La liberté n'est pas une marque de yogourt de Pierre Falardeau

La liberté n'est pas une marque de yogourt de Pierre Falardeau

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Dirlandaise, le 13 octobre 2009 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Le cinéma falardien et plus...

Me revoilà plongée dans l’univers falardien pour mon plus grand bonheur ! J’ai ouvert ce livre malgré mes réticences et ma grande tristesse suite à la disparition de monsieur Falardeau mais je crois que de cesser de le lire n’est pas une solution au contraire, il aurait sans doute voulu que je continue enfin, c’est ce que j’ai décidé de faire mais la peine est si grande, si bien installée au creux de mon cœur que je ne sais pas quand je vais pouvoir dire que je suis guérie de cette mort, que je l’accepte et que je pardonne au créateur sa cruauté de nous avoir enlevé un tel homme encore dans la force de l’âge et de ses idées. Mais trêve d’atermoiements…

Ce livre est un recueil de textes écrits par monsieur Falardeau concernant pour la majorité la conception de ses films et ses difficultés à obtenir du financement afin de les réaliser. Ce sont des avant-projets de courts-métrages, des projets de documentaires sur la réalité québécoise, des tracts publicitaires, des lettres de demandes d’aide, des lettres de règlements de comptes (très peu), des analyses socio-politiques et ethnologiques de phénomènes tels que Walt-Disney, James Bond (oui oui !) ou bien la naissance du phénomène des banlieues. Ce n’est pas le meilleur livre de Pierre Falardeau mais il reste très intéressant pour qui s’intéresse à l’homme et à son œuvre cinématographique. Car, l’auteur délaisse la politique et ses magouilles pour nous entretenir de cinéma avant toute autre chose. J’avoue que j’ai trouvé le cinéaste plus tranquille et plus posé que le polémiste politique. Pas de gros coups de gueule, pas de chapelets d’injures envers les politiciens hypocrites ou les journalistes vendus, non, mais la passion d’un homme pour son métier qui est avant tout le cinéma. Une passion qui a habité Pierre Falardeau toute sa vie et qui lui a donné sa meilleure raison de se battre et de vivre je crois. Il rêvait de faire plein de films mais les moyens financiers lui ont toujours fait défaut malheureusement sinon, quelle œuvre colossale il aurait pu nous léguer. Obligé de quêter auprès des détenteurs de la bourse aux subventions au cinéma, il aura été entravé dans son élan créateur par des fonctionnaires tatillons et frileux. Attendre dix, onze ans avant de pouvoir recevoir un peu d’argent pour pouvoir travailler… faut le faire. Et quand je vois des gars comme Laliberté se promener dans l’espace avec un nez de clown planté au milieu du visage pour la modeste somme de trente-cinq millions de dollars, je me dis qu’il y a des coups de pieds au cul qui se perdent.

Le texte que j’ai préféré parmi tous ceux que nous propose ce volume, c’est celui intitulé « Le consommateur consommé », une belle analyse du phénomène des banlieues. J’ai aussi beaucoup apprécié le synopsis du film « Le Party » qui se passe dans le milieu carcéral. « Le lynx inquiet » rend hommage à Gilles Groulx, un grand cinéaste québécois qui suscitait l’admiration sans bornes de Pierre Falardeau. « À mort » est un projet de film qui se voulait une analyse du phénomène des parcs d’attraction comme moyen d’évasion du quotidien et de la routine immuable des gens piégés dans une vie sans espoir et sans but. Il y a aussi le très beau texte sur la mort de Bobby Sands « Vive l’Irlande libre ! ». Le livre se termine sur la très belle lettre de monsieur Falardeau, adressée à son fils Jérémie. Émouvant et d’une si belle sincérité !

J’ai lu toutes sortes d’énormités sur Pierre Falardeau. On l’a qualifié de « nationaliste lourdaud » et je me suis vue reprocher mon manque de bon goût parce que je le lisais. Ce sont des déclarations tellement pitoyables que je préfère en rire. Parler sans rien avoir lu de l’homme, sans connaître son parcours ni rien de sa pensée, c’est le propre des gens qui n’ont rien dans le cœur, rien dans le ventre ni dans les tripes sinon ailleurs.

« Contre des morts embaumés et souriants de la publicité, du cinéma et de la télévision, j’ai voulu montrer des vivants. Des vivants ramassés au fond des poubelles, au fond de l’égout. Et je les ai vus, ces gens de bien, ceux qui possèdent des biens, faire la fine bouche et parler de vulgarité. (…) La véritable vulgarité, pour moi, c’est un plein de marde à cravate et à attaché-case qui, sûr de lui, m’envoie un mémo pour couper une scène, une phrase, un mot, fort des quèques piasses qu’il a investies. »

« San Antonio, c’est vulgaire, c’est grossier, c’est bas, c’est insignifiant, c’est sale, c’est machiste, c’est raciste etc. Moi, je m’amuse bien. Je dois avoir l’esprit tordu. Il en a écrit combien déjà ? Cinquante, 60. C’est toujours la même chose d’un livre à l’autre. Son intrigue policière cousue de fil blanc, on s’en contrecrisse. Moi, ça me plaît. J’aime bien ses histoires de fesses, la vulgarité de Bérurier, sa philosophie de bottine et sa façon de jouer avec le langage. « L’évolution psychologique des personnages dans l’œuvre de Frédéric Dard », beau sujet de thèse de doctorat pour les enculeurs de mouches. C’est vrai que je suis resté très jeune. Un rien m’amuse. »

« Je n’ai aucune imagination. J’essaie par contre de garder les yeux et les oreilles grands ouverts. Je ne comprends pas les scénaristes qui se torturent les méninges sur une feuille de papier pour inventer une histoire. Le réel autour de soi est autrement plus riche. Il suffit de décoller ses deux fesses de sa chaise, de se promener et d’être attentif à la vie. »

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Les éditions

  • La liberté n'est pas une marque de yogourt [Texte imprimé], lettres, articles, projets Pierre Falardeau
    de Falardeau, Pierre
    Stanké
    ISBN : 9782760405059 ; 16,86 € ; 01/01/2000 ; 238 p. ; Broché
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