La couleur de l'aube de Yanick Lahens

La couleur de l'aube de Yanick Lahens

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Camarata, le 10 mai 2010 (Inscrite le 13 décembre 2009, 72 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 718ème position).
Visites : 3 975 

Un métal pur

Dans une maison d’un faubourg misérable de Port au Prince se serre une famille, comme un petit état gouvernée par la mère, sorte de matrone aimante qui tente de protéger sa couvée par le recours au rituel vaudou, peuplé de déesses puissantes et sauvages .
Au dehors c’est la violence à l’état pur, les bandes de jeunes camés endoctrinés rôdent en faisant usage de leurs machettes, la police totalement corrompue n’est d’aucun secours, au contraire.
Cette famille est composée de deux sœurs très différentes, Angélique croyante, bigote qui se morfond et s’autopunit d’avoir fauté en engendrant le fruit du péché son fils Gabriel, et Joyeuse sensuelle et cynique qui ayant très tôt compris l’implacable mécanique sociale ne veut pas être dupe.
Le garçon Fignolé, adoré des trois femmes, jeune rasta poète et rebelle, engagé dans une révolte désespéré, ne veut pas abdiquer « Fignolé, un métal pur, qui croit que la liberté n’est pas un droit mais un devoir, une exigence ».
Mais un soir Fignolé ne rentre pas au foyer, les deux soeurs s’emploient chacune séparément à le rechercher.
Dans cette quête inquiète pour retrouver le frère, apparaissent le caractère et la vie des deux sœurs leurs espoirs, leurs amours, notamment la passion de Joyeuse pour Luckson, amour auquel elle se donnera sans jamais se rendre, « un homme dont aucune rue, aucune place ne portera le nom. Qui vit encore, dort, respire quelque part dans cette ville et m’a peut être oublié. Que je devrais déjà avoir oublié »

Un très beau roman dont le style simple et naturel, parfois poétique, décrit sans détours et avec justesse une réalité violente, cruelle et injuste.

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L'île du Diable

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 25 octobre 2018

Roman à deux voix, en Haïti, deux jeunes femmes partent à la recherche de leur frère, Fignolé, qui n’est pas rentré à la maison. Cette disparition les inquiète fort, car, à cette période, celle où le père sauveur (le Père Aristide sans doute) tant attendu a trahi la cause du peuple, la disparition signifie souvent la mort ou au moins la détention dans les geôles des tortionnaires. Chacune à sa façon, elles vont mener l’enquête pour essayer de retrouver la trace de leur petit frère qu’elles aiment tant. L’aînée, Angélique qui « passe pour être sage. Très sage même. Mère sacrifiée. Fille soumise. Sœur exemplaire. » Infirmière dévouée et paroissienne dévote, prie et fait les démarches nécessaires auprès des organismes officiels et des réseaux qui peuvent lui apporter quelque information au sujet de cette disparition. Sa cadette, Joyeuse qui porte bien son nom, « a une foi inébranlable dans son rouge à lèvres, ses seins et ses fesses » se faufilent dans les quartiers dangereux où son frère a pu se réfugier.

Chacune raconte ses recherches en évoquant la vie qu’elle a menée et mène encore dans cette île où tous les malheurs semblent s’être donné rendez-vous. Vie de misère surtout pour les femmes qui ne peuvent qu’espérer séduire un blanc pour l’épouser et sortir du caniveau où elle est enlisée. « Dans cette île tous les hommes sont de passage. Ceux qui restent plus longtemps le sont un peu moins que les autres, c’est tout. Dans cette île, il n’y a que des mères et des fils. » Elles soliloquent racontant leurs frustrations, leurs dévergondages, les combines auxquelles elles doivent avoir recours pour survivre.

Un fois de plus la misère haïtienne a accouché d’un magnifique texte, seule la littérature semble pouvoir survivre sur cette île de malheur. Yanick Lahens, auteure très talentueuse, livre un témoignage émouvant, révoltant, bouleversant sur la vie en Haïti où les tortionnaires ne sont éjectés que pour laisser la place à d’autres, pire encore. Après chaque révolution le peuple est spolié de sa victoire, privé de la récompense qu’il gagné au prix d’un flot de sang versé et de moult douleurs endurées. L’auteure insiste surtout sur la condition des femmes qui ne sont là que pour nourrir des mâles qui jouent à s’entretuer dans les conditions les plus atroces. Filles, mère, sœurs, d’assassinés, de torturés mais aussi d’assassins et de tortionnaires, elles ne connaissent que la souffrance, la privation et les frustrations.

« Comment ne pas prier Dieu dans cette île où le Diable à la partie belle et doit se frotter les mains. Dans cette maison où, sans crier gare, jour après jour il a établi ses quartier ». « Je ne me souviens plus de la dernière fois où elle a ri à faire danser le soleil dans ses yeux ».

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