Temps pascal de Daniel Poliquin

Temps pascal de Daniel Poliquin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Leroymarko, le 16 août 2009 (Toronto, Inscrit le 19 septembre 2008, 50 ans)
La note : 6 étoiles
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Un bon premier roman

Il s’agit ici du premier roman du Franco-Ontarien Daniel Poliquin, écrit en 1982. Dans la réédition de 2003, pour la Bibliothèque canadienne-française, il admet dans la préface qu’il a fallu le convaincre de rééditer ce livre. Selon lui, ce premier ouvrage, écrit alors qu’il avait peu d’expérience, avait en quelque sorte été bâclé.

En publiant ce premier roman, Daniel Poliquin voulait parler de son peuple, mais aussi lui donner la parole. Il voulait «prouver, dans le parler de chez nous, que l’Ontario français avait une histoire et une littérature». Il s’était en quelque sorte donné la tâche de montrer aux Québécois, mais aussi aux Franco-Ontariens eux-mêmes, qu’il est possible de s’épanouir en français en Ontario, même si ce n’est pas toujours facile.

Temps pascal se déroule autour du même grand axe: d’une part, la grande manifestation d’appui aux mineurs en grève à Sudbury et, d’autre part, les recherches du pseudo-détective Plouffe pour retrouver un jeune homosexuel à Ottawa. Les trois principaux personnages sont le vieux Médéric Dutrisac, l’autodidacte Léonard Gouin et la jeune chanteuse Jacinthe. Par ailleurs, le roman ne suit aucun ordre chronologique clair.

Médéric, militant socialiste du Nouvel-Ontario, connu de tout le monde, est dans l’autobus vers Ottawa lorsqu’il rencontre la jeune Jacinthe. Coincés à Sudbury à cause du mouvement de protestation ouvrier qui prend de l’ampleur, ils finissent dans le même lit. Bien des années plus tard, Léonard Gouin, lui, reçoit la visite du soi-disant détective Gaston Plouffe. Léonard est inquiet parce que le jeune homosexuel qu’il hébergeait n’a pas donné signe de vie depuis quelques jours. Plouffe aussi est à sa recherche. On connaîtra son motif plus tard.

Les deux pôles de ce grand axe évoluent en parallèle (séparés aussi dans le temps) jusqu’au moment où le lien est fait entre tout ces acteurs. On apprend que Léonard, des années avant que Philippe ne soit apparu dans sa vie, a pris part à cette grande manifestation populaire à Sudbury. C’est là qu’il a rencontré le couple naissant formé par Médéric et Jacinthe. Ils se sont rapidement liés d’amitié et tous les trois vont passer de longues périodes de temps dans la cabane de Médéric, au fond des bois. Ils passent leur temps à imaginer un monde meilleur, à rêver d’un ordre social plus juste.

Bien des années plus tard, c’est Médéric qui viendra cogner à la porte de Léonard Gouin, à Ottawa. Ce dernier vient d’apprendre que Philippe ne reviendra plus, qu’il est parti mener sa vie d’artiste et de bohème ailleurs. De son côté, Médéric a appris quelques jours plus tôt que sa Jacinthe (qui l’avait laissé seul dans sa cabane pour poursuivre sa carrière de chanteuse) s’était suicidée. Les deux hommes devront donc se consoler mutuellement. Le roman se termine avec Léonard qui se ressaisit et qui envisage déjà tous les projets de justice sociale qu’ils pourront mettre de l’avant pour donner un sens à leur vie. Encore l’envie de sauver le monde, alors que ce sont eux qui doivent l’être.

Poliquin fait état des luttes sociales de l’époque: les travailleurs canadiens-français qui doivent risquer leur vie pour des patrons anglais, les défis de recevoir une éducation en français en Ontario, l’omniprésence des soutanes… L’auteur se veut contemporain aussi. Il aborde ainsi la question de l’homosexualité. Sa description du jeune gai qui se fait tabasser choque.

L’intrigue est bien ficelée et le roman est fort intéressant pour comprendre une partie de l’histoire franco-ontarienne. Il est vrai qu’il ne s’agit peut-être pas du meilleur ouvrage de l’auteur, comme il semble lui-même l’admettre dans la préface. Il y a parfois trop de digressions et ce Léonard Gouin a beau être autodidacte, il ne faut pas exagérer! Mais Temps pascal reste quand même un livre bien écrit et captivant.

On notera par ailleurs que l’auteur utilise le terme «Ontarois», qu’il semble préférer à celui de «Franco-Ontariens». Le premier terme était en vogue dans les années 80, mais n’a jamais vraiment su s’imposer. On notera aussi le thème du «maître chez nous» et ce rêve d’un pays «français» dans le Nord du Canada. Cette Laurentie qui aurait débordée les frontières de la province de Québec.

Un mot en terminant sur l’auteur. Daniel Poliquin est sûrement l’un des meilleurs romanciers canadiens-français de l’heure. Certains diront qu’il est l’un des «pères» de la littérature franco-ontarienne (faisant naître celle-ci dans le mouvement identitaire du début des années 70), mais ce serait passer sous silence un grand nombre d’auteurs et d’écrits publiés en Ontario français depuis près de 400 ans. Reste que Poliquin occupe une place de choix dans cette longue liste.

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