Le jeu des perles de verre de Hermann Hesse

Le jeu des perles de verre de Hermann Hesse
(Das Glasperlenspiel)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Sciences humaines et exactes => Spiritualités

Critiqué par Fa, le 9 mars 2009 (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 48 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 304ème position).
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Ethique contre esthétique

Imaginez une école rassemblant l'élite intellectuelle du monde, toute vouée au jeu des perles de verre, sorte de recherche interdisciplinaire visant à mélanger sciences et arts, dans des jeux dialectiques empreints de subtilité.

Hermann Hesse nous décrit le parcours de celui qui, inexorablement, avance dans sa carrière de Maître des jeux, poussant toujours plus loin sa démarche vers l'esthétique, jusqu'à douter même de la valeur de cette dernière : il se retrouve confronté tôt au tard au débat éthique, qui, qu'on le veille ou non, décidera de l'avenir du jeu des perles de verre.

C'est un ouvrage somme toute de très haute teneur, qui nous apprend la nécessaire coexistence des démarches éthiques et esthétiques. L'homme ne peut se perdre indéfiniment dans la contemplation; inévitablement, il lui faut tôt ou tard agir.

Certes, cela tire parfois en longueur, mais c'est très riche en enseignements.

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Les éditions

  • Le jeu des perles de verre de Hermann Hesse
    de Hesse, Hermann
    Calmann-Lévy
    ISBN : 9782702120699 ; 25,55 € ; 01/04/1994 ; 645 p. ; Broché
  • Le jeu des perles de verre [Texte imprimé], essai de biographie du Magister Ludi Joseph Valet accompagné de ses écrits posthumes présenté par Hermann Hesse,... trad. de l'allemand par Jacques Martin
    de Hesse, Hermann Martin II, Jacques (Traducteur)
    le Livre de poche / Le Livre de poche
    ISBN : 9782253153931 ; 8,70 € ; 15/10/2002 ; 693 p. ; Poche
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Les livres liés

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Parcours de vie

9 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 46 ans) - 18 février 2022

Joseph Valet, sujet d’élite, intègre l’école Celle les Bois destinée aux meilleurs éléments de la Castalie, une province imaginaire dans laquelle se regroupent les intellectuels afin de mener à bien leurs travaux. A la Castalie s’oppose le Siècle, où les sujets « ordinaires » évoluent.
Joseph Valet au cours de ses études se lie d’amitié avec un habitant du Siècle, auditeur libre en Castalie, Plinio Designori : des débats amicaux naissent entre les deux jeunes gens au cours desquels chacun prend la défense de son style de vie : « Chacun défend ce qu’il croit être un primat : toi l’esprit, moi la nature ».
Joseph développe ses capacités en côtoyant son mentor, le maitre de la musique, en effectuant une retraite au Bois de Bambous au cours de laquelle il s’initie à la sagesse orientale, en effectuant une mission diplomatique au monastère bénédictin de Mariafels au cours de laquelle il se confronte au père Jacobus. Bientôt, Joseph Valet se voit confier par le Directoire de Castalie, la charge du grand-maitre de l’ordre du Jeu des Perles de Verre. Commence alors un travail au cours duquel il va devoir s’attirer les grâces de l’élite de Castalie et permettre un développement des arcanes du jeu. Hesse ne décrit jamais en détail ce qu’est le jeu mais le lecteur comprend qu’il symbolise la concentration de tout ce que l’intelligence humaine peut réunir : accumulant les connaissances et faisant cohabiter les différents champs du savoir, de l’art et de la sagesse, les joueurs peuvent imaginer à l’infini les développements d’un jeu qui a une exigence, celle de l’harmonie et de la délicatesse.
Bientôt cependant, et alors que Valet est semble-t-il parvenu au firmament de sa charge, le retour de Plinio en Castalie va faire comprendre au Grand-Maitre que sa mission à ce point de sa carrière doit évoluer et, bravant tous les codes de la province de Castalie, se démet de ses fonctions pour devenir le percepteur de Tito, le fils de Plinio.
Livre rempli de symboles et très riche de sens, le Jeu des perles de verre offre une lecture longue et exigeante et qui requiert beaucoup de patience. Un livre qui se lit par petites touches afin de tenter de capturer le sens qu’Hermann Hesse veut donner à son récit. Sans être trop volumineux, ce livre, devenu un classique de la littérature allemande et le plus connu d’Hermann Hesse après le Loup des Steppes ne peut pas se résumer d’un paragraphe : la multiplication des réflexions contenues dans les différentes étapes de la progression de Joseph Vallet dans sa carrière provoque chez le lecteur une mise en rapport tout à fait intéressante : comment un homme apparemment parfait gère-t-il sa vie afin d’atteindre un but fixe qui correspond à son destin. C’est l’histoire de Joseph Vallet, être d’exception destiné selon toute évidence, et ce depuis sa très prime enfance, au Jeu, le développement parfait de la connaissance humaine au sein d’une communauté humaine. Cependant, ce schéma simple ne l’est pas et au soir de sa vie, Vallet réalise qu’un cheminement de vie ne suit pas nécessairement une droite pure.
On ne saurait que conseiller la lecture du dernier roman d’Hermann Hesse au lecteur intéressé par ce récit symbolique et (presque) initiatique, dépositaire de beaucoup de sagesse.

