie du Carillon de Virginie Holaind

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 3 décembre 2011 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 503ème position).
Visites : 3 082 

Le joueur d'accordéon

Un homme et son accordéon. L’homme est un immigré à Bruxelles. Il chantait, il était dans la joie mais son chant ne lui rapportait rien. Pas assez. Un jour, un homme « aux yeux et visage étroits » lui fait don d’un instrument. Qui peu à peu lui vole le peu de ses souvenirs. Reste le carillon de la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule qu’il écoute après s'être arrêté de jouer, le carillon qui retient sa mémoire de tomber dans l’oubli...

Un récit scandé par le rythme des mots, qui reviennent en boucle comme dans une chanson. "Dans la prose de la vie", les souvenirs en sont le refrain. Un texte à dire où l’accordéon figure l’interface entre l’homme et le monde. Qui, au gré de ses mouvements d’extension-contraction, prend l’air et le libère. Une fable à plusieurs entrées. Sur les affres du déracinement et la perte de repères, sur le déplacement des valeurs, sur les aléas de la mémoire et la conservation du temps... Une fable ouverte, aux multiples correspondances, qui donne lieu à plus d’une interprétation et dont la subtile musique se poursuit bien après la lecture.

Le joueur d’accordéon. Coupé de son passé et de son être, rendu sourd aux appels de la terre qu’il a quittée, l’accordéon sera l’instrument de sa perte. Seul le son du carillon le relie à un bruit qui fait sens pour lui, le relie à soi, le garde en éveil mais pour combien de temps, et ce mince fil, cette faible lueur suffiront-t-il ?...

À noter l’excellente couverture de Joachim Regout qui en un dessin stylisé met en perspective les éléments du récit, tels cet âne-accordéon dont le souvenir est porté par les sons et ce rouge de la couverture (sur laquelle tombent les pièces) qui donne le la de la composition.

Virginie Holaind possède un style et un univers qui donneront encore, on n’en doute pas, de nombreuses autres histoires fabuleuses.

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Un air lancinant

9 étoiles

Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 1 août 2012

Entrer dans cette histoire, c'est un peu comme entrer dans les livres animés (pop-up) de son enfance. On l'ouvre et on y voit le haut de Bruxelles se déployer avec sa cathédrale Saint-Michel-et-Gudule, sa gare centrale toute proche, lieu de passage du peuple navetteur. Et au milieu de ce décor, un invisible, un petit accordéoniste venu de son Est lointain avec ses espoirs, mais aussi ses souvenirs, lancinants. Son unique trésor, cet accordéon donné par un inconnu pour accompagner son chant. Et soudain, cet accordéoniste s'anime et joue sa triste mélopée pour quelques monnaies sonnantes dans un chapeau. Triste, cette mélopée, car, chez ces gens-là, monsieur, cela rapporte plus. Le bonheur, lui ne parle pas, ne paie pas dans les métropoles occidentales.
L'auteur redonne corps à cet invisible de nos villes modernes. On le voit, on entend sa complainte. Dans une écriture scandée entre prose et poésie. Cette histoire se lit un peu comme une chanson, la chanson triste de cet accordéoniste

"Peut-être viendra ainsi le jour où il oubliera qu'il a oublié."

9 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 53 ans) - 14 juin 2012

Elle est vraiment vraiment jolie, la petite mélodie du carillon de Virginie Holaind, qui a su mettre beaucoup de musicalité dans son texte, beaucoup de rythme avec des alternances entre les phrases courtes, les longues, les petits mots évocateurs juste posés là et les passages en italique qui reviennent nous bercer comme un doux refrain enchanteur.
Le temps s'égraine, la mémoire fait défiler les souvenirs, on entend le cliquetis des pièces tout autant que les silences, dans un univers empreint d'une tendre nostalgie.
Et on est transporté....

"Il est neuf heures.

Radoslav sait qu'il a quitté son pays un jour pour une bonne mauvaise quelconque nécessaire abrupte urgente folle bonne mauvaise raison.

Ca devait être ça.

Mais il a oublié. Laquelle.
Il se souvient juste...

