Gaspard, Melchior & Balthazar de Michel Tournier

Gaspard, Melchior & Balthazar de Michel Tournier

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Chene, le 15 janvier 2010 (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 53 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (504ème position).
Visites : 11 514 

Attention Chef d'oeuvre !

Il n’ y a que quelques lignes seulement sur la légende des rois mages dans les Évangiles (Évangile de St Matthieu). Mais heureusement, dans un livre de 277 pages Michel Tournier réinvente cette histoire. Livre fabuleux et superbement bien écrit. On peut relire sans fin certains passages tellement c’est beau.
Michel Tournier nous emporte dans un voyage initiatique à travers un orient riche de saveurs et de couleurs, avec plein de références culturelles appartenant aussi bien à l'occident qu'à l'orient. On traverse le Nil, l’Euphrate, on nous parle de rois arabes, de Rome, de la Grèce antique, de Cléopâtre, d’Antoine…..
Au départ, on prend connaissance avec chacun des trois rois mages. J’avoue que le chapitre sur le roi Gaspard et son esclave Blitine est mon préféré.
Puis chacun décide de partir guidé par une étoile en quête d'un certain idéal : l’un veut fuir l'amour, l’autre la beauté, l’autre le pouvoir. Ils partent à la rencontre d’un petit enfant, futur roi des juifs, qui vient de naître à Bethléem.
Un quatrième roi mage venu d’Inde est aussi en route, à la recherche de la recette du loukoum à la pistache. Parti de plus loin, il manquera la rencontre avec Jésus et finira dans les mines de sel… La légende d’un quatrième roi mage est reprise ici avec tendresse.
Ces rois mages racontent leur histoire, leur vie, leur royaume, leur peuple, leur croyance. Tous ont été marqué par une déception, une trahison qui les a engagée à faire un voyage loin de leur contrée pour trouver une réponse.
Avant d’arriver à la crèche et de donner la myrrhe, l’or et l’encens à l’enfant Jésus, ils font un court séjour à la cour du roi Hérode à Jérusalem. Quel terrible portrait que celui d’Hérode dressé par Michel Tournier. Un roi sanguinaire et despotique. Un portrait que tous les souverains du monde devraient lire et méditer. Hérode provoquera le massacre des innocents en voulant faire assassiner l’enfant Jésus. Quand la raison d’État est aussi folie d’État !
Dans ce voyage, les rois mages rencontrent à la fois la Divinité et le Diable.
Néanmoins, j’ajoute qu’il n’est absolument pas nécessaire d’être croyant pour lire et aimer ce livre.
Cette histoire des Rois Mages raconté par Michel Tournier est véritablement un conte mystique, un voyage d’une rare beauté. Un chef d’œuvre à lire absolument.
On comprend en renfermant « Gaspard, Melchior et Balthazar », pourquoi Michel Tournier est l’un de nos plus grands écrivains contemporains.

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Sublimissime

10 étoiles

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 41 ans) - 17 juillet 2021

Un pur chef d'oeuvre, c'est parfaitement clair ; je ne devrais pas en être surpris, on parle de Tournier après tout, mais ce livre m'a embarqué loin, très loin, sur le périple des trois Rois Mages, à la cour du sanguinaire roi Hérode, ou sur le parcours de Taor, l'hypothétique quatrième Roi Mage, en pleine mer ou dans les mines de sel de Sodome.
Une écriture fantastique, poétique et enivrante... Un sens du conte (le passage sur Barbedor" sera, je crois, publié séparément pour les jeunes, et je crois que Tournier a aussi fait une version raccourcie et édulcorée de son roman pour les jeunes), un sens de l'épopée, Tournier parvient à ne pas faire lâcher l'attention de son lecteur. Un de ses meilleurs romans.

Les Rois Mages: un conte chrétien

8 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 46 ans) - 15 juillet 2019

