So long, Luise de Céline Minard

So long, Luise de Céline Minard

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par AmauryWatremez, le 3 novembre 2011 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 54 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 346ème position).
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Céline Minard : Le cerveau, la chair, le sang, les tripes et le sexe de l'écriture

A propos de « So long Luise » de Céline Minard paru en Août chez Denoël, un livre qui n'est pas dans le "bac des officiels", dans le clos des "bêtes à concours" de la rentrée littéraire, qui n'aborde pas de sujets de société opportunistes ou dans l'air du temps.

Il est surtout question dans ce texte au sujet de Céline Minard de littérature, de passion de la littérature, et de la littérature dite "de genre" en particulier, et de l'expression par l'écriture et du retour à une tradition romanesque perdue de vue depuis le "Nouveau Roman" en France, et ses livres courts mais qui paraissent souvent longs comme un jour sans pain.
Ce n'est jamais très facile d'écrire sur un écrivain que l'on connait, et qui est une belle personne que l'on aime bien, bien que très différent, et bien qu'étant, ou pas, un de ces chrétiens « empêcheurs de jouir en rond », que l'auteur, dont il est question dans ce texte, assaisonne régulièrement dans ses œuvres de petites piques. Mais je lui pardonne car c'est grâce à elle que j'ai découvert les chansons de Gérard Manset et le cinéma japonais.

Il y a le risque que je donne l'impression de lui servir la soupe trop obséquieusement, que je la flatte dans le sens du poil.

Bien sûr à l'inverse existe le danger d'être trop sévère par peur de passer pour pour trop gentil.

Et il y a aussi ce risque de croire que l'on sait mieux que les autres d'où vient l'inspiration de l'auteur, s'imaginant reconnaître dans un épisode décrit par l'auteur des choses que l'on a soi-même vues ou vécues.

Parfois, l'auteur est de bonne foi, et il admettra sans fard qu'il utilise sa personne comme matériau premier du roman, le plus souvent, bien sûr, évidemment, tout est imaginaire aux dires des écrivains, même si l'on sait très bien qu'ils ne font que parler d'eux-mêmes, se rêver différents, autres, plus forts, plus intelligents, plus rebelles, moins dociles, s'idéaliser.

Ce n'est pas un reproche que l'on puisse faire à un auteur s'il le fait avec style, imagination et talent, s'il n'a aucune de ces trois qualités, bien sûr, cela n'a aucun intérêt. Je veux parler de ces auteurs qui font leur analyse dans leurs ouvrages d'autofiction très grisâtres, aussi passionnants qu'un catalogue de papier-peint.

Chacun des héros et héroïnes décrits par Céline dans ces romans sont autant d'incarnations d'elle-même, ainsi que dans les rêves où nous sommes tous les personnages que l'on peut y croiser.

Elle est le voyageur de « R », ce voyageur des mots, pèlerin du verbe.

Elle est ce cosmonaute parcourant le monde après la fin, revenu à l'état de nature, sans ce fléau que sont les pitoyables primates humains et leur incomparable bêtise dans « le dernier monde ».

Elle est Olimpia dans « Olimpia », cette putain de Pape ogresse et dévorante, aimant les hommes, la chère et les plaisirs, sachant très bien de quoi l'être humain est fait, à savoir de la chair, du sang, des tripes et un sexe. Dans ce livre il est souvent question de sexe, pas le seXXXe au détail en vente dans toutes les épiceries du barnum consumériste, celui qui sent la sueur, qui a le parfum des étreintes violentes.

Elle est un des guerriers de « Bastard Battle », qui décrit le Moyen-Age avec l'ambiance des films de Tarantino, mêlant Chrétien de Troyes et les mangas avec les films de genre craspecs des années 80 et le « Chambara » (« film de sabre » japonais).

elle est Luise aussi dans « So long Luise », peut-être est-elle un peu plus son héroïne que d'habitude me semble-t-il.

Céline aime la langue, qu'elle savoure et réinvente à chaque page, elle en profite dans son dernier opus pour se moquer du jargon des actes notariés, de tout ce qu'il est convenable de dire ou de faire : avoir des petits désirs, des petites passions tristes, aimer et vivre petitement, etc...

Petites choses que certains essaieront de compenser plus tard par l'achat de GROSSES choses matérielles qui seront pour eux comme une consolation.

C'est ce qui est agréable dans ses livres d'ailleurs, son mépris total des convenances, c'est une littérature où l'on n'a pas le petit doigt en l'air, on y met les coudes sur la table avec délices, sans pour autant que ce soit une littérature sombrant dans le trivial ou le grossier, c'est au contraire tout l'inverse qui se produit.

Céline aime profondément la littérature, cette passion non quantifiable des mots, des sentiments que l'on exprime, non réductibles en équations, ou en formules complexes ou non.

Comme tous les créateurs de formes, d'univers, elle ne partage pas les frêles ambitions, étriquées, des passants qui passent, qui eux pensent surtout à entrer dans le moule, fût-ce en se forçant, à obéir aux normes, à choisir ce qu'on leur demande de choisir, à faire où on leur dit de faire. On oppose souvent à ces créateurs qu'ils sont narcissiques, égocentriques et autres noms d'oiseaux. Certes, mais au moins les créateurs le savent-ils et subliment-ils leur nombrilisme en quelque chose de grand, grâce à leur faculté de donner vie à leurs rêves.

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Réjouissif !

8 étoiles

Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 48 ans) - 9 novembre 2015

Une femme écrivain, arrivant au crépuscule de sa vie, reprend un texte qu'elle écrit depuis de nombreuses années. C'est son testament, pour Luise, sa compagne peintre de toute une vie. Elle évoque leur rencontre, leurs errances, leurs vies, la jalousie, les petits arrangements avec ses contemporains, comme les belles jactances qui permettent de subvenir à leurs besoins, ou sa supercherie de langue.

La première chose que l'on remarque en lisant So long, Luise, c'est l'écriture vivante, riche et dynamique, "rejouissive", de Céline Minard. Jouant avec les proximité sonores et sémantiques, son discours nous malmène ou nous séduit, et toujours il nous surprend. Mélange de souvenirs, sentences d'expérience, ou conseils pragmatiques sur comment nourrir les nains ou réduire à l'impuissance les erdmenmendle, So long Luise est un petit bijou de truculence explosive, une réflexion sur le travail d’écriture, et sur l’amour ! Malheureusement, je me suis perdue au milieu de ces "fêtes du corps et du verbe", cette apologie de la vie et de l'amour, et peinant à retrouver mon chemin au milieu des pixies et autres créatures fabuleuses qui peuplent le quotidien de cette femme fantasque, je n'ai pas su retrouver mon chemin. Dommage, mais je lirai bien un autre de ses textes !

Se laisser saisir par l'étrangeté est la disposition la plus difficile qui soit.

Le problème des puritains avec le plaisir, le problème de Sade, c'est qu'ils cherchent à le faire durer. Absurde. La vraie question est celle de son renouvellement.

Il semblerait que conserver sa dignité passé quatre-vingts ans ce soit tout simplement obtenir des autres qu'ils vous parlent normalement. Sans ralentir le débit, sans cette lénifiante familiarité dont ils usent si volontiers, sans attendrissement marqué, sans non plus simplifier le propos et en forçant un peu le volume.

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