Au zénith de Du'o'ng Thu Hu'o'ng

Au zénith de Du'o'ng Thu Hu'o'ng

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Peche07, le 1 mai 2009 (Inscrite le 22 février 2006, 66 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 202ème position).
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Un beau portrait romancé, poétique et politique

Si vous aimez le voyage, tant pour regarder à la vitre qu’approcher les âmes, alors vous surmonterez sans peine les presque 800 pages de ce roman traduit du vietnamien. L’auteur ouvre son livre avec le monologue supposé du vieil Ho Chi Minh, dans un portrait librement adapté, elle peint un homme amer, qui n’est plus qu’une effigie, lucide prisonnier trahi par l’immense machine communiste qu’il a servie toute sa vie et à laquelle il aurait sacrifié la compagne aimée. Que reste t-il des idéaux à l’épreuve du pouvoir? Des hommes en place, cupides et corrompus. C’est presque un postulat: les vieillards de ce livre seraient les derniers humanistes qui jettent un regard horrifié sur le monstre enfanté…
Le roman s’organise autour d’une idée forte : les idéaux du départ ont conduit à ce régime cruel et corrompu, mais un pays tout entier peut-il renier ses enfants, se regarder dans la glace en s’avouant cette vérité? La romancière effectue sans cesse des allers retours, de la raison d’état à la famille. Le lecteur occidental perd ses repères dans ce pays où les affaires privées et jalousies familiales se règlent en place publique, où la rumeur fait loi, la délation et la menace assurant la perpétuation du régime en place.
Duong Thu Huong avance un motif historique sur l’aveuglement de tout un peuple: « C’est par angoisse de devenir une âme errante qu’on ferme les yeux sur la bassesse de sa descendance. Des générations de parents ont serré les dents pour supporter l’ingratitude de leur progéniture dans l’espoir qu’après leur mort, elle s’occuperait correctement des funérailles. » L’hypothèse surprend, sous nos latitudes….
Dans ce roman d’exil, les paysages sont souvent plus beaux que les hommes, on éprouve même le sentiment que cette nature si poétique tout au long du roman nous est, à nous aussi, «confisquée». A moins que l’histoire inverse enfin son cours comme le suggère la romancière: « Alors le voeu du président sera exaucé. Il sera enfin compris et aura obtenu le soutien des âmes éternelles des héros et des braves ... celles des souverains défunts qui règnent dans les sept cieux et sur les terres, les montagnes, les fleuves et les lacs du pays ainsi que des mânes des bouddhas voyageant dans le ciel d’ouest. Reste à attendre ce moment ultime où le peuple vietnamien découvrira la vérité… ».
Voilà cinq dernières lignes qui donnent bien la mesure du roman.

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L'amertume du président.

6 étoiles

Critique de Grégoire M (Grenoble, Inscrit le 20 septembre 2009, 49 ans) - 30 mars 2013

Ho Chi Minh sur la fin de sa vie, trahi par ses compagnons de révolutions, amer face au monstre que la révolution a enfanté. Le livre fait un habile parallèle entre la filiation biologique, on suivra de nombreux pères souvent déçus par leur progéniture, et politique, Ho Chi Minh face à l’évolution du pays qu’il a créé.
Le livre n’échappe malheureusement pas à certaines longueurs, il devient lassant de suivre les réflexions d’Ho Chi Minh dont la palette de sentiments se limite à l’amertume. Certaines parties du livre m’ont aussi parues plus faibles (la vie dans le village de bucheron), les personnages trop simplistes dans leur caractère, le père noble et travailleur, le fils lâche et indigne, le récit valant alors surtout pour son exotisme.

Lâcheté, désillusions et trahisons

9 étoiles

Critique de Poignant (Poitiers, Inscrit le 2 août 2010, 57 ans) - 14 novembre 2012

1969. Ho Chi Minh, gravement malade, est « mis au vert » dans les montagnes du nord Viêt-Nam. La mort accidentelle d’un paysan et les cris de douleur de son fils viennent lui rappeler que lui aussi a deux enfants. Mais l’image officielle d’ « Oncle Ho » fabriquée par le parti est celle d’un célibataire endurci qui ne se consacre qu’à son peuple et à la révolution. Vu, vieux compagnon de guerre d’Ho Chi Minh, a adopté son fils…

Duong Thu Huong, est une romancière vietnamienne née en 1947. Dans sa jeunesse, elle a été membre d’une troupe de théâtre qui s’est produite au front, en risquant sa vie. Ex membre du parti communiste, elle est devenue à la fin des années 1980 une des plus grandes opposantes au régime de Hanoï.
Dans « Au zénith », paru en 2009, elle décrit la solitude de Ho, le désarroi de Vu face à ses problèmes familiaux, l’histoire du remariage du riche paysan Quang. Par touches impressionnistes, les thèmes universels de la trahison, de la famille, des désillusions de la vie s’associent à une critique au vitriol du régime communiste vietnamien. Un Ho Chi Minh fatigué, diminué, est finalement instrumentalisé par des apparatchiks cyniques et corrompus. Mais encore plus fort, Duong Thu Huong affirme carrément que la guerre du Vietnam a en fait été provoquée par des dirigeants communistes avides de pouvoir, indifférents aux souffrances du peuple et manipulés par le chinois Mao. On est bien loin de l’image de cette guerre présentée en occident comme l’absurde symbole des dérives impérialistes américaines…