Michel Tournier est un styliste accompli, c’est d’abord ce qui transparaît à la lecture de ce livre, écrit en 1980 et dans lequel l’auteur mort assez récemment (2016) parvient à hisser son art à un sommet. La narration tutoie la poésie à chaque instant et parvient à faire de ce roman une vraie pièce de littérature contemporaine. Tournure des phrases, enchaînements narratifs intéressants et parfaitement maîtrisés démontrent que l’auteur de Vendredi, ou les limbes du Pacifique et du Roi des Aulnes n’a pas usurpé sa réputation née du Prix Goncourt.
La trame du livre est également intéressante, et sous couvert d’un conte moderne, permet à l’auteur de délivrer un message empli d’enseignement chrétien. Michel Tournier, auteur chrétien, je ne le savais pas. Les trois Rois Mages sont donc frappés chacun en son royaume par la nouvelle qu’une comète se dirige dans leur direction et les mènera vers leur absolu : c’est l’amour pour Gaspard, roi de Méroé, l’art pour Balthazar, roi de Nippur, le pouvoir pour Melchior, roi déchu de Palmyre et le… rahat lokoum pour Taor, roi de Mangalore.
Leur rencontre au cours du chemin qui les conduit à Bethléem culminera à Jérusalem lorsqu’ils seront reçu par Hérode le grand. Ce passage dans lequel le roi de Judée se livre et leur dévoile la façon d’exercer son pouvoir par la terreur est sans doute le plus abouti. Quelle opposition entre le maître du royaume temporel et celui du royaume spirituel ! Ce dernier d’ailleurs parviendra à gagner ce combat d’influence grâce à son Archange Gabriel qui parviendra à convaincre les Rois Mages et empêcher ceux-ci de livrer des informations capitales à Hérode sur la naissance de ce petit Dieu que le monde attendait.
La venue de Taor, personnage a priori superficiel mais qui prend de l’épaisseur à mesure qu’il se rapproche de Bethléem donne au mythe une valeur supplémentaire : chacun est capable d’abandonner son enveloppe individuelle faite de ses obsessions pour parvenir à conjuguer l’amour absolu, celui porté au prochain, à l’inconnu absolu, à notre frère humain. Tel est le destin de ce roi du lointain qui parviendra, malgré le fait d’être toujours en retard aux rendez-vous fixés avec l’Enfant de Bethléem, à entrer le premier au Royaume de Dieu. Ainsi s’accomplit la prophétie : « heureux les derniers car ils seront les premiers » .

Dépoussiérer le mythe !

10 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans) - 11 novembre 2017

Michel Tournier (1924 - 2016) est un philosophe et écrivain français.
Auteur de plusieurs romans remarqués dont "Le Roi des aulnes" (prix Goncourt 1970), il est aussi un conteur et un romancier pour la jeunesse avec des œuvres comme "Vendredi ou la Vie sauvage" (1971), réécriture de son premier roman Vendredi ou les Limbes du Pacifique.
"Gaspard, Melchior & Balthazar" publié en 1980, est son quatrième roman.

L'épisode des Rois Mages venus d'Arabie pour adorer l'enfant Jésus ne fait l'objet que de quelques lignes dans les Evangiles mais a magnifiquement inspiré la peinture occidentale.
On en sait peu sur ces rois. Pourquoi avaient-ils quitté leur royaume ? Qu'ont-ils trouvé à Jérusalem - chez Hérode le Grand - puis à Bethléem ? L'Histoire et la légende étant également muettes, il incombait à un romancier de répondre à ces questions. C'est ce qu'a tenté Michel Tournier avec ce récit naïf et violent qui plonge aux sources de la spiritualité occidentale.
L'invention d'un quatrième Roi Mage montre le goût de Tournier pour la subversion humoristique.Taor, prince de Mangalore, retardataire à la recherche de la recette du loukoum, vient troubler et vivifier le mythe en devenant le premier à consommer l'eucharistie.

Un roman qui se lit comme un conte. Nous avons tous à l'esprit la scène des Rois Mages assistant à la naissance de Jésus dans l'étable.
Mais, nous en savons peu sur le parcours de ces 3 personnages aux trajectoires distinctes.
Michel Tournier mêle savamment histoire évangélique et récit romanesque (l'intervention d'un 4 ième Roi Mage) .
On se laisse prendre par le récit qui bascule rapidement vers la quête initiatique.
Un fantastique roman qui se dévore.
Grand moment de lecture !

Subtil et mystique

9 étoiles

Critique de Florian1981 (, Inscrit le 22 octobre 2010, 42 ans) - 2 octobre 2011

Partant des quelques lignes des Evangiles évoquant les rois mages, Michel Tournier laisse libre cours à son imagination pour écrire leur histoire et envisager les raisons de leur pèlerinage pour célébrer la naissance du prophète Jésus. Il en profite pour ajouter un 4e roi mage, Taor, prince de Mangalore, qui, parti de trop loin, n'arrivera pas à temps.

Ce roman est à la fois littéraire et philosophique, chaque roi mage trouvera dans la naissance de Jésus un sens qui lui est propre et les réponses aux questions qu'il se posait.
Les histoires de Gaspard et Balthazar sont bien trouvées, c'est fin et subtil, celle de Melchior est un peu courte et plus conventionnelle, elle m'a laissé sur ma faim.
Le gourmand Taor m'a paru tout de suite sympathique, c'est pourquoi je suis d'autant plus triste de la fin cruelle que Michel Tournier lui a réservé; meme si son voyage initiatique l'a fait gagner en maturité!