... du silence et les...qui écrasent le temps.
Juste un caillou ou deux dans ses souliers et l'odeur rance de la carriole du Père.
Et....Dino et la poussière.
Et Kiev et le carillon...de Petchersk.

Ensorcelant !

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 23 mars 2012

Quand elle m’a donné ce livre, « Un matin place du Jeu de Balle. Dans le désordre du marché aux puces », la sorcière bleue, la fée rousse, je ne sais plus très bien, je n’ai pas senti toute la magie qu’elle avait brodée sur ces quelques pages. Je n’avais vu que ce petit âne-accordéon que Joachim, Joachim Regout, a dessiné au milieu de la couverture de ce petit livre qui évoque les petits trésors que les dames feuilletaient dans les cours de l’ancien régime.

Et, dans mon fauteuil, quand j’ai ouvert ce petit opuscule, j’ai libéré un air d’accordéon qu’un vieil homme qui ne l’était pas tant que ça, jouait pour faire tomber quelques pièces sur le carré de chiffon qu’il avait étendu à ses pieds, juste quelques pièces qui lui permettraient de vivre encore un peu. Car l’accordéon est magique comme la sorcière, la fée, il fait tomber les pièces sur le carré d’étoffe mais il dévore la mémoire du vieil homme qui oublie d’où il vient, là-bas à l’Est, où c’était mieux, où il existait.

En quelques mots délicatement brodés sur ces quelques pages, la sorcière, la fée, raconte l’exil, la solitude, la nostalgie, la pauvreté mais pas la misère, avec une profonde délicatesse, une grande tendresse sans jamais s’apitoyer inutilement, seulement un peu de mélancolie et de désespoir pour compatir, témoigner, montrer à ceux qui ne veulent pas voir en jetant une petite pièce au pauvre joueur d’accordéon sans même le regarder.

Un bijou de texte qui mêle la prose et les vers en une même poésie, qui jongle avec la forme pour rythmer la lecture comme le vieil homme rythme le souffle de son accordéon. Mais comme mes mots ne savent pas dire ce que je ressens, je laisse la place à la sorcière, la fée, et aux quelques fragments de texte que j’ai choisi presqu’au hasard de ma lecture :

Juste le silence et les pas qui écrasent le temps.
Son accordéon qui se tait quand chante le carillon.
Il étendra sa couverture rouge et ce bout minuscule où quelques pièces tomberont.
La joie, ça ne parle pas la même langue chez tout le monde.
Il se rappelle à peine d’où il vient. Là-bas, plaines de l’Est…
Il oublie ce qui existe ou a existé
Peut-être viendra aussi le jour où il oubliera qu’il a oublié…
Là-bas il existait. S’il s’en souvient bien. Il existait.

Oh n'exilez personne... !

9 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 17 mars 2012

Un exilé se raccroche à quelques souvenirs, sa ville, son père, un carillon… il a presque tout oublié mais il se souvient que « là-bas » c’était mieux.
Il est à Bruxelles, il joue de l’accordéon, un accordéon qui se tait quand sonne le carillon de Saints-Michel-et-Gudule. Mais avant l’exilé était joyeux, il chantait. Maintenant il est triste, son accordéon lui fait perdre le peu de mémoire qui lui restait et, en perdant la mémoire, « il devient rien ».

Ce court récit est très bien imaginé, tout en douceur et plein d’humanité.
Virginie Holaind a évité les poncifs du genre : pas d’apitoiement sur le malheureux, pas de reproche aux passants qui passent sans regarder. Il y a seulement une histoire qui renvoie le lecteur à ses pensées sur la solitude, sur la nostalgie et sur l’oubli.

Ce beau texte est présenté comme un long poème. Il est mis en pages avec beaucoup d’originalité et divisé en courts chapitres, avec des blancs, comme pour laisser au lecteur le temps de savourer. Une présentation de qualité pour une écriture de qualité.

Nous avons d’autant plus de plaisir à faire la critique de La Nostalgie du Carillon que son auteur(e) le vaut bien. C’est une habituée du site et, sauf erreur, elle a fait ses premières armes dans « Vos Écrits ». Espérons que sa modestie ne l’empêchera pas de nous tenir au courant de ses prochaines productions, en lui souhaitant qu’elles seront aussi bonnes que celle-ci.

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