La structure de ce roman est complexe mais bien maîtrisée. Certes le rythme s’écoule sur 700 pages, et l’on passe une partie du récit à ne pas comprendre l’articulation des histoires parallèles. Mais cette lente construction est à mon sens le style d’une auteure au sommet de son art, qui n’a plus rien à démontrer avec son écriture fine et belle, si ce n’est la virulence de ses convictions politiques.
La base historique est-elle absolument exacte ? S’agit-il simplement d’un conte politico-philosophique ? Peu importe. « Au zénith » est un très grand roman et ce premier contact avec Duong Thu Huong a été pour moi un vrai plaisir.
A lire et à faire lire.

UN PLAIDOYER POUR LA VERITE

9 étoiles

Critique de TRIEB (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 72 ans) - 18 avril 2012

C’est à proprement parler un roman-fleuve, une possible synthèse de la thématique des romans précédents de Duong Thu Huong, tels que Terre des oublis ou Itinéraire d’enfance. En 1953, le président, dont on devine très vite qu’il s’agit de Hô Chi Minh, tombe amoureux d’une très jeune femme . Il a plus de soixante ans, il fonde une famille avec elle ; il l’installe à Hanoï dès la reconquête de la ville. Toutefois, par impératif de respect de la raison d’Etat, le président renonce à cette vie. Sa jeune compagne est assassinée, ses enfants recueillis par des proches, le pouvoir lui échappe.

Pour embrasser ce drame sous toutes ses dimensions, l’auteure organise sa construction romanesque autour de quatre points de vue :
Celui du président ; qui tente à la fin de sa vie d’expliquer (ou de justifier ?) les méandres de son parcours.
Celui de son meilleur ami, Vu .Ce dernier élève son fils .Sa propre épouse, ancienne révolutionnaire incarne désormais la corruption, la pétrification du pouvoir.
Celui d’un vieil homme, installé dans le Village des bûcherons, qui parvient à faire admettre aux yeux des habitants du village son union avec une femme de quarante ans plus jeune que lui.
Celui du beau-frère de la jeune épouse sacrifiée.

C’est encore l’occasion d’évocations multiples sur le passé du peuple vietnamien, sur l’influence du régime communiste sur les rapports humains quotidiens, sur les us et coutumes immémoriaux, sur la cuisine vietnamienne, dont certaine recettes de plats sont souvent minutieusement décrites. L’amertume est beaucoup plus présente que dans Terre des oublis ou Itinéraire d’enfance, ainsi de la vanité des espérances du peuple vietnamien : « Notre peuple n’a jamais vécu dans le réel. Il n’a vécu que dans l’espérance. Toute la longue résistance s’était déroulée dans l’espérance. »
Ou encore le rôle de la mémoire personnelle du président, révélatrice de fragilités personnelles ou nationales ? : « Ne se souvient-il de l’Europe que par nostalgie de ses rêves irréalisés ? Pourquoi est-il attaché à ce lieu si familier où il ne vivra plus jamais ? Cette souffrance qu’il endure, est-elle son drame à lui, ou est-elle inhérente à la nature humaine ? »

Des réflexions sévères sur le régime communiste parsèment l’ouvrage, à de nombreuses reprises : « La guerre anticoloniale terminée, ils étaient passés à autre chose. Les généraux se distribuaient la richesse du palais . Le pouvoir de chacun se mesurait désormais au luxe de sa résidence, aux privilèges de ses acolytes ou de sa famille. Plus grand monde ne souciait de la collectivité car les intérêts particuliers ont toujours été prépondérants chez les hommes. »

Au-delà du réquisitoire politique, on peut voir dans ce roman une restitution des faiblesses humains les plus communes : la lâcheté, la force de l’habitude, la fragilité des sentiments . C’est ce qui fait de Au Zénith un grand roman universel, une fresque à valeur d’exemplarité romanesque

Pays de soie ou terroir de boue ?

