Le renard était déjà le chasseur de Herta Müller, Nicole Bary (Traduction)

Le renard était déjà le chasseur de Herta Müller, Nicole Bary (Traduction)
(Der Fuchs war damals schon der Jäger)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Sahkti, le 15 septembre 2010 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 632ème position).
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Roumanie détournée

Adina vit dans la Roumanie de Ceaucescu, un pays dans lequel il fait rarement bon vivre, surtout lorsqu'elle réalise que des gens pénètrent à son insu dans son appartement et découpent à chaque fois un morceau de sa fourrure décorative de renard. Etrange stratagème qui met en lumière une intrusion bien plus profonde dans la vie privée des uns et des autres. La méfiance se généralise. Et si c'était la pauvreté, grande héroïne de ce récit, qui était la cause de tout cela ? Pas si simple, loin de là. Adina nous raconte sa vie, ses mais, son pays, ses amours d'un jour et ses espoirs de toujours.

Un des aspects appréciables de ce récit est le talent de Herta Müller pour nous conter les petits événements de l'intérieur, pour créer une proximité avec le lecteur si forte que celui-ci s'immerge peu à peu dans la vie des personnages et réalise à quel point ce sytème est corrompu, ce pays malheureux. Une manière de faire, à l'approche en apparence journalistique, qui abonde cependant en métaphores et autres images surréalistes. De quoi rendre le procédé plus efficace encore, plus profond car s'insinuant peu à peu dans les veines de celui qui arpente ces pages solides. Un excellent moyen de dépeindre cet univers morose, misérable et révoltant, sans prendre directement parti ou dénoncer de manière militante. Non, c'est bien plus subtil que cela, presque doux. Drôle par moments, cruel aussi. Nous sommes dans une Roumanie persécutrice et persécutée, dans laquelle le moindre événement quotidien passe du banal au drame, au burlesque, au caricatural.
Herta Müller fait le choix de raconter tout cela avec beaucoup de poésie et d'élégance, prenant ainsi le risque de -peut-être-détourner son lectorat du thème principal du livre au profit de son style; mais les amateurs ne s'y tromperont pas et apprécieront cette manière de faire, détournée tout en étant extrêmement pertinente.

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Les éditions

  • Le renard était déjà le chasseur [Texte imprimé], roman Herta Müller trad. de l'allemand par Claire de Oliveira
    de Müller, Herta Oliveira, Claire de (Traducteur)
    Seuil
    ISBN : 9782020193610 ; 19,30 € ; 01/01/1990 ; 226 p. ; Broché
  • Le renard était déjà le chasseur [Texte imprimé], roman Herta Müller,... traduit de l'allemand par Claire de Oliveira
    de Müller, Herta Oliveira, Claire de (Traducteur)
    Points / Points (Paris)
    ISBN : 9782757820025 ; 6,70 € ; 07/10/2010 ; 250 p. ; Poche
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Amer. Dur et amer.

7 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 13 mars 2018

Dure, la lecture de « Le renard était déjà le chasseur ». Dure et amère. A ne pas lire en période de déprime ! Le sujet, à dire vrai, ne porte pas à la joie puisque Herta Müller saisit l’occasion de ce roman pour décrire la chape de plomb qui pesait sur son pays, la Roumanie, du temps de l’inénarrable Ceaucescu. Inénarrable, certes, mais mortifère, sûrement.
Herta Müller qui a dû s’exiler en Allemagne pour pouvoir publier, censurée et persécutée qu’elle était à « Ceaucesculand ». Son héroïne, ici dans « Le renard était déjà le chasseur », Adina, est institutrice, comme elle le fût.
Adina vit (survit) misérablement, à l’instar de tous ses compatriotes peu ou prou, ce qui ne l’empêche pas d’évoluer dans une mouvance gentiment contestataire (on n’ose dire dissidente). Mais la tristement nommée « Securitate », la Sécurité intérieure, veille et Adina se retrouve dans son collimateur en compagnie de Paul, Abi, Anna, … Elle va donc subir une espèce de sourde et cachée persécution destinée à instiller peur et insécurité. (Mon Dieu que les ex – Paradis socialistes étaient beaux !)
Mais Herta Müller traite ceci d’une manière proche de l’onirisme, de la poésie, laissant délibérément de côté réalisme et précision. C’est d’autant plus déstabilisant pour le lecteur qui se retrouve devoir interpréter beaucoup de données, jamais données de manière très claire. Dans une certaine mesure je me demande si Herta Müller n’a pas été amenée à donner cette tournure à son style pour donner le change (ou disons « un petit change ») à la Securitate, aux censeurs du régime ?
Le contexte et les faits évoqués sont en eux-mêmes déjà pas gais, mais traités ainsi ça ne vous incite pas à vous faire sauter sauvagement sur l’ouvrage en toutes occasions. La lecture en est aride et amère. Il ne s’agit pas d’un ouvrage facile à lire. Autant le savoir. Entre les petites infamies au quotidien du paradis roumain et la misère sociale et physique du régime Ceaucescu …
J’ai une pensée émue pour Claire de Oliveira, la traductrice ; je gage que traduire ce genre d’ouvrage n’est pas simple.

