La Peur de Gabriel Chevallier

La Peur de Gabriel Chevallier

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Rock30, le 2 août 2010 (Nimes, Inscrit le 6 juillet 2008, 60 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 831ème position).
Visites : 3 233 

Témoignage émouvant de la guerre 14 18

RESUME (de l'éditeur)
Paru en 1930, ce livre, largement autobiographique et dont le titre était un défi, raconte la terrible expérience des combattants de 14-18 face à la férocité et l’inutilité de cette guerre. Au Dilettante, nous n’abusons pas des superlatifs mais il s’agit sans nul doute d’un chef d’oeuvre... Écoutons Jacques Tardi : « Tout le monde devrait lire et relire La Peur. »


Mon grand-père paternel avait fait la guerre de 14 / 18. Enfants, mes frères et moi le questionnons. Il ne répondait que brièvement sur ce passé que sans doute il avait enfoui dans un coin de son cerveau.
Avec le livre de Chevallier on est plongé dans cette guerre si brutalement que pour ma part j'avais l'impression de vivre avec lui ces moments terribles. Finalement il résume au mieux la guerre par le mot PEUR. Les boucherie, l'absurde commandement y sont décrits sans détour. Pour moi le plus angoissant c'est de penser que pour les poilus, cette barbarie n'en finissait jamais, alors que certains sont restés des années dans la boue des tranchées. Ce qui ne gâche rien c'est que l'auteur a un style très imagé et prenant. Je ne pouvais pas céder au sommeil lorsque lisant ce livre le soir dans mon lit, ma chambre était peuplée de morts et blessés agonisants. Bon livre sur le plan littéraire, LA PEUR est de plus un témoignage fantastique sur la guerre de 14 / 18, cette guerre d'il y a presque un siècle!

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On avait dit "plus jamais ça" !

10 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 17 octobre 2019

Ce livre est un témoignage implacable de ce que fut la guerre 14-18 au niveau des tranchées. C’est raconté par un soldat qui a fait toute la guerre et a survécu, comme par miracle, à cette boucherie généralisée. Pourtant, il a fait son devoir, avec résignation, certes, mais toujours avec courage et loyauté.
Le récit est très long, six cent pages dans l’édition « Poche », écrit tout petit et serré mais, dans ce livre, pas une longueur, pas une ligne à sauter, on est pris du début à la fin. Ce livre est un récit de guerre sur le terrain, mais il est aussi révélateur de l’état d’esprit qui régnait à l’époque. On apprend beaucoup de choses, c’est remarquablement bien écrit et c’est toujours passionnant.

L’auteur raconte comment il s’est embarqué dans la plus stupide des guerres que le monde ait connues. Il juge les gradés avec une lucidité exemplaire. Il constate que la bravoure d’un général se mesure au nombre de tués dans son régiment et que certains officiers de l’arrière font massacrer leurs hommes pour obtenir un grade : « nos pires ennemis sont les officiers de l’arrière qui donnent les ordres, écrit-il, nous les redoutons plus que les mitrailleurs allemands ». Mais il sait rendre hommage aux officiers du front qui partagent le sort des soldats. Il parle aussi avec tendresse de ses camarades de combat « que la guerre a habitué à trouver naturel ce qui est monstrueux » ; il arrive à les « croquer » d’un trait, sans méchanceté, parfois avec humour, et toujours avec une perspicacité remarquable.

Il raconte son séjour à l’hôpital et ses conversations avec les jeunes infirmières « volontaires » pour qui celui qui a eu peur au combat est un froussard... Il raconte aussi ses deux permissions qui ont été pour lui l’occasion de juger l’état d’esprit des planqués de l’arrière « qui aiment à se représenter la guerre comme une fameuse aventure, qui comporte bien quelques risques mais aussi, tellement de joies... ».
Vraiment, ce livre est un témoignage exceptionnel, un réquisitoire contre toutes les guerres et, en particulier, contre les massacres « pour la gloire » de 14-18.

Pour finir, l’auteur constate avec amertume que, pour ceux qui l’ont vécue, la guerre ne finit pas quand l’armistice est signée : « notre jeunesse a vieilli », dit-il, les survivants sont brisés à jamais, ils ont perdu leurs idéaux, ils ont été massacrés sur l’autel de l’orgueil et de la vanité de quelques profiteurs de guerre, qui se sont enrichis proportionnellement au nombre de « morts pour la patrie ».
On sort meurtri de cette lecture mais, il est tellement important de savoir…

Moi, mon colon, cell' que j' préfère, C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit !

9 étoiles

Critique de Homo.Libris (Paris, Inscrit le 17 avril 2011, 58 ans) - 1 juin 2014

Gabriel Chevallier est né en 1895. Il a 20 ans en 1915 quand il est incorporé et envoyé au front. Le front, il vient de se stabiliser ; la guerre s'enlise et les soldats s'embourbent. "La Peur" est son témoignage de la vie dans les tranchées entre 1915 et 1918. Une vie où il n'ose se faire des amis car chaque jour est peut-être le dernier, une vie où les cris des soldats blessés laissés dans la terre-sans-homme déchirent la nuit, une vie où l'odeur des charognes des tués empeste l'atmosphère, où les explosions déchirent les tympans, où les éclats de métal déchirent les chairs, où les poux vous rongent jusqu'à l'os, où la peur vous vide les intestins. Les journées se passent dans la boue des boyaux, dans le froid, dans la peur, et c'est pire quand il faut franchir le parapet et s'élancer contre un ennemi invisible, et affronter de son seul corps les mitrailleuses qui déchirent l'espace entre les tranchées, tout ça pour satisfaire l'ambition d'un général en manque de gloire.
Un livre à vous glacer le sang. Une plume magistrale. Un pamphlet sans faille contre la bêtise. Un livre qui laisse place à beaucoup de compassion pour les soldats allemands que Chevallier reconnaît comme victimes de la même bêtise.
Aussi bien sur le fond que dans la forme, ce livre est d'une puissance incroyable !

"[…] J'ai vingt-trois ans […] J'ai entamé cet avenir que je voulais si plein, si riche en 1914, et je n'ai rien acquis. Mes plus belles années se passent ici, j'use ma jeunesse à des occupations stupides, dans une subordination imbécile, j'ai une vie contraire à mes goûts, qui ne m'offre aucun but, et tant de privations, de contraintes se termineront peut-être par ma mort. […] Que ceux qui aiment la guerre la fassent […] De quel droit disposent-ils de moi ces stratèges dont j'ai pu juger les funestes élucubrations ? Je récuse leur hiérarchie qui ne prouve pas la valeur, je récuse les politiques qui ont abouti à ceci. Je n'accorde aucune confiance aux organisateurs de massacre, je méprise même leurs victoires pour avoir trop vu de quoi elles sont faites. […] Je suis sans haine, je ne déteste que les médiocres, les sots […] Mon patrimoine c'est ma vie. Je n'ai rien de plus précieux [...] Je demande à vivre en paix. […] Mon idéal n'est pas de tuer ! [...]"
"Je vais te dresser le bilan de la guerre : cinquante grands hommes dans les manuels d'histoire, des millions de morts dont il ne sera plus question, et mille millionnaires qui feront la loi. Une vie de soldat représente environ cinquante francs dans le portefeuille d'un gros industriel à Londres, à Paris, à Berlin, à New York […]."
"La Peur" a été publié en 1930 !!!!
Pourquoi notre Président ne lirait-il pas des passages de ce livre lors des commémorations prochaines du centenaire de cette catastrophe ?!
On ne peut être que d'accord avec Jacques Tardi : « Tout le monde devrait lire et relire La Peur. »

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