10 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans) - 14 décembre 2011

Je partage les opinions de Tanneguy et Monito;ce roman est dense, puissant et captivant.
L'auteure réussit un véritable tour de force en relatant les atrocités de l'Histoire moderne du Vietnam vu par " le Président " et une incroyable histoire d'amour.
La cruauté et la bouffonnerie d'un régime qui prône la guerre à seule fin de prouver la supériorité du modèle socialiste ( ... )
La naissance d'un état communiste , le 2 septembre 1945. Un régime politique qui s'avère rapidement absurde, cruel et traitre.La dictature du prolétariat comme une farce.
Mais tout ce côté sombre est contrebalancé par un pays de paysages, d'odeurs et de goûts.
Les forêts de bambous , les plantations de thé, les rangées de badamiers et de khayas, offrent des panoramas uniques.
Les senteurs des fleurs d'abricotiers , de pruniers, de jasmin et de pamplemoussiers font chavirer les âmes les plus sombres.
Le ragoût d'escargots au taro sauvage , les crevettes confites à l'alcool de riz et les anguilles mijotées au curcuma aiguisent les appétits.
L'auteur joue merveilleusement avec nos sens et magnifie son pays.
Et elle n'oublie pas le poids de la coutume ( la fête du Têt, les courses de buffles , ... ) ; l'importance de la croyance ( le Bouddha )
Un roman qui s'achève sur un appel à l'espoir pour que cesse à jamais le tintamarre des armes.

Un savant dosage d'Histoire , de géographie , de politique , d'ethnologie et de philosophie .
Une oeuvre majeure et un roman incontournable pour qui souhaite découvrir le Vietnam moderne .

Abandon

3 étoiles

Critique de Ulrich (avignon, Inscrit le 29 septembre 2004, 49 ans) - 6 juillet 2009

Ce livre est constitué de 4 parties.
La première est totalement fascinante, passionnante : l'histoire de ce président (Ho Chi Minh) isolé par les siens ; réalité de certains régimes où la figure du père est devenue trop écrasante.
La seconde est bucolique (si j'en crois la jaquette) mais 100 pages auront eu raison de moi. Je lis deux phrases et mon esprit s'échappe totalement. Impossible de reprendre le fil de l'histoire ; les personnages se mélangent tous. Après deux semaines où finalement je fuis le livre, c'est décidé, j'abandonne.
Monito parle de longueurs. Les éditeurs de parenthèse pour cette deuxième partie. Pour moi la parenthèse était beaucoup trop longue, j'ai fermé le livre avant qu'elle ne se referme.

Vietnam visité !

7 étoiles

Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 51 ans) - 5 juin 2009

Ce roman est dense mais il comporte presque autant d’histoires distinctes, confondues ou entremêlées que l’auteur aurait pu en écrire trois voire quatre.

Le Président est le leader charismatique et communiste d’un pays jamais cité (je crois) qu’on reconnaît vite : le Vietnam.

Ce Président n’est autre qu’Hô Chi Minh, pas celui de Dien Bien Phu mais le leader vieillissant, que l’on découvre manipulé par son bureau politique, en pleine guerre du Vietnam contre les Américains.

Connaissant le combat politique mené par l’auteur on s’étonne du portrait affectueux qu’elle fait de l’homme qui reste largement apprécié dans ce pays malgré les souffrances qu’il a endurées et les retards accumulés.

Autour de cet homme que le Parti a empêché de vivre comme il le souhaitait et bien qu’il n’ait véritablement rien fait pour contrecarrer les plans de ces apparatchiks nous revivons toute une histoire.

Nous découvrons aussi toutes les richesses, notamment culinaires de ce Sud-est asiatique et nous croisons les chemins d’un compagnon d’arme du Président fidèle jusqu’au bout, d’un paysan et de sa famille ou encore la capacité de vie d’un homme, beau frère de la femme cachée du Président, qui vit et survit par la vengeance.

Ce roman jouit d’une écriture apaisante qui touche toujours juste malgré quelques longueurs.

C’est une quête aussi. Celle des motivations profondes, des priorités et des choix que tous nous sommes amenés à prendre, même quand ils s’avèrent les plus cruels.

L'héritage d'Ho Chi Minh

9 étoiles

Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 84 ans) - 25 mai 2009

C'est un aspect insolite du héros de l'indépendance du Vietnam que nous conte l'auteur, persécutée dans son propre pays et réfugiée en France, le pays colonisateur. C'est aussi une histoire d'amour, ou plutôt une série d'histoires d'amour exotiques et touchantes. Tout ceci nous fait aimer ce pays qui nous fait encore rêver...

Je ne voulais pas entamer ce long roman, la personne du "Président" ( l'auteur ne mentionne jamais son nom ! ) ne m'inspirant pas particulièrement car les souvenirs de la guerre d'Indochine restent cruelles à nous Français. Je n'ai pourtant pas été déçu et je l'ai dévoré jusqu'à la dernière ligne.

D'après l'auteur, Ho Chi Minh n'aurait pas voulu entraîner son pays dans la confrontation sanglante avec les Américains, mais se serait fait manipuler par son ami-ennemi Mao. La thèse est intéressante. Les historiens auront à nous éclairer !

Formons le voeu que la dernière volonté du Président, telle que l'exprime Duong Thu Huong, se réalise bientôt et puisse ce régime honni disparaître rapidement ! Le peuple vietnamien le mérite bien.

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