Dans la foule de Laurent Mauvignier
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un coup de Coeur, une découverte, un Mauvignier !
Tout commence un 29 mai 1985 à Bruxelles. Il fait beau, l'été arrive. Jeff et Tonino viennent de France, Geoff et ses frères de Grande-Bretagne et Tana et Francesco qui viennent de se marier de l'Italie. Il y aussi Gabriel et Virginie vivant à Bruxelles. Tous sont venus pour "le match du siècle", la finale de la coupe d'Europe. Et puis, tout d'un coup, leur vie bascule ! Parce que le 29 mai 1985 est la date non pas de la victoire des Italiens champion d'Europe, non, mais c'est celle de l'une des plus grandes tragédies due à une manifestation sportive: 39 morts, 600 blessés. Le drame du Heysel.
Laurent Mauvignier va donc choisir cette tragédie pour articuler son récit. Récit polyphonique, l'auteur donne vie à ses personnages en leur donnant la parole avant, pendant et après le drame. C'est poignant, bouleversant et sincère, jusqu'à avoir une boule dans la gorge à certains moments. Pas une fois on n'a envie de se détacher de ces pages. On lit le destin de ces personnages changé, leur vision du monde se modifier, et cette envie de continuer malgré tout, d'essayer d'oublier pour certains, d'autre de vivre avec sans en avoir le choix. Chacun rentrera chez lui en laissant une partie de lui-même dans la poussière du bitume du Heysel.
Il est difficile de dire avec les mots ce que j'ai pu ressentir à la lecture de ce roman, car ce n'est pas un livre qui se raconte, mais un livre qui se lit. Je ne peux que vous inviter chaleureusement à vous y plonger et à vous laisser bercer par une grande écriture. Laurent Mauvignier, un auteur que je n'oublierai pas de sitôt.
"Incroyable.
Impensable. Inimaginable.
Terrifiant. Monstrueux . Dégueulasse et puis après ce sera au tour d'atroce, d'abominable et les larmes dans les yeux de Tonino, comme ça, à cause de tout ce qu'on peut dégueuler d'adjectifs qui ne diront jamais rien, puisque les mots sont comme des gamelles creuses dont le fer ne fait résonner que du vide."
Les éditions
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Dans la foule [Texte imprimé] Laurent Mauvignier
de Mauvignier, Laurent
les Éditions de Minuit / Double
ISBN : 9782707320919 ; 9,65 € ; 03/09/2009 ; 426 p. Poche
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Drame et résilience
Critique de Froidmont (Laon, Inscrit le 28 octobre 2022, 34 ans) - 11 août 2025
L’idée que je m’en fais est claire,
C’est un roman de Mauvignier,
C’est un grand nom qui l’a signé,
Un nom qui a laissé des traces,
Un nom qui occupe une place
En longueur, une haie d’honneur,
Au fond de mon cœur de lecteur,
Et pourtant la haie ne se fonde
Que sur deux colonnes bien rondes,
Or un plateau posé dessus
Semble stable et ne bouge plus,
En équilibre face à l’ombre,
Mais la menace des décombres
Subsiste, et nous le savons bien
Qu’un accident, un petit rien,
Une feuille tombée de l’arbre
Sur la polissure du marbre
Crée ce qu’il faut d’irrégulier,
De disgracieux, d’accidenté
Pour que le monument nous laisse
Comme une impression de faiblesse,
Un tout petit coup dans un mur
Dont nous ne sommes pas bien sûrs
Mais que l’œil qui passe plus vite
Perçoit du coin de son orbite,
Sans tout à fait le percevoir,
Comme un détail ou un point noir
Sur la façade immaculée
Des impressions imaginées,
Tout en sachant au fond de nous
Que sitôt qu’apparaît ce coup
Il se change vite en fissure,
En plaie, en douleur, en blessure
Qui peut rompre le monument ;
Mais c’est avec un cœur confiant,
Sourd et aveugle pour ces craintes,
Que j’avance non par la pointe
Mais en posant tout le talon
Dans la boue de la narration,
Dans cette masse si compacte
Où se décompose chaque acte,
Où le regard creuse le fait,
Se plaît à le décortiquer
Au sein d’une phrase étirée
Qui reste claire et bien rythmée.
Et me voici à l’intérieur,
Immergé dans cette épaisseur,
Dans cette tornade diserte,
Et le début me déconcerte …
Le style est là, sur ses appuis,
Prédit Histoires de la nuit,
Promesse faite et puis tenue,
Mais j’étais sur la retenue
(Et j’ai cru virer lof pour lof)
Car tout était tellement beauf !
La vulgarité et la bière
Et des paroles ordurières
Portées sur les corps féminins
Me semblaient si lourdes en main,
Un poids, du béton, une masse
Sans légèreté et sans grâce,
Et je m’y sentais étranger,
Cette lourdeur me dérangeait :
Le ballon rond avec sa glaise
Ne me mettra jamais à l’aise …
Et cette terrible impression
A duré jusqu’à l’agression
(Donc une centaine de pages
A réprouver les personnages,
A n’avoir pour eux que froideur,
A les bannir loin de mon cœur),
L’élément-clé que nous raconte
Mauvignier, dirais-je une honte,
Celle du drame du Heysel,
Celle d’un déchaînement tel
Qu’il bouleverse les repères,
Endeuille femme, mère et frère.
