La berge des rennes déchus de Jovnna-Ánde Vest

La berge des rennes déchus de Jovnna-Ánde Vest
(Cahcegaddai nohka boazobalggis)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Tmichel, le 17 avril 2011 (Inscrit(e) le 18 juillet 2010, - ans)
La note : 7 étoiles
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Truculence et réalisme d'un écrivain same.

Jovnna-Ande Vest est né en Laponie finlandaise en 1948. Il s'occupe à traduire la littérature scandinave en same. Il est l'époux d'une spécialiste française des langues nordiques et vit maintenant en France.

"La berge des rennes déchus" est son premier roman, écrit en 1988. Il a été traduit par son épouse du same en français et paraît aujourd'hui chez Cénomane. Récompensé par un prix littéraire en Norvège, cet ouvrage a été remarqué par la critique pour sa truculence picaresque. Il y a de cela, en effet, dans cette biographie d'un père "loser" et néanmoins flamboyant. Du coup, le fils, narrateur d'une autobiographie mi-figue mi-raisin, est partagé entre amertume et tendresse, car ce "ahcci" (père) lui en aura fait baver autant qu'il l'aura fasciné! Si l'on veut persister dans le parallèle avec le "Picaro", on remarquera que la samité est pour le "lattan" (le non same) de l'époque, autrement dit le Scandinave moyen, considérée comme une forme de misère, celle du "sauvage" (ce qui se retrouve jusque dans le nom des Lapons, "lapp" signifiant haillons). Mais ce père-là, si exaspérant certes, n'en est pas moins attachant, face à ses tentatives infructueuses de profiter du progrès technique. A travers lui, c'est le grand écart de toute une communauté ethnique qui s'esquisse, entre rire et tragédie. Les ingrédients du picaresque sont donc bien là, jusque dans un niveau de langue volontiers familier. Mais ce livre-témoignage est intéressant à lire plus encore pour son réalisme. Pas question ici de faire dans le pittoresque naïf idéalisé. On y devine la souffrance de l'"autre" qu'est devenu le same sur sa propre terre:

"Je n'échappai pas au sort commun des élèves sames. Comme j'avais en plus le malheur de porter un nom très same et que mon faciès criait d'emblée "Approchez approchez, si vous n'avez pas encore vu le vrai Lapon qu'on décrit tant dans les livres!". Combien de fois j'ai maudit en pensée mon père pour m'avoir donné un nom pareil. Pour ce qui était de ma physionomie, je ne savais même plus à qui m'en prendre. Pour être sûr de n'oublier personne, je vouais intérieurement aux gémonies la race same tout entière." (Chapitre 19)

Picaresque et pittoresque, si l'on veut et dans une large mesure, d'accord. Mais je crois que l'intérêt est surtout le témoignage. Au-delà de son caractère subjectif et nostalgique, il y a là une mine de renseignements sur une société en mutation. Je crois même que le Français des années soixante/soixante-dix, enclavé dans sa campagne profonde, ne sera pas sans retrouver quelque chose de familier dans cette chronique du bout d'un monde en mutation.

Les rennes sont déchus et la berge atteinte... Et l'on peut se demander où les eaux de la mondialisation mèneront ce peuple à la recherche de lui-même et heureusement acharné à sa survie...

Le livre se termine sur une petite postface utile: elle fait le point sur une littérature trop peu connue. Une carte, une bibliographie et un lexique viennent éclairer le lecteur.

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