Maurice Barrès et le nationalisme français de Zeev Sternhell

Maurice Barrès et le nationalisme français de Zeev Sternhell

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais , Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Shelton, le 19 décembre 2009 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 67 ans)
La note : 9 étoiles
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Un ouvrage fondamental et lumineux !!!

Certains auteurs peuvent avoir une grande place dans nos constructions, dans nos pensées, dans nos vies. Cette importance n’est pas liée au nombre de rencontres, à la quantité d’ouvrages lus, aux émissions de télévision regardées… Je n’ai rencontré qu’une seule fois Zeev Sternhell, à Paris, il y a une petite dizaine d’années. Mais j’avoue que j’ai été séduit par l’homme, par la pensée, par la parole de ce professeur d’histoire des idées, par ce titulaire de la chaire Léon-Blum de science politique à l’université hébraïque de Jérusalem. J’ai été séduit par celui qui ne voulait pas se contenter d’explications simplistes sur les grandes questions politiques. Oui, il voulait fondamentalement comprendre comment l’humanité pouvait avoir connu un tel vingtième siècle, comme on pouvait avoir accepté le fascisme, le nazisme, les totalitarismes terribles qui ont fait tant de ravages humains…

Pour avancer, il a du mettre en cause certaines simplifications comme celles de René Rémond qui pensait que trois droites s’affrontaient auxquelles il donnait des noms issus de l’histoire française, légitimisme, orléanisme, bonapartisme. Mais refuser n’est pas construire. Pour cela il est allé du côté de Maurice Barrès. Il faut dire que ce grand écrivain français avait l’avantage d’avoir été apprécié d’hommes de droite et de gauche, un peu comme s’il était au-dessus des camps politiques. Maurice Barrès, père spirituel et politique d’Aragon, Blum, Montherlant, Mauriac ? D’ailleurs, faites un test avec vos anciens, ceux qui sont nés avant 1940, quand il en reste dans nos familles… ils connaissent Barrès, ont lu un ou plusieurs textes, parfois ils en relisent !

Alors, Maurice Barrès était-il un homme de droite ? Un nationaliste ? Un fasciste ? Est-ce lui qui a conditionné les policiers français qui se saliront dans la grande rafle de 42 ? Est-ce lui qui inspire, aujourd’hui encore, des politiciens comme Sarkozy, Hortefeux ou Besson ?

Pour bien comprendre le Maurice Barrès politique, il faut indiscutablement le lire mais le resituer dans son histoire. L’histoire de la France avec la Nation issue de la Révolution française, une valeur engendrée par les penseurs du siècle des lumières… Une Histoire de France traversée par Napoléon 1er, les Romantiques, Napoléon III, le général Boulanger, l’Affaire Dreyfus… Mais c’est aussi l’histoire de la Lorraine qui fait partie de l’intimité de Maurice Barrès. En 1870, les Lorrains voient une partie de leur région quitter la communauté pour être rattachée au Reich germanique voisin. C’est un drame terrible renforcé par un phénomène de déplacement de population : tout ce que la Lorraine a de riche et culturel, de scientifique et de religieux, l’élite de la région en quelque sorte, quitte la Moselle pour Nancy qui va devenir en quelques années une ville magnifique et en avance dans tous les domaines. Maurice Barrès, a du mal à se situer politiquement – il se veut socialiste, membre de l’extrême gauche, nationaliste – mais progressivement son nationalisme l’emmène vers l’antisémitisme, l’antidreyfusisme et l’envie de revanche guerrière contre l’Allemagne. Même si dans ses dernières années il va revenir sur certains points en changeant d’avis comme en reconnaissant la grandeur des Juifs français morts pendant la première guerre mondiale, il n’en demeure pas moins comme celui qui va donner des bases à tous ces maux dont la France souffre encore.



Maurice Barrès a été élève de Jules Soury, à la Sorbonne. Ce dernier tente de transmettre à ses étudiants un certain sens des traditions avec au cœur la défense de la nation et de la race. La patrie devient un absolu à garder, à préserver, à sauver quel que puisse être le prix à payer. On comprend mieux, alors, que Maurice Barrès ait accepté que l’on condamne, même injustement, le capitaine Dreyfus, puisqu’il s’agissait pour lui de défendre l’armée, outil incontournable de la défense de la patrie !

En 1899, Maurice Barrès prononce un discours important qui deviendra le fondement de son nationalisme et que Zeev Sternhell prend le temps d’analyser en détail, La Terre des Morts.

Le nationalisme de Barrès est d’autant plus pervers et nocif sur le long terme qu’il est « une synthèse du nationalisme romantique et dynamique, socialisant et quasi-révolutionnaire, et d’un nationalisme socialement et politiquement conservateur… Cette tradition politique renferme en elle, non seulement presque tous les éléments qui composeront le ou les nationalismes français mais aussi les composantes de la révolution conservatrice de l’entre-deux-guerres, cette variété par excellence du fascisme des intellectuels. »

Vous l’aurez bien compris, il s’agit là d’un livre salutaire qui devrait être remboursé par la sécurité sociale tant il agit pour la santé publique…

Bon, ne rêvons pas, contentons-nous de le lire et le faire lire, ce sera déjà très bien !

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Les éditions

  • Maurice Barrès et le nationalisme français [Texte imprimé] Zeev Sternhell
    de Sternhell, Zeev
    Fayard / Pour une histoire du XXe siècle.
    ISBN : 9782213605623 ; 24,90 € ; 19/09/2000 ; 432 p. ; Broché
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