Là où vous ne serez pas de Horacio Castellanos Moya

Là où vous ne serez pas de Horacio Castellanos Moya
( Donde no estén ustedes)

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Dirlandaise, le 22 décembre 2008 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 051ème position).
Visites : 4 635 

Mort d'une épave

Horacio Castellanos Moya est né au Honduras mais a vécu la majeure partie de sa vie au Salvador. Il a travaillé comme journaliste au Mexique, au Guatemala et au Salvador. C’est le premier roman que je lis de lui et je dois dire que j’ai vraiment beaucoup aimé son style. Les personnages de Moya sont des êtres aux abois, rongés par l’alcool, le sexe et la drogue. Alberto Aragon est rendu au bout du rouleau. Dans la soixantaine, usé par une vie de débauche et de beuveries, l’ex-ambassadeur du Salvador au Nicaragua n’est plus qu’une épave qui ne possède plus rien au monde et qui doit s’exiler au Mexique pour fuir une situation politique salvadorienne qui ne lui est plus favorable. Abandonné par tous ses amis et relations, il n’a plus au monde que sa jeune maîtresse pour prendre soin de lui. Il ne reste plus rien de sa splendeur passée. Alberto est dans la dèche la plus complète. Il ne lui reste que trente dollars en poche, de quoi se payer une bouteille afin de pouvoir passer la nuit et endormir ses angoisses. Après sa mort, son ami le plus intime, Henry Highmont engage un journaliste paumé pour enquêter sur les circonstances de cette mort misérable et indigne de cet ancien haut fonctionnaire que fut Alberto. Mais pourquoi Henry tient-il tant à connaître les derniers instants d’Alberto ? Quelle motivation est assez forte pour lui faire dépenser tant d’argent pour un homme aussi déclassé ?

L’écriture d’Horacio Moya est extrêmement dense, c’est comme monter à bord d’un train sans possibilité de descendre avant la fin du voyage. Les phrases très longues, parfois sur plusieurs pages, la puissance de la narration, le génie de l’auteur qui réussit à créer un climat d’angoisse palpable et de désespoir dans lequel évoluent ses personnages sont assez remarquables. La verve de l’auteur nous emporte dans un tourbillon de mots et d’impressions, de chaleur, d’odeurs, de sueur, de vie palpitante et fragile qui constitue une toile de fond parfaite pour une histoire complexe qui se situe à la fin de la guerre civile salvadorienne. Nous évoluons dans un monde d’aristocrates et de hauts fonctionnaires, de révolutionnaires convertis en hommes d’affaires prospères, de journalistes et de femmes belles et séduisantes. Le roman est divisé en deux parties : la déchéance et l’agonie d’Alberto et l’enquête de Pepe Pindonga, le journaliste devenu détective privé qui vient de se faire larguer par sa maîtresse et qui nage en pleine dépression arrosée d’alcool mais dont le contrat qu’il vient de décrocher lui redonne un but salvateur. Beaucoup de personnages mais jamais de clichés, des scènes d’amour torrides, un langage cru et direct, en font un très bon roman d’un auteur que je vais continuer à lire tant il me plaît.

« Une odeur fétide, comme s’il descendait vers les intestins pourris de la ville, frappe les fosses nasales d’Alberto qui sort immédiatement son mouchoir de la poche revolver de sa combinaison blanche, se bouche le nez et observe sur les marches d’un regard étonné une ribambelle de gamins crasseux qui se précipitent sur les passants en les souillant presque avec la paume de leurs mains quémandeuses et en demandant à voix basse l’aumône. Attention aux petits rats qui sniffent de la colle, lui fait remarquer Yina. »

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la chute

9 étoiles

Critique de Camarata (, Inscrite le 13 décembre 2009, 72 ans) - 28 juillet 2013

On assiste à la descente aux enfers, l’agonie d’Alberto ARAGON, entremetteur politique qui oeuvra entre la guérilla salvadorienne et la junte politique au pouvoir. Echoué telle une épave dans un quartier pauvre du Mexique , il se remémore amèrement l’époque ou il était un ambassadeur salvadorien au Nicaragua.
On n’éprouve aucune compassion pour lui, écœuré par ses privilèges exorbitants, obtenus de manière occulte dans un système corrompu

…depuis des années, son rituel quotidien consistait à boire chez lui à partir de 11heures du matin jusqu’au soir, à recevoir ses amis et ses contacts politiques pour les abreuver d’alcool forts afin de faire fleurir les rapports et la conspiration, ….


Mais au fur et à mesure qu’il évoque sa vie au travers des souvenirs embrumés de son délire alcoolique, on entrevoit un vieux dandy qui se veut idéaliste, un type qui s’est fait avoir par ses illusions, en essayant de trouver les solutions les plus économe de vies, dans un univers régi par la violence et la corruption.
Alberto grisé par le pouvoir, les femmes, l’argent n’a pas vu venir sa répudiation, les crocodiles mangeurs d’hommes n’ont plus besoin de lui et lui retirent leur soutien, le laissant exsangue. De plus, la mort de son fils tué par la junte militaire au pouvoir est comme un cancer qu’il soigne à grands flots de vodka.

Et il marche dans San Cosme,pénètre dans le flot des gens qui se faufilent entre les étals des vendeurs ambulants , marche en zigzaguant dans ce lit chaotique,ce torrent de maraudeurs , sur qu’il rencontrera un peu plus loin le débit de boissons qu’il imagine, il avance par à-coups, avec à peine la lucidité suffisante pour ne pas être emporté par le torrent impétueux, parce qu’il y a des années et des années qu’il n’a pas marché dans un endroit pareil , il ne sait plus s’il a su un jour, lui le petit monsieur fait pour les voitures et tel ou tel magasin marche avec juste assez d’habileté pour qu’on ne lui soutire pas son portefeuille de la poche revolver de son pantalon et pour repérer l’enseigne qui annonce le débit de boisson désiré….


En deuxième partie le roman prend l’aspect d’un thriller avec l’avènement de Pepe Pindonga détective salvadorien sur le déclin , machiste invétéré, imbibé d’alcool lui aussi et ne supportant pas de s’être fait plaquer par la belle et jeune Rita MENA « l’amour de sa vie »
En acceptant cette étrange enquête sur la mort d’Alberto Aragon , commanditée par un des anciens amis haut placé d’Alberto, le détective tente de relancer sa carrière et son amour propre, en chute libre.

Les dialogues sont à l’image des personnages et de l'endroit, crus, machistes, lubriques, violents. Les considérations philosophiques de Pepe Pindonga ne manquent pas d’humour. Il me semble qu’une similitude de caractère et de destin se dégage entre ces deux personnages.

Ce que j’avais de mieux à faire c’était de me tirer, la logorrhée de la crapaudine me donnait la nausée, réellement impressionné par le monde qui commençait à apparaître derrière le personnage de l’ex ambassadeur Alberto Aragon, ému par une telle tragédie, je me disais que j’aurais le plus grand mal à trouver les informations à Mexico, comme si le poupon s’était débrouillé pour ruser une dernière fois : disparaître complètement.


Un roman prenant et habile, qui démonte la mécanique complexe des êtres, entre roublardise, soif de pouvoir, appât du gain, idéalisme, courage et naïveté

Paradoxal

5 étoiles

Critique de Eoliah (, Inscrite le 27 septembre 2010, 73 ans) - 11 octobre 2010

C'est un livre qu'on n'oublie pas mais pas très agréable à lire, avec des passages peu compréhensibles (et ennuyeux) en rapport avec l'histoire politique de l'amérique centrale. Il vaut plus par les atmosphères qu'il nous donne à capter d'une manière efficace

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