« Réveille-toi Roumain… »

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 16 février 2013

Ce texte m’est apparu comme le dessin qu’un enfant colorie, un dessin où des cases sont numérotées, un numéro différent pour chaque couleur, les motifs, les personnages, le décor apparaissent progressivement, le dessin prend peu à peu forme. Ainsi, Herta Müller peint, en accumulant des descriptions de détails, un décor constituant le fond du récit d’où émergent peu à peu les personnages qui habitent progressivement l’intrigue. Et, quand tout est assemblé, qu’on prend le recul nécessaire, apparait finalement un tableau lumineux de ce que fut la Roumanie à l’époque de Ceausescu. « … les mains des hommes portent le drapeau tricolore, trois raies bien à eux. La pièce rouge famine, la pièce jaune silence, la pièce bleu espion… »

Herta Müller écrit, peint, à l’ouest du pays là où le Danube sert de frontière avec la Yougoslavie, là où les minorités allemandes descendant le grand fleuve se sont installées depuis des lustres, sur cette bande de terre entre la Hongrie et la Serbie où elle est née, ce territoire qui a conservé le nom générique des anciennes divisions administratives : le Banat.

Adina, l’institutrice, fiancée d’Ilie, le soldat, Clara qui travaille à l’usine et couche avec Pavel, le milicien, Paul, Abi, Anna, Mara, les contestataires, Gibore, le séducteur, le concierge, le nain, l’intendant, le contremaître, un petit monde dans une petite ville, un condensé de la Roumanie de Ceausescu. Des renards et des chasseurs, des chasseurs qui traquent les renards, des renards qui sont déjà sur la piste des chasseurs. Un raccourci de l’histoire de la Roumanie pendant l’ère communiste quand « les hommes avaient des femmes, les femmes des enfants, les enfants avaient faim. »

Evocation d’un peuple cantonné derrière un mur, derrière le fleuve qu’on ne peut pas franchir, un monde clos, figé, irréel, absurde. Les personnages sont absorbés par les détails comme s’ils n’avaient pas d’autres occupations plus importantes. Un texte lent où il faut pénétrer avec douceur, prudence, un texte à l’image de la Roumanie à l’époque où la vie passait lentement, où les gens s’ennuyaient, craignaient leurs voisins, les autres, les miliciens, leurs collègues, survivaient grâce marché noir, supportaient la corruption des dirigeants et de leurs sbires. Un pays où la compagne la plus fidèle était la peur, où certains chantaient déjà « Réveille-toi Roumain de ton sommeil éternel ».

Un roman poignant, évoquant un monde cruel, cynique, avec une écriture poétique, un recours systématique à la métaphore et à l’image, des phrases courtes pour décrire des impressions, des sensations, des perceptions, une appréhension du monde par les choses infimes de l’environnement d’où émergent des personnages qui se meuvent avec lenteur. Un monde sans espoir – « une corde mince pour le cheval est une grosse corde pour un homme. Un homme avec une corde est un pendu » - qui enfin bascule.

Une réflexion sur la ligne qui sépare les coupables des victimes, sur l’inversion des rôles, sur l’après, l’après révolution, l'après démolition, …, une interrogation sur les limites de la condition humaine. « Il ne faut pas dire aux enfants qu’un homme est bon comme du bon pain, dit le conducteur, les enfants y croient et ne peuvent plus grandir. »

Incompréhensible

1 étoiles

Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 84 ans) - 14 juillet 2012

Je ne comprends pas cette littérature dans laquelle des phrases se succèdent sans lien et, à mon sens, sans la moindre signification.
Exemples. 1 (p.43): "Le pêcheur retira sa chaussure et la retourna, il la secoua et un noyau de cerise tomba par terre. Parfois la lune se trouve entre le plafond et le mur, dans le coin de ma chambre, dit-il. Elle a un pli repassé, je peux voir les motifs des verres à vin dans la vitrine et les franges du tapis."
2 (p.145): "Ce sont les mois pendant lesquels les femmes rient chaque jour à la même heure. Un morne rire d'hiver à propos de souvenirs, car la vapeur reste aveugle jusqu'au printemps."
Je sais bien que le procédé de la citation sortie de son contexte est contestable. Mais des exemples semblables à ceux que je viens de citer se comptent par dizaines dans ce livre. De ce fait, le sens de ce texte m'a complètement échappé. Est-ce de la poésie? Est-ce une symbolique continue que je ne peux comprendre? Faut-il vraiment en arriver là pour dire l'indicible? Je connais bien des textes qui l'ont dit sans passer par cet hermétisme abscons. Qu'apporte donc celui-ci?

Lecture fastidieuse

2 étoiles

Critique de Lolita (Bormes les mimosas, Inscrite le 11 décembre 2001, 38 ans) - 14 octobre 2010

Insipide, sans couleur... La stylistique de l'auteur nous détourne trop de son objectif principal... Je n'ai ni accroché à cette auteure que je découvre, ni à cette histoire dans laquelle je ne suis pas entrée, à ses personnages mornes et insignifiants.
Peut être n'ai-je pas compris le message et les subtilités que l'auteur tentait de faire passer, mais la lecture de ce roman fut vraiment fastidieuse.

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