Difficile à dire

6 étoiles

Critique de Eoliah (, Inscrite le 27 septembre 2010, 73 ans) - 30 mars 2011

J'ai adoré certains chapitres pleins de finesse d'originalité et de charme, d'autres m'ont un peu lassée mais par dessus tout je n'ai pas supporté le destin tragique des éléphants présenté comme une banalité

Pouvoir, richesses et simplicité

9 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 56 ans) - 26 mars 2011

Shéhérazade aurait-elle pris la plume pour nous conter des nouveaux récits des mille et une nuit ?
Gaspard est roi de Méroé en Afrique noire. Il tombe éperdument amoureux d’une esclave phénicienne à la peau blanche et aux cheveux blonds qu’il a achetée. Cet amour va le conduire au désespoir et Gaspard décidera de s’éloigner pour un temps de son royaume et de voyager pour se changer les idées. Ces événements surviennent alors qu’une comète déploie elle aussi sa chevelure d’or. Il emporte avec lui l’encens…
En chemin, il rencontre le roi Balthazar, souverain de Nippur en Chaldée, et sa suite de jeunes gens férus des arts et de la culture à l’image de leur maître. Celui-ci a décidé de partir en expédition suite à la destruction d'un musée auquel il a consacré sa vie et de suivre le papillon de feu qui se profile dans le ciel nocturne. Il emporte avec lui la myrrhe avec laquelle on conserve les papillons, qu’il chassait étant enfant.
Melchior vient de voir mourir son père, roi de Palmyrène, dans des circonstances douteuses et son oncle l’a évincé pour prendre le pouvoir qu’il convoitait depuis toujours. Melchior, qui est encore bien jeune, a dû s’enfuir avec son précepteur et pour seul bien, une pièce d’or à l’effigie de son père. Arrivé à Jérusalem, il se fond dans la suite de Balthazar, qui l’a accueilli, pour participer au banquet donné par Hérode le Grand. Ce dernier est bien malade. Il est révéré par les paysans et artisans de son royaume, a su s’arroger les bonnes grâces d’Octave à Rome et reconstruit le temple. Il a tué la quasi-totalité de sa famille pour garder son pouvoir face à tous les complots fomentés contre lui et n’a du coup plus d’héritier mâle pour lui succéder, ce qui le tourmente. Il mandate les trois hommes – Melchior qui médite sur le pouvoir, Gaspard sur l’amour et Balthazar sur l’art - pour qu’ils s’informent à propos de la naissance d’un roi des juifs annoncée par son nécromancien et lui fassent rapport.
Et Jésus naquit… et l’histoire se déroule conformément à la bible…
Intervient un personnage supplémentaire inattendu ! Il s’agit de Taor, prince de Mangalore, que sa mère confine dans le luxe et la bonne chair pour éviter qu’il ne se mette en travers de son pouvoir. Il entreprend une expédition pour découvrir l’origine d’un loukoum à la pistache et sa recette. Il croit être sur les traces d’un divin confiseur. En chemin, la vue du monde lui ouvre les yeux sur la réalité. Il se détache petit à petit, volontairement ou non, des richesses qui l’encombrent. Il suit les traces de Jésus, mais arrive toujours trop tard pour le rencontrer.
Des rois mages, le lecteur n’entend plus parler.
J’ai bien aimé ces récits bibliques racontés à la sauce d’un conte oriental, les réflexions sur le pouvoir, la richesse. Par exemple, l’auteur compare le festin offert aux enfants pauvres de Bethléem pendant le massacre des bébés avec le sacrifice de Jésus pendant la fête de Pâque. Il soulève les relations entre Jésus et la nourriture et souligne le lien entre Jésus et l’eau qui désaltère pour toujours. Il évoque également la probabilité qu’Adam ait été noir et nous fait réfléchir sur les couleurs de peau.
Ce sont des éclairages intéressants.
J’ai également apprécié le mélange entre la fiction et les récits bibliques qui constitue un récit harmonieux, bien que décousu selon les personnages qui le racontent. Le lecteur est comme remis entre les mains de narrateurs successifs à qui il est confié. Un peu comme s’il était lui-même en voyage et qu’il perdait de vue ses différents compagnons au fur et à mesure de son périple.

Lumière pour l'esprit

10 étoiles

Critique de Prince jean (PARIS, Inscrit le 10 février 2006, 50 ans) - 7 mars 2011

Ne pas oublier le témoignage drôlissime de l'âne de la crèche !!

Le début est un peu longuet mais à partir du banquet chez Herode, le roman devient passionnant .
Le quatrième roi, imaginé par Tournier, qui arrivera trop tard, toujours trop tard, tient la plus grande place dans le livre. C'est l'homme qui a cru sans avoir vu, en quelque sorte : nous !

Philosophe de formation, il distille avec talent ses réflexions philosophiques et spirituelles à la narration. Le mystère de l'incarnation ou comment ce petit enfant pauvre et silencieux, transforme le coeur de ces rois. Le mystère de l'Eucharistie, ce repas qui apaise toute soif et toute faim. Le mystère de l'amour, du sacrifice, etc...

C'est un livre initiatique, merveilleux, un éclairage puissant sur la foi mais également, une histoire à la façon d'un conte oriental, une atmosphère colorée et épicée. Ce court roman est à lire et à relire, un baume pour l'âme. Indispensable.

un chef d'oeuvre

10 étoiles

Critique de Isabella (Paris, Inscrite le 19 décembre 2009, 42 ans) - 22 janvier 2010

Un livre d'une très rare beauté et d'une écriture magique, accompagné d'une réflexion intelligente. J'ai été très marquée aussi par chacun de ces personnages, notamment celui de Balthazar et du problème de la négritude.

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