Le Bon Sens Du Curé J. Meslier, Suivi De Son Testament (1830) de Anonyme

Le Bon Sens Du Curé J. Meslier, Suivi De Son Testament (1830) de Anonyme

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Le rat des champs, le 2 août 2011 (Inscrit le 12 juillet 2005, 73 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 2 avis)
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Un précurseur méconnu du siècle des Lumières

Jean Meslier est né en 1664, l'année où Louis XIV organisa une de ses fêtes les plus somptueuses à Versailles et où la troupe de Molière joua pour la première fois son Tartuffe. Devenu curé du village d'Etrépigny en Champagne, il dit la messe, il administra les sacrements et se comporta toute sa vie en curé de campagne presqu'exemplaire. Je dis presque parce que son ménage était entretenu par une femme qui était bien loin d'avoir atteint l'âge canonique, puisqu'elle était âgée d'une vingtaine d'années, et il ne fait aucun doute que ce curé était un libertin.

Il n'alla au cours de sa vie que deux fois à Paris, et il était donc l'exact opposé d'un abbé de cour. Révolté par les exactions d'Antoine de Touilly, le seigneur du village, il n'hésita pas à demander en chaire de vérité à ses paroissiens de prier pour l'âme de celui-ci, afin qu'il cessât de spolier la veuve et l'orphelin. Tancé sévèrement par l'archevêque de Reims, le bougre récidiva, à la vive fureur des autorités ecclésiastiques. Sous l'ancien régime, ce type de comportement témoigne d'un courage assez étonnant.

Tous les ans, il distribuait ce qu'il restait de sa dotation aux pauvres de sa paroisse, et à sa mort, il leur légua le peu qu'il possédait. Ceux-ci furent alors surpris de trouver dans son presbytère un long mémorandum dans lequel cet homme confiait sa honte d'avoir enseigné le christianisme à ses ouailles, ainsi qu'une demande à être enterré dans son jardin et non en terre consacrée. Ce texte fut rapidement diffusé et imprimé en Hollande. Il eut un impact considérable sur la pensée de Voltaire, qui dans sa correspondance avec d'Alembert qualifie ce livre d'authentique trésor, puisque c'était le témoignage d'un prêtre mourant, homme de bien.

Le curé Meslier rejetait avec force la religion qu'on lui avait imposée depuis son enfance et prônait une spiritualité naturelle d'amour universel dont le christianisme était, disait-il, l'ennemi déclaré. Libertaire, anarchiste, anticlérical, communiste avant l'heure, libre-penseur, adversaire de tout dogme, cet homme fit, nous dit Voltaire, une impression plus forte sur les esprits de son temps que les écrits de Blaise Pascal. Pourtant, sa bibliothèque était pauvre, il ne possédait que l'oeuvre de Fénelon, celle de Descartes et du jésuite Tournemine et c'est sur la bible qu'il s'appuie constamment.

La lecture des écrits de l'abbé Meslier, qui comme disait Voltaire écrivait comme un cheval de carrosse, mais "un cheval qui ruait bien à propos", est bouleversante, parce qu'on y prend la mesure de la souffrance de cet homme qui dans la solitude élabora une pensée qui exerçera une forte influence sur le siècle des lumières, la révolution française et de multiples penseurs des siècles suivants. Souvent utilisé, rarement cité par ceux qui pillaient ses textes sans vergogne, ce "bon curé" comme le nommait Voltaire était un visionnaire qui n'est plus connu que de quelques érudits, un précurseur qui sans le savoir marqua profondément la pensée humaine. Par exemple, bien avant Darwin, il affirme que l'homme n'est ni le but ni l'aboutissement de la création, que la morale chrétienne n'est en rien supérieure à celle des païens, etc.

D'Alembert, trop timoré et craignant l'inquisition n'osa pas le publier et c'est le baron d'Holbach qui s'en chargea, changeant ainsi probablement le cours de l'histoire.