Et alors tout s’est redressé,
Plus rien de beauf ou de grossier
Mais des pages sur la souffrance,
La mort, le deuil, la résilience.
Là, j’ai retrouvé Mauvignier
Dans ces yeux sombres, résignés,
Ces bras lassés qui abandonnent,
Qui éternisent leur automne,
S’enfonçant loin dans leur douleur,
S’observant, observant les leurs
S’abîmer dans une folie,
Sombrer jusqu’à la reverdie.
Une réflexion toutefois
M’est venue de nombreuses fois :
Mauvignier a des sens cyniques,
Tout est pourri ou méphitique,
Tout pue jusqu’à l’écœurement,
Tout est laid et ne sont charmants
Que les corps jeunes qu’ont les femmes
Quand elle sont comme des flammes,
Souples et brûlantes aux yeux.
S’il est ainsi, vit-il heureux ?
Je veux bien comprendre sans peine
Qu’un vieux dessus-de-lit qui traîne
Soit tenu pour de mauvais goût,
Mais qu’on affiche du dégoût,
Qu’on déclare que nous écœure,
A l’instant même où elle fleure,
L’odeur d’un bon chocolat chaud,
D’un réconfort au cacao,
Surtout quand le nez qui se serre
Se baigne dans les fûts de bière,
C’est pousser le bouchon trop loin,
Jeter la menthe pour le foin !
La volonté de faire sombre
Jette parfois un peu trop d’ombre …
Un drame annoncé
Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 14 novembre 2013
Mais aussi le thème abordé. Parce que d'emblée, c'est comme dans un policier, on sait que ça va mal finir. Qu'il y a au moins un des personnages de ce roman choral , un de ceux qui se présentent eux-même dès le début du livre ,qui va finir comme sur les images que personne ne peut oublier, écrasé par la foule sous l'assaut des supporters anglais, le corps piétiné et les poumons explosés.
Alors lequel , ou lesquels? Il y a les Belges, Gabriel et Virginie, si heureux d'avoir récupéré des billets et qui se les font voler par les deux compères pas bien méchants Tonino l'Italien et Jeff, l'orphelin de père. Il y a le couple italien en voyage de noce Tana et Francesco, qui ne sont pas passés par l'église pour se marier, et est ce que la mère de Francesco dira que c'est une punition divine, quand elle apprendra la mort du fils ? Cours, Tana, cours, ce seront ses dernières paroles...
Et puis il y a les frères de Liverpool, ils sont trois. Deux boeufs, et puis le jeune, qui ne voulait pas venir, mais le père y tenait, qui ne voulait pas courir, et qui l'a fait quand même, qui voudrait bien haïr ses frères, mais qui les aime quand même.
D'emblée, on panique. On attend le désastre. Et c'est dans les longs monologues intérieurs de chacun de ces personnages que l'on assiste au chaos, aux cris et à la fuite, puis à la solitude et au deuil.
C'est bouleversant.
Un petit extrait:
Mes parents seront l'un et l'autre comme des enfants qui ne comprennent pas les rites et les conversations d'un groupe d'adolescents, ou, plutôt comme des vieux un peu pantelants et tremblants, tout gringalets, sur des chaises en rotin qui craquent autant que leurs os ou les idées qu'ils se font pour soutenir un monde qu'ils ne comprennent plus. Et moi, je les regarderai avec ce sentiment de partager avec eux la désolation d'une époque qui s'enorgueillit de sa bêtise et de son sens du spectacle. J'aurai la calme commisération qu'éprouve vis à vis de la faiblesse celui qui voit les rouages entraîner dans leurs mouvements des gens qui ne peuvent ou ne savent pas lutter, des gens nus comme des papillons qu'on épingle sur un tableau au-dessus d'un nom savant qu'ils ne servent qu'à illustrer, eux, avec leur coeur de chair et de sang, tout leur corps, de leurs yeux mouillés à leurs mains crispées, et les mines effarées derrière lesquelles ils rabâchent quelques idées pour se bricoler une vie....
Trop bavard pour être profond
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 86 ans) - 14 juillet 2012
En suivant des supporters anglais, belges, italiens et français venus à Bruxelles pour ce match, Laurent Mauvigner nous livre l’interaction entre leurs destins personnels et leur comportement avant, pendant et après le match. La partie la plus réussie du livre est celle qui concerne les destins personnels. Ce qui touche au drame du match est, pour moi, peu intéressant. Certes, quelques discours des anglais, quelques mouvements de foule au moment même du drame, quelques émotions lors du procès forment des passages intéressants et instructifs. Mais ce livre est bavard et ce bavardage ensevelit l'intensité et la profondeur esquissées dans certains paragraphes. Mauvigner témoigne d'un immense talent, mais j'ai l'impression qu'il écrit facilement, au fil de la plume (ou de l'ordinateur) et loupe ainsi la grande leçon d'humanité et de répugnance par rapport à la stupide violence des foules qu'il annonçait.
De l'impensable au monstrueux..la vie des Hommes
Critique de Lectio (, Inscrit le 16 juin 2011, 76 ans) - 26 mai 2012
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