L'empire de l'esprit

10 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 53 ans) - 24 avril 2013

Dans la mouvance du roman d’anticipation allemand de l’époque, Hermann Hesse se projette dans un monde futur où l’homme aurait trouvé un autre chemin de vie, loin de celui le long duquel il se dirigeait et qui le menait à sa perte (Hesse pensait que c’est le progrès qui était à l’origine de la décadence du monde).
Joseph Knecht (traduit « Valet » en français), repéré par un grand Maître de la musique, va connaître une fulgurante ascension à Castalie, Cité pédagogique et utopique, qui comprend différents départements (ou Provinces), notamment l’Ordre du Jeu des Perles de verre, dont Joseph Valet deviendra le Ludi Magister (Maître du Jeu), avant de s’en écarter définitivement.

Qu’est-ce que le jeu des perles de verre ?
Nous n’en saurons rien de manière formelle, si ce n’est qu’il s’agit d’associations d’idées qui permettent une perpétuelle élévation du champ de la connaissance, une discipline où la science et le sens du beau/bien s’harmonisent au point de devenir une sorte de « théâtre magique » (préface), ou bien encore « une langue mondiale des intellectuels », pour parvenir à une « conscience culturelle universelle », par le biais d’un mélange de symboles, de musique, de mathématiques et de poésie, sachant que c’est à l’art qu’il s’apparente le plus.
En accordant une place prépondérante à la formation de l’esprit, en faisant de l’éducation une valeur fondamentale, Castalie est en elle-même une dénonciation de la décadence du monde moderne et de sa plongée dramatique dans la méconnaissance.
Joseph Valet est avant tout un musicien, et une part conséquente du livre est accordée à cette dernière, en appuyant sur l’importance qu’il y a à la comprendre et à l’aborder sous toutes ses formes, pour parvenir à la sérénité et pour accéder à la méditation.
« Hesse est bien d’accord avec Nietzsche, qui affirme que sans la musique, la vie serait une erreur. » (préface)
Il est d’ailleurs expliqué que le jeu des perles de verre prend naissance dans des jeux musicaux.

La vie à Castalie a un unique but : la réalisation de soi, grâce à une élévation de l’esprit qui permet d’accéder au divin, et grâce à une forme d’harmonie avec la nature, qui permet de se sentir en concordance avec le monde.
La connaissance est une fin en soi, tout membre recruté ou admis est libre de faire ses recherches comme il l’entend, mais il s’engage à se dévouer entièrement au savoir…pour personne d’autre que lui-même, si ce n’est qu’il doit faire part de ses travaux aux autre Castaliens.
Véritable école de formation des élites, la Cité Pédagogique entend bien garder ses membres en son sein.
Des personnes extérieures sont néanmoins autorisées à venir y passer des séjours, comme Plinio Designori, qui revendique cependant la nécessité de retourner à l’extérieur, dans « le siècle » et dont les débats avec Valet constituent le cœur et la problématique du livre : l’artiste est-il condamné à vivre hors du monde ?

La solitude morale, la révolte, la marginalité sont elles fatalement indissociables de la vie de celui qui, en intellectualisant l’univers, s’élève au dessus de lui ?
Au contact du Frère Jacobus (en plus de Designori), au presbytère de Mariafels où il a été envoyé pour promouvoir Castalie, Valet va prendre conscience qu’il ne se réalise pas, que ce monde d’intellectuels, repliés sur eux-mêmes, est vain, stérile, sans perspective d’avenir, que ce monde qui aspire à vivre en autarcie dépend finalement des autres (l’Etat), qu’il ne pourra survivre éternellement à partir du moment où il ne s’accompagne pas de ponts qu’on érige entre la vie et l’esprit.
Renonçant à ses prérogatives, il choisira de mettre à profit ses connaissances pour les enseigner à Tito, un enfant « du siècle ».
De la fin, surprenante, il y a diverses interprétations possibles ; j’y ai vu pour ma part une certaine forme d’échec, mais on peut aussi y voir une métamorphose ou encore un acte religieux.
Qui lira dira.

Considéré parfois comme un « roman à clés » (Nietzsche, Mann, Hesse et d’autres s’y cachent), le Jeu des Perles de Verre est une œuvre complexe, extrêmement longue, mais d’une immense richesse.
Richesse des idées, richesse dans la dimension philosophique, richesse de toutes les formes de spiritualités dont il s’inspire : hindouisme, taoïsme, confucianisme, psychanalyse (dont Hesse était féru).
Richesse littéraire, de part la structure narrative très élaborée : Hesse se présente comme l’éditeur de la biographie de Valet (et il reprend parfois la parole au cours du livre pour rendre compte de certaines considérations). Une première partie révèle l’historique et la fonction du Jeu, puis vient la biographie de Valet, enfin on peut lire les écrits posthumes de ce dernier.
Se mêlent ainsi réflexions, dialogues, débats philosophiques, pensées, interventions du narrateur, contes et poèmes.
Richesse de la langue, fluide et précise, avec un romantisme sous-jacent.

Une belle utopie.
Mais le mot utopie ne signifie-t-il pas.....nulle part?....

Artificiel

5 étoiles

Critique de Perlimplim (Paris, Inscrit le 20 mars 2011, 47 ans) - 6 mai 2011

Hermann Hesse est pourtant un auteur dont j'apprécie généralement l'écriture, mais je dois avouer que "Le Jeu des perles de verre" m'a déçu dans son ensemble. Sans doute est-ce dû au fait qu'à aucun moment je n'ai adhéré au concept même du livre: une histoire d'anticipation. L'auteur écrit de nombreuses pages pour nous raconter l'histoire de Castalie, pour nous expliquer l'idée du Jeu des perles de verre. Et jusqu'à la fin, le livre ne résoud jamais cette sensation un peu trop artificielle du projet dans son ensemble. Cependant, certains passages restent brillants, certaines idées sont brillamment développées, mais le livre donne d'autant plus l'impression d'être le laborieux travail d'un grand auteur. Tout cela est écrit avec art, mais ne parvient pourtant pas à convaincre réellement.

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