Le testament du "bon curé" se termine par cette phrase qui eût pu être écrite par Voltaire en personne: "Je finirai par supplier Dieu si outragé par cette secte de daigner nous rappeler à la religion naturelle dont le christianisme est l’ennemi déclaré : à cette religion sainte que Dieu a mise dans le cœur de tous les hommes, qui nous apprend à ne rien faire à autrui que ce que nous voudrions être fait à nous-mêmes. Alors, l’univers serait composé de bons citoyens, de pères justes, d’enfants soumis, d’amis tendres. Dieu nous a donné cette religion en nous donnant la raison. Puisse le fanatisme ne plus la pervertir ! Je vais mourir plus rempli de ces désirs que d’espérance "

Ce n'est sans doute pas un hasard, parce que des travaux récents (je pense notamment à ceux de Serge Deruette) ont démontré que les textes ont été remaniés voire même trafiqués par Voltaire et Holbach afin pour d'en gommer tous les aspects révolutionnaires.

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Le "Bon sens" et le "Testament" ne sont pas de Meslier...

1 étoiles

Critique de Tijl (, Inscrit le 24 mai 2012, 63 ans) - 24 mai 2012

c'est une erreur trop souvent faite, et qu'il est bon de rectifier ici !

(source : www.jean-meslier.com)

"Sur les écrits de Meslier, il est une erreur à laquelle ce début de XXIe siècle laisse encore trop souvent cours.

Trop souvent, l’on présente comme étant un abrégé ou des extraits du Mémoire de Meslier le texte – déiste ! – que Voltaire a compilé et en partie rédigé sous le nom de Testament de Jean Meslier.

Trop souvent, l’on attribue à Meslier l’œuvre athée anonyme d’Holbach que l’on a, après lui, intitulée Le Bon Sens du curé Meslier.

Et trop souvent, l’on trouve, chez l’un ou l’autre bouquiniste, ces deux textes réunis en un seul volume. Curieusement réunis d’ailleurs, puisque le lecteur dispose de deux textes dont l’un est athée (Le Bon Sens) et l’autre déiste (le Testament) !

Les sites Internet, de qualité fort inégale, où il en est question s’ils offrent des éléments de connaissance de Meslier, renferment parfois aussi beaucoup d’erreurs dont certaines sont de taille.
Le texte, complet cette fois, de son Mémoire est bien reproduit sur (« Google Books » sous le titre de Testament ), mais il n’est celui d’aucun des trois manuscrits autographes de Meslier conservés à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Il est la reproduction du texte édité en 1864 par le libre-penseur hollandais Rudolf Charles sur base d’une copie non autographe du Mémoire (écrite à partir d’un quatrième manuscrit malheureusement perdu qu’a rédigé Meslier) et présente en conséquence des différences avec les trois manuscrits autographes retrouvés.

Exception faite de ce texte assez fidèle d’un copiste publié par Rudolf Charles, les œuvres attribuées à Meslier que l’on peut lire « dans le texte » sur le Net ne sont pas de lui, y compris sur le site pourtant universitaire de l’UQAC (Université du Québec à Chicoutimi) qui numérise, non le Mémoire de Meslier, mais l’Extrait tronqué et dénaturé qu’en a proposé Voltaire 1.

On présente souvent cet Extrait comme le Mémoire intégral et originel lui-même de Meslier, alors que Voltaire en mutile et falsifie le propos puisqu’il fait, dans sa présentation même, passer le théoricien fondateur de l’athéisme pour un déiste « voltairisé », utilisant exclusivement Meslier comme une arme dans son propre combat contre l’Église et le christianisme, et en excluant méticuleusement les démonstrations athées, matérialistes, communistes et révolutionnaires – c’est-à-dire l’essentiel de ce par quoi Meslier innove !

Comme nous le disions, cette mutilation voltairienne du Mémoire de Meslier est par ailleurs souvent assortie, en un même ouvrage, sous forme de publications qui ont circulé et circulent encore tant en versions livresques que virtuelles du Bon Sens du curé Meslier, une œuvre athée d’Holbach au titre fallacieux en fait qui, en conséquence, n’est nullement celle de Meslier.

Seul le texte du Mémoire publié pour la première fois en 1970-1972 2, assorti de ses « lettres aux curés du voisinage » et de son Anti-Fénelon (ses notes marginales à la Démonstration de l’existence de Dieu de Fénelon, dont des copies reprenant ses annotations ont circulé au XVIIIe siècle et nous sont parvenues), sont de la plume de Meslier. Le site des « Amis de jean Meslier » se référera donc exclusivement à ces textes."

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