Le fond des forêts de David Mitchell

Le fond des forêts de David Mitchell
(Black Swan Green)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Carmen, le 16 mai 2011 (Inscrite le 15 mai 2011, 77 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 648ème position).
Visites : 3 354 

Enfance et maltraitance

Les premières pages de ce roman m'ont rappelé "Le petit Nicolas". Comme le personnage de Goscinny, avec quelques années de plus, Jason Taylor nous raconte son adolescence dans les années 80 avec le langage d'un adolescent : ses parents qui se disputent souvent, sa grande sœur un peu chipie, la guerre des Malouines et ses conséquences sur la vie de leur petite ville, ses jeux avec son copain, mais surtout sa vie au collège rendue difficile, en classe comme dans la cour de récréation, par un terrible handicap, son bégaiement. De ce fait il est une victime désignée et le souffre-douleur d'une bande de petits durs antipathiques.
Pour mieux résister au Pendu qui vit en lui, "son jumeau", qui transforme certains sons en ennemis implacables, Jason s'est construit des méthodes de secours : toujours penser les phrases avant de les prononcer quitte à donner des réponses fausses plutôt que de trébucher sur un mot. Ce qui n'arrange pas ses relations avec ses professeurs!
Tout en écrivant secrètement des poèmes qui paraissent dans la Gazette sous un pseudonyme, Jason s'efforce de lutter contre ses tyrans. Il se forge une carapace et essaie de déjouer leurs plans, mais sa vie est souvent un enfer...
On s'attache à cet enfant, on est révolté par l'injustice dont il est victime, on déteste les petites brutes qui le martyrisent, on se réjouit quand il trouve une parade à leur agressivité et cela d'autant plus que nous savons fort bien que maintenant, ici, chez nous aussi, dans nos cours de récréation ou dans nos rues, des tas de petits Jason subissent le même calvaire.
Pour moi, David Mitchell évoque là un fait de société qui ne peut pas nous laisser indifférents, dans un roman riche de poésie, de tendresse, d'humour et d'émotion. Tout est là pour séduire le lecteur.

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Que c'est dur, l'enfance!

8 étoiles

Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 29 décembre 2013

Les enfants qu'on embête se font tout petits pour éviter qu'on les remarque et qu'on les embête. Les enfants bègues se font tout petits pour éviter qu'on leur fasse dire un truc impossible. Les enfants dont les parents se disputent se font tout petits pour éviter une nouvelle dispute. Jason Taylor, le garçon triplement petit.

Et bien voilà un joli roman sur l'enfance ou l'adolescence. Qui n'a souvent jamais rien d'une période heureuse, surtout quand, comme Jason, on n'arrive pas à cracher les mots. Et qu'on lutte à l'extérieur contre des abrutis- souvent bien malheureux aussi, mais c'est difficile à comprendre à cet âge là- qui n'ont rien d'exceptionnel mais sont plutôt légions à cet âge et sont tellement à la fois attirants ( être comme eux serait tellement sécurisant) , terrorisants et mystérieux ( l'histoire du porte feuille est merveilleuse..).
Et à l'intérieur de soi contre deux épouvantails, le Pendu qui fait buter sur les mots et s'exposer aux moqueries de tous, et le Minable qui pousse à se fondre dans la masse des imbéciles.. Mais qu'on est aidé, quand même, par son jumeau fantôme, qui ne supporte pas le Minable, et avec lequel bien des discussions intérieures ont lieu.
Dans un des chapitres, ce jeune et sympathique Jason rencontre une femme assez mystérieuse ,belge, qui lui ordonne de traduire en anglais le premier chapitre du Grand Meaulnes:

Alain-Fournier sera ton premier maître. Il est nostalgique, tragique, ensorcelant, et il souffre, et tu souffriras aussi. Mais, le meilleur dans tout cela, c'est qu'il est vrai.

David Mitchell a lui-aussi écrit un roman "vrai". parce qu'aussi largement autobiographique.

