Dolce Vita: 1959-1979 de Simonetta Greggio

Dolce Vita: 1959-1979 de Simonetta Greggio

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Jlc, le 29 décembre 2010 (Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 057ème position).
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Dolce vita ou sconcia vita?

Hiver 1960 : Federico Fellini présente son nouveau film « La dolce vita ». L’échec est prévisible ; c’est un formidable succès, de scandale d’abord, de consécration ensuite avec la palme d’or au festival de Cannes où le président du jury, Georges Simenon, eut un rôle déterminant.
Automne 2010 : un vieil aristocrate qui joua son petit propre rôle dans le film sait qu’il va mourir et se raconte à un ancien confesseur des Brigades Rouges auquel le lient des secrets de famille.
Entre ces deux moments, l’Italie va être fondamentalement bouleversée, passant d’une civilisation rurale, chrétienne où, paradoxalement, le Parti Communiste (PCI) était extrêmement puissant à une société conformiste, violente et apeurée dans un univers qui allait faire naufrage pour s’échouer bien plus tard dans le « berlusconisme ».

Tel est le parcours que nous propose Simonetta Greggio, italienne qui écrit dans un français brillant. Elle privilégie la période 59/79 qui va de la révélation fellinienne à l’assassinat d’Aldo Moro, homme politique de droite qui fut l ‘architecte du « compromis historique » avec le PCI, seule chance de sauver l’Italie. Ce livre est qualifié, par l’éditeur, de roman mais l’aspect romanesque n’est là que pour mieux authentifier, par le mensonge de l’imagination, la vérité de l’histoire. Ainsi le viol de Franca Rame, intellectuelle qui est par ailleurs l’épouse du futur prix Nobel Dario Fo, est un fait avéré mais le récit qu’en fait Simonetta Greggio est imaginé ce qui ne lui enlève rien de son horreur et du dégoût qu’il provoque. Cette époque fut une période d’extrême violence racontée avec une force qui la rend d’autant plus authentique qu’elle est insupportable.
« La dolce vita » est plus qu’un film, c’est le miroir enfin dévoilé d’une société qui crève, celle d’une aristocratie qui ne remplit plus son rôle d’élite (si tant est qu’elle en eut un!) tout en voulant garder statut et privilèges. Cette aristocratie dépravée et lascive sombre dans une débauche snob, triste d’ennui et de lâcheté avilie et son représentant, lucide mais trop veule pour changer les choses a ce mot d’impuissance : « ce que je n’ai pas fait est plus important que ce que j’ai fait. » Cette démission va avoir des conséquences considérables sur l’évolution de l’Italie avec une succession d’affaires ultra violentes et sordides (les affaires Mattei et Montesi, la loge maçonnique P2, les brigades rouges, l’assassinat probable de Pasolini, l’assassinat certain d’Aldo Moro). Ce furent « les années de plomb ». Dans les années cinquante et au début des années soixante, « malgré la confusion, la peur, la vie pouvait être douce. » Après ce fut « la Sconcia vita », la vie dégoûtante que Pier Paolo Pasolini stigmatise quand il écrit : « L’Italie pourrit dans un bien-être qui est égoïsme, stupidité, inculture, commérage, moralisme, intimidation, conformisme ».

Un roman de pouvoir et de sexe, de violence absolue avec parfois, rarement, un moment de grâce comme ces dernières lettres d’Aldo Moro à sa « très douce Noretta ». Un roman que j’ai lu d’une traite, ce qui est rare chez moi, et auquel je fais toutefois quelques reproches. Tout d’abord je ne suis pas sûr que le portrait du cardinal Montini devenu le pape Paul VI soit rigoureux et ce n’est pas en allant puiser ses sources chez Roger Peyrefitte qu’on le crédibilise. De plus Simonnetta Greggio sous estime en en parlant trop peu l’aggiornamento considérable que fut le concile Vatican 2 de 1962 à 1965. Il en est de même pour le rôle du PCI et de Enrico Berlinguer son secrétaire général à partir de 1969. Enfin ce « roman » aurait nécessité pour ceux qui ne sont pas toujours familiers de l’histoire politique italienne, c’est mon cas, une mise en contexte de quelques pages pour mieux comprendre comment on en est arrivé à ce désastre.

