Les marais de Dominique Rolin

Les marais de Dominique Rolin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sentinelle, le 10 décembre 2008 (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans)
La note : 8 étoiles
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magnétique

Entre les murs d’une sombre bâtisse, Madame Tord et ses cinq enfants subissent quotidiennement la tyrannie d’un patriarche en mal de reconnaissance. Comme chaque jour, après le déjeuner de 8 heures du matin dans la salle à manger où l’attendent ses cinq enfants, Monsieur Tord s’enferme dans son bureau en claquant la porte derrière lui. Les enfants sont priés de demeurer silencieux : le père travaille. Et gare à celui qui dérangera le père, jamais avare de coups de fouet, de gifles ou de coups de pied.

Sur les cinq enfants, seuls Ludegarde, Alban et la petite Barbe, plus indépendants, tentent d’échapper à l’atmosphère oppressante de la maison Tord. Ce qui n’empêche pas chacun d’être emmuré dans un silence et une grande solitude : peu de paroles échangées et beaucoup de non-dits, d’incompréhensions, de tyrannies contagieuses. Si la communication ne passe pas par le langage, il passe par la violence des corps, la rudesse, dans le décryptage des silences aussi. L'arrivée d'un jeune cousin violoniste Ur ne changera rien à cet état de fait :

« Elle ressentait pour ce garçon taciturne une attirance étrange. Lorsqu’elle était éloignée de lui, elle voulait le voir. Lorsqu’ils se trouvaient ensemble, elle aimait le blesser, mais elle parvenait rarement à constater la profondeur des blessures provoquées, car Ur ne laissait jamais transparaitre la moindre émotion sur son visage. »

Une des manières de fuir cette ambiance sourde sera de se réfugier dans un monde imaginaire aux dimensions insolites. Pourtant les évènements auront raison de chacun d'eux : la mort accidentelle de la petite Barbe, la fuite de Ludegarde qui cherche à se délivrer des « marais » de son enfance, la départ d’Alban auprès d’une jeune femme rencontrée au hasard de ses fugues, tout cela parviendra à briser leur rêve de liberté et l’univers visionnaire qu’ils s’étaient créés. Irrésistiblement, la maison Tord les ramènera, vieillis et désenchantés, entre ses murs.

Ce roman possède une atmosphère toute particulière, on a parfois l’impression d’être transporté dans une sorte de rêve éveillé qui nous plonge dans une ambiance onirique, à l’orée du fantastique, du symbolisme et du surréalisme. Il a même exercé sur moi une sorte d’aura hypnotique très étrange qui me poussait à tourner les pages les unes à la suite des autres sans pouvoir me détacher du roman avant sa fin.

Si le thème central est la terreur qu’exerce un noyau familial sur ses membres, l’enfance empoisonnée, la difficulté de communiquer et d’exprimer son attachement autrement que par la violence et la méchanceté, on y parle aussi de la difficulté d’être à la fois à ce point unis et déchirés à l’intérieur d’une famille de laquelle on ne peut fuir. Pire, non seulement on ne sait pas s’y détacher, mais on se perd dans un mouvement temporel cyclique, incapable de ne pas reproduire ce que nous sommes, tout simplement…

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