Dans un entretien paru dans Le Monde, il dit:
C'est un fertilisant. C'est en cultivant la part autobiographique que la fiction croît et se développe.

Le petit village anglais où Jason dissimule une passion pour la littérature et la poésie, c'est son village. Le décor, c'est son enfance.

Ce qui donne aussi de l'intérêt à ce texte, c'est la construction. C'est en fait une succession de nouvelles, avec chacune un thème bien particulier, mais les mêmes personnages. Avec pour chacune un début, un développement et une chute. Il les a réorganisées ensuite pour en faire un roman dans lequel on peut les considérer comme des chapitres ,
mais..


..quand on écrit des nouvelles, il y a cet avant et cet après que l'on dit pas mais que l'on suppose. Ce n'est pas écrit, et pourtant cela compte : c'est la matière noire de la nouvelle. Son anti-matière. Sa narration invisible. Dans mon livre, je voulais que l'enchaînement des chapitres rende visibles cet avant et cet après.

Cela donne un rythme très particulier à ce roman, qui suit l'évolution de Jason au fil de l'année..

Un petit extrait :


Mais il y a des trucs que même les orthophonistes ne peuvent pas comprendre. Assez souvent, même dans les pires périodes, il arrive que le Pendu me laisse dire ce que je veux, même s'il y a des mots qui commencent par des lettres dangereuses. Parce que 1) ça me laisse penser que je suis guéri et le Pendu se fait alors un plaisir de détruire cet espoir, et, 2) ça permet de laisser croire aux autres gars que je suis normal tout en me maintenant dans la peur qu'ils finissent par découvrir mon secret.
Il y autre chose, encore. Une fois, j'ai écrit les Quatre Commandements du Pendu.

1er commandement:
tu te cacheras des orthophonistes
2eme commandement:
tu étrangleras Taylor quand il aura peur de bégayer
3ème commandement:
tu piègeras Taylor quand il n'aura pas peur de bégayer
4ème commandement:
Une fois que Taylor sera devenu "le Bègue" aux yeux du monde entier, il t'appartiendra


On ne se remet jamais de ces véritables terreurs. Et David Mitchell en parle tellement bien qu'on comprend qu'il n'en est jamais sorti. Personne n'en sort. Mais lui a su les transformer en mots.

Une plume incontournable pour évoquer l'Angleterre des années 80

10 étoiles

Critique de Oops (Bordeaux, Inscrite le 30 juillet 2011, 57 ans) - 7 novembre 2011

Jason Taylor, 13 ans surnommé Jace le Minable ou le Bègue est un doux rêveur qui vit dans un petit village paumé du Worcestershire en Angleterre dans les années 1980. Pas facile à cet âge là de se faire sa place au collège au milieu des durs à cuire quand on est bègue, maladroit et qu'on vit dans une famille de petit bourgeois. Sa soeur aînée l'appelle la Chose, elle a 18 ans et pour elle la vie est beaucoup plus facile d'après Jason ! Pour surmonter ses angoisses d'adolescent, il s'invente un double fantôme et il écrit de la poésie qu'il publie dans la gazette du village sous un pseudo parce qu'il ne faudrait pas que les copains le sachent ce serait trop la honte. Beaucoup de choses l'interpellent ses parents qui se disputent, Margaret Thatcher, la guerre des Malouines, et surtout il y a les filles, ah les filles...

Un récit initiatique très autobiographique sur les variations de l'adolescence et ses nombreuses facettes, la naïveté de cet adolescent m'a rappelé bien des souvenirs. Beaucoup de références musicales des années 80 sont citées, l'humour est omniprésent, les situations respirent le vécu, l'écriture empreinte de poésie en fait vraiment une plume à part que j'ai eu grand plaisir à découvrir.

"C'est assez excitant d'écouter aux portes, parce qu'on apprend ce que les gens pensent vraiment..."

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