Une violence éminemment contemporaine : Essais sur la ville, la petite bourgeoisie intellectuelle et l'effacement des classes populaires de Jean-Pierre Garnier

Une violence éminemment contemporaine : Essais sur la ville, la petite bourgeoisie intellectuelle et l'effacement des classes populaires de Jean-Pierre Garnier

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Cyclo, le 15 août 2011 (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans)
La note : 10 étoiles
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la prochaine fois le feu ?

Dans une société où « les principales "valeurs" en circulation dans la civilisation capitaliste contemporaine ont pour noms : argent, profit, rentabilité, compétition, réussite matérielle ! » (comme dit Jean-Pierre Garnier), on ne voit pas pourquoi on ne laisserait pas la compétition et la rentabilité s'installer dans tout ce qui faisait le charme de notre vie. La santé doit pouvoir générer du profit, c'est du tout bon pour les actionnaires des sociétés pharmaceutiques, et tant pis pour les pauvres, z'ont qu'à crever, comme écrirait Louis-Ferdinand Céline ! Et l'éducation, donc, déjà les officines de préparation aux examens et concours, de soi-disant rattrapages et d'apprentissage des langues, pullulent, et à quel prix ?

Après, on s'étonne que les gens protestent. Moi, ce qui me surprend, c'est qu'ils protestent si peu. Qu'il y ait si peu de « casseurs des cités », de « sauvageons », comme les appelait un ministre soi-disant de gauche, de « racaille », comme si élégamment les dénomme notre actuel président (il est vrai qu'il ne lit pas "La Princesse de Clèves" et on ne peut pas lui demander de toujours parler en beau langage), voilà ce qui m'étonne encore plus ! Car après tout, ces jeunes, harcelés en permanence par le racisme et la police, condamnés à la précarisation à vie, savent que leurs éventuelles revendications « ne seront pas satisfaites : un emploi honorable et non pas un "boulot d'esclave", un salaire décent et non de misère, un logement convenable et non un appartement surpeuplé dans un immeuble dégradé, bref un avenir digne de ce nom et non un futur bouché », comme le rappelle notre auteur.

Il faut tout de même rappeler que ces fameux casseurs – d'ailleurs très minoritaires, sinon ce serait la Révolution ! - « sont parfaitement "civilisés" puisqu'ils [...] ont totalement intériorisé » (toujours J.-P. Garnier) les valeurs de la société actuelle : argent et réussite matérielle, voilà ce qu'ils veulent. Ce qu'ils voient, c'est que « cela fait des années que la misère est orchestrée par les nantis qui ne se soucient guère de la vie gâchée des enfants des quartiers populaires », qu'on ne leur laisse guère de projets – à part entrer dans la police ou être vigile, c'est-à-dire chiens de garde du patronat –, que l'alternance au pouvoir ne changera rien : le PS a eu le pouvoir pendant quinze ans, qu'a-t-il fait ? J.-P. Garnier fait une distinction intéressante entre « alternance politicienne » (= UMP/PS) et « alternative politique », qu'il convient de ne pas confondre.

Il est donc indécent, comme le fait le gouvernement qui, d'ailleurs, comme il l'a toujours fait, doit attiser en sous-main les violences (c'est du tout bon pour les votes sécuritaires), de dire que les manifestations parfaitement légitimes (par exemple contre son projet de retraite raccourcie – ce n'est certes pas moi qui ai pu partir à soixante ans, qui vais me réjouir de voir partir bien plus tardivement mes cadets) sont orchestrées et manipulées. Il est encore plus indécent de taper encore sur les casseurs, surtout quand on sait les casses autrement plus importantes auxquelles nous participons en Afghanistan et ailleurs, grâce à nos ventes d'armes, sans parler de la casse de nos industries avec les délocalisations organisées par le capital. C'est encore une fois diviser le prolétariat pour mieux régner.

Je m'excuse de citer encore longuement J.-P. Garnier : « On sait tout le bénéfice, aux sens propre et figuré, que les exploiteurs tirent de cette "armée de réserve" [Les chômeurs], outre qu'ils y puisent et y rejettent, au gré de la conjoncture et de leurs stratégies, la main-d'œuvre ou les "cerveaux" nécessaires – les "variables d'ajustement" en langage managérial – , la pression permanente d'une masse d'"employables" sur le "marché du travail" contraint les "employés" à faire preuve de "modération" en matière de salaires et de conditions d'emploi sous peine d'être remplacés. Ce qui, en retour, permet aux employeurs, grâce à la durée, à l'intensité et à la productivité du travail ainsi imposées, de se dispenser d'embaucher des travailleurs supplémentaires. Si bien que ces deux parties du prolétariat, l'employée et l'inemployée, font le malheur de l'autre – pour le plus grand bonheur du capital. »

Oui, en quelques phrases, tout est dit du monde contemporain, celui que nous avons accepté, parce que nous en ramassons quelques miettes.

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Les éditions

  • Une violence éminemment contemporaine [Texte imprimé], essais sur la ville, la petite bourgeoisie intellectuelle et l'effacement des classes populaires Jean-Pierre Garnier
    de Garnier, Jean-Pierre
    Agone / Contre-feux (Marseille)
    ISBN : 9782748901047 ; 18,30 € ; 04/03/2010 ; 254 p. ; Broché
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