Longtemps l’Italie fut considérée comme le pays de la joie de vivre. Pourquoi est-il devenu en deux décennies celui du malheur d’être ? Les choses ont-elles changé depuis ? Les propos de Pasolini sont ils devenus obsolètes ? Lisez ce très bon livre pour le comprendre. Il en vaut la peine, l’Italie aussi.

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Dolce vita ?

7 étoiles

Critique de Aliénor (, Inscrite le 14 avril 2005, 56 ans) - 21 juin 2011

Si le récit s’ouvre avec légèreté sur l’avant-première du film de Fellini, le lecteur ne doit pas s’y fier. C’est bien dans une plongée vertigineuse au coeur d’années très noires que Simonetta Greggio nous entraîne. Deux décennies d’histoire de son pays, qu’elle nous relate de façon extrêmement précise mais à la manière d’un roman, alternant les faits bruts avec la confession d’un prince imaginaire… enfin presque. Le prince Malo, figurant dans la Dolce Vita, a fait venir auprès de lui le prêtre Saverio afin de se confesser avant de mourir. Lui qui a mené une vie dissolue souhaite tout raconter pour soulager sa conscience, ou pour pouvoir revivre tout cela avant de partir. Car au fond, il semble ne rien regretter.

Se mêlent alors dans ce livre, et de manière saisissante, fêtes orgiaques et attentats, champagne et Brigades rouges, faits divers sordides et mafia, aristocratie et politique.
C’est en choisissant de croiser les faits réels et terribles de ces vingt années, et les interventions de deux personnages fictionnels, que l’auteur donne à son livre la forme d’un roman alors qu’il aurait pu être un documentaire. Pour moi, c’est une grande réussite, et j’ai beaucoup aimé cette lecture, même s’il m’a parfois manqué de mieux connaître l’historique de ce pays dans cette période. Simonetta Greggio relate les faits, abruptement, sans faire de cours sur la naissance des Brigades rouges par exemple. Mais il est vrai que pour ce type d’informations, il existe d’autres livres…

Pour conclure, je dirais que le cinéma étant très présent dans ce récit, il serait sans doute très intéressant de se pencher sur les films réalisés durant ces vingt ans, en ayant en tête cette toile de fond historique. Sans doute les aborderions-nous avec un autre regard. A commencer bien sûr, par le film éponyme.

Ne suis même pas sûr d'avoir vu le film..

8 étoiles

Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 51 ans) - 2 juin 2011

C’est pourtant de la première projection privée de ce film de Fellini que tout découle dans ce roman historico-journalistique retraçant une histoire de l’Italie entre 1959 et 1979.

Le prince Malo et le jésuite Saverio se parlent pendant 400 pages. De leur histoire intime et commune finalement assez peu, mais Saverio entend l’étrange confession de Malo, qui à 85 ans, s’approche de la mort après avoir non seulement mené grand train mais surtout goûté à tous les plaisirs et vices qu’offre le monde.
Vingt ans vus sous le prisme de cette Dolce Vita, de l’Italie comme on la rêve et que S. Greggio nous dévoile à revers, mêlant mafia, complots politiques, terrorisme de droite et de gauche, la fameuse loge P2, mais aussi l’histoire occulte et les pratiques toujours sombres du Vatican.

Comme une espèce de point commun à ces visions diamétralement opposées du monde mais qui se ressemblent et se rassemblent, plus qu’on ne l’imagine.

Un roman policier presque, une enquête quelques fois, mais plus encore des faits mis bout à bout et qui glacent le sang. L’Italie, un pays qui n’aurait pas soldé toute son histoire sombre et continuerait de vivre au cœur de ces dépendances mafioso-vaticanes ? Peut-être. Est-ce bien le seul pays en ce cas ?
Un très bon moment en tout cas et lu pendant un de mes séjours italiens, une envie folle de voir le film et de me jeter dans la Fontaine de Trevi.

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