Feu pâle de Vladimir Nabokov

Feu pâle de Vladimir Nabokov
( Pale fire)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Kinbote, le 12 avril 2002 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 864ème position).
Visites : 9 727  (depuis Novembre 2007)

"La vie de l'homme comme commentaire à un poème"

Voici un roman qui tient en effet dans le commentaire de quelque 300 pages de Charles Kinbote du poème inachevé (il manque un vers) de 999 vers de son ami John Shade intitulé justement Feu pâle et qui nous est donné dans son intégralité en préambule.
Le livre est construit de telle façon que rien de qu'on lit n’est avéré. Tout peut aussi bien être faux, c’est ce qui fait la modernité de ce texte.
En fait, le commentaire de Charles Kinbote, voisin de John Shade dont il est le collègue à l’université de New Wye, Etats-Unis, voudrait voir dans le commentaire du poème de son ami défunt des échos de ce dont il l’a longuement entretenu, c‘est-à-dire la chute de la royauté en Zembla, lointaine contrée nordique dont il est lui même issu, la fuite du Roi par les montagnes, son exil à Paris et puis on ne sait où, sa recherche dans le temps où a été écrit le poème par un homme appelé Gradus, - mais dont la véritable identité se révélera être Grey - qui a été envoyé sur les traces du roi pour le tuer. On comprend vite que ce commentaire très orienté est une affabulation du commentateur, un délire de Kinbote qui détourne le sens des vers de son ami poète pour lui faire dire ce qu'il aurait aimé qu'il énonce plus clairement dans son long poème. On comprend aussi que Kinbote, qui connaît trop bien son sujet, la vie du roi, puis son évasion de Zembla, son exil, son goût pour les jeunes garçons et le végétarisme, n’est autre que le roi Charles le Bien-Aimé à moins qu'il ne prétende être le roi exilé qu'on veut assassiner et qu’il ne soit qu’un fou, alias Botkin . A la fin, que je ne dévoilerai pas, Kinbote écrit un condensé de la possible histoire qu’il vient de narrer, en ces termes : « un fou qui tente d'assassiner un roi imaginaire, un autre fou qui s’imagine lui-même être ce roi et un vieux poète de talent qui se trouve par hasard dans la ligne de feu et périt dans le choc entre deux fictions».
Dans tout le texte filtre la vie de l’auteur Nabokov, écrivain en exil, sorte de roi déchu, muni de multiples visages, avec son goût du faux semblant, des demi-teintes, des couleurs nuancées du crépuscule. Sa haine du freudisme n’empêche pas, au contraire, notre auteur de donner un fabuleux cas de paranoïa en la personne de Charles Kinbote (qui, en langage zemblien, veut dire régicide) qui dessine plutôt qu'une anomalie psychiatrique une singulière image du critique(ur) qui voudrait lire ou faire lire dans le texte de son écrivain culte sa propre histoire, ses préoccupations propres, son moi tout entier exhibé aux appétits voraces mais cependant toujours contenus du lecteur, son frère.
A noter, si ça vous tente, ce jeu de golf verbal (« golf-language ») auquel se livrent Kinbote et Shade qui consiste, nous explique-t-on dans la remarquable préface signée Mary Mac Carthy, à faire par exemple "pâle-mort" en 4 coups comme suit : pôle-môle-more-mort ou bien "mort-vive" en quatre : more-mire-vire-vive.
Nabokov est souvent présenté comme l'auteur exclusif de Lolita (voir l'excellente critique sur ce site). Il faut certainement citer au rang de ses grands livres quelques autres titres parmi lesquels ce palpitant Feu pâle.

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un roman pour lecteurs-bricoleurs

7 étoiles

Critique de Arval (Papeete, Inscrite le 8 mars 2008, 55 ans) - 18 juin 2008

"Feu pâle est une boîte à surprise, une pierre métamorphosée par Fabergé, un jouet mécanique, un problème d'échecs, une machine infernale, un piège à critiques, le jeu du chat perché, un roman pour lecteurs-bricoleurs. Il comprend un poème de 999 vers, divisé en quatre cantos ou chants épiques, une préface de l'éditeur, des notes, un index alphabétique et des corrections d'épreuves."
C'est tout à fait bien décrit, prise de tête garantie et au bout du compte on s'amuse effectivement comme lorsque l'on bricole ou que l'on résout un problème d'échecs. Encore faut-il aimé cela bien-sûr. Moi j'ai beaucoup aimé, c'est amusant et très intelligent. A lire et à relire.

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