Exégèse des lieux communs de Léon Bloy

Exégèse des lieux communs de Léon Bloy

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par Guigomas, le 20 août 2010 (Valenciennes, Inscrit le 1 juillet 2005, 54 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 864ème position).
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« Obtenir enfin le mutisme du Bourgeois, quel rêve ! »

Leon Bloy (1846-1917) est un écrivain à part, catholique mystique et pamphlétaire génial. Pauvre et n’ayant aucun succès « commercial », il est connu pour ses romans autobiographiques tels « le Désespéré », « Le Mendiant ingrat » et les pamphlets pleins de colère comme « Exégèse des Lieux Communs » dont le but n’est rien de moins que de démontrer aux Bourgeois que « telle parole qu'ils viennent de proférer, après des centaines de millions d'autres acéphales, est réellement dérobée à la Toute puissance créatrice et que, si une certaine heure était arrivée, cette parole pourrait très bien faire jaillir un monde »

Le bourgeois, pour Léon Bloy, ce n’est pas que celui qui appartient à une certaine classe sociale. Le bourgeois se définit plutôt spirituellement : c’est celui pour qui rien n'existe que le visible, le mesurable, le calculable, celui qui nie l’invisible et le mystère.

« Le vrai Bourgeois, c'est-à-dire, l'homme qui ne fait aucun usage de la faculté de penser et qui vit ou parait vivre sans avoir été sollicité, un seul jour, par le besoin de comprendre quoi que ce soit, est nécessairement borné dans son langage à un très petit nombre de formules. Le répertoire des locutions patrimoniales qui lui suffisent est extrêmement exigu. Ah ! Si on était assez béni pour lui ravir cet humble trésor, un paradisiaque silence tomberait aussitôt sur notre globe consolé ! »

La critique est féroce, le style est alerte, tonitruant, torrentiel. 180 expressions de tous les jours sont passées à la moulinette par l’auteur qui en fait ressortir le ridicule, le sordide, l’impie, l’hérétique ou parfois le divin. C’est que cet ouvrage n’est pas à mettre entre toutes les mains. Car cette exégèse, placée sous l’invocation de Saint Jérôme, est « orientée », dira-t-on, et placée sous le signe du catholicisme le plus absolu.

Le texte intégral est assez facile à trouver sur Internet. Voici quelques extraits :

« Je suis comme saint Thomas... »
« Vous l'avez tous connu, ce Sicambre du pot-au-feu, affirmant ainsi son indépendance. Il est comme saint Thomas. Pour croire, il a besoin de voir et de toucher. Car il est bien entendu, n'est ce pas ? que l'apôtre saint Thomas, surnommé le Double Abîme par l'Esprit Saint, doit être apprécié selon la jugeote contemporaine […] Mais il y a une chose très belle qu'on ne dit pas. C'est que le disciple a dépassé le maître et que le Bourgeois est beaucoup plus grand que saint Thomas. Son admirable supériorité consiste, en effet, à ne pas croire, même après avoir vu et avoir touché. Que dis-je ! à devenir incapable de voir et de toucher à force de ne pas croire. Ici on est au seuil de l'Infini. »

« Je ne suis pas un Saint »
« Le Bourgeois ne voulant pas et ne devant pas être un saint, il devient nécessaire que d'autres le soient à sa place, pour qu'il ait la paix, pour qu'il puisse digérer et roter en paix. »

« L'argent ne fait pas le bonheur »
« Lieu Commun de premier ordre et qui nécessite le confident de la tragédie antique. Il faut quelqu'un pour ajouter immédiatement : « Mais il y contribue ». Alors c'est tout à fait beau.
Cette humble contribution, qui vient tempérer si heureusement la rudesse mélancolique d'un aveu qu'on pourrait prendre pour un blasphème, doit avoir une efficacité singulière. C'est comme du sucre sur la conscience ou de la pommade sur le coeur. — Oui, c'est vrai, songe profondément le Bourgeois, l'argent ne fait pas le bonheur, surtout lorsqu'il est absent. Il le fait presque, sans doute, mais pas complètement. Quelque chose manque, tout le monde est forcé d'en convenir, et c'est l'occasion d'une tristesse infinie que d'être témoin de cette impuissance de l'argent qui devrait assurer la félicité de ceux qui l'adorent, puisqu'il est véritablement un Dieu. »

Une brève lecture quotidienne dès potron-minet console d’avance du reste de la journée.

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Les éditions

  • Exégèse des lieux communs [Texte imprimé] Léon Bloy
    de Bloy, Léon
    Payot & Rivages / Rivages poche (Marseille)
    ISBN : 9782743614065 ; 9,65 € ; 15/04/2005 ; 410 p. ; Poche
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Catholique grognon.

8 étoiles

Critique de Maranatha (, Inscrit le 17 janvier 2019, 52 ans) - 20 mars 2019

Publiés en 1902 ces écrits ne datent pas d'hier. On se rend compte avec l'Exégèse de ces Lieux Communs que rien n'a changé.
Bloy en étudie des centaines et fait toujours mouche avec en ligne de mire le Bourgeois.
C'est caustique, ça pique au vif, c'est jouissif !
Ex : Les lieux communs entrent ainsi les uns dans les autres, comme les tubes d'un télescope ou comme les wagons d'un train rapide tamponné par un train de marchandises.
ou
Autrefois, lorsque l'abolition du sens des mots n'avait pas encore été promulguée, l'honneur d'une famille consistait à donner des Saints ou des Héros, tout au moins d'utiles serviteurs de la chose publique… Aujourd'hui l'honneur des familles consiste uniquement, exclusivement, à échapper aux gendarmes.
Bloy fait partie de ces auteurs qui ne sont plus lus de nos jours, pourtant il a écrit des choses intéressantes qui nous concernent plus de 100 ans après.

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