Vive la révolte de Edgard Pisani

Vive la révolte de Edgard Pisani

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Danriot, le 10 janvier 2007 (STRABOURG, Inscrit le 17 février 2005, 78 ans)
La note : 10 étoiles
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La Révolte salutaire d’Edgard Pisani

SOS politique, SOS démocratie : Plaidoyer pour une France qui refuse la décadence… et veut des réformes dignes de ce nom

Il appartient à cette race d’hommes d’Etat qui nous font cruellement défaut. Sa longue expérience (60 ans !) de la vie publique, ses réflexions de philosophe, sa connaissances du monde, ses talents de pédagogue et son sens aigu du « vivant », de « l’humain », des valeurs « sacrées » lui permettent de bien analyser les crises majeures que nous traversons et de suggérer des solutions susceptibles de dégager des horizons d’espérance. A 88 ans, Edgard Pisani reste un « révolté », fier de l’être. Son « Vive la Révolte », publié au Seuil, est un livre-vitamine. Comme son site d’ailleurs : http://www.vivelarevolte.com


Un « rebelle exigeant »

« Je suis un rebelle exigeant, impatient. Paisible. Ma révolte n’est pas un rejet. Elle est une exigence et un engagement »

Révolté, mais pas « révolutionnaire ». Cet « utopiste réaliste » qui a appris à allier « l’héroïque et le trivial » et qui sait « penser avec ses mains », c’est-à-dire penser juste pour agir bien, fait la différence. Comme Camus : « La révolte se fonde sur la foi dans les valeurs humaines, c’est-à-dire qu’elle suppose un « oui » préalable au « non ». La révolution, elle, part de la négation absolue et se condamne à toutes les servitudes pour fabriquer un « oui » rejeté à l’extrémité des temps ».

La démocratie « ne connaît pas de lutte finale », insiste Pisani… Mais elle implique des combats permanents d’abord contre soi-même, une mobilisation citoyenne des consciences, et une éthique politique qu’il est urgent de ressusciter sous peine de subir le sort déjà craint par Paul Valéry : celui de la mort de notre civilisation. Celui du déclin chronique et du futur sans avenir. Comme l’île de Pâques ou la Papouasie, entre autres…

La fin et les moyens

>>> A monde complexe, « pensée complexe » : Comment sortir du « labyrinthe » si bien décortique par Castoriadis ? « Vive la révolte » donne des éléments de réponses. Un vrai discours de la Méthode : « Apprendre le systémique », « apprendre la complémentarité ordre-désordre », « apprendre la dialogique »… Cela n’a rien d’abstrait.

>>> A société éclatée et déshumanisée, « principe d’humanité » recouvré, comme dit Jean-Claude Guillebaud, Comment sortir des impasses de ce que Morin appelle notre « Barbarie civilisée » ? « Vive la révolte » est d’abord un cri du coeur humaniste ou personnaliste, un hymne au « vivant » : face aux bonds en avant du « progrès-outils », face à la dictature de « l’économisme » et à la montée de « l’individualisme possessif de masse », nous oublions trop le « progrès humain ».

La finalité, c’est l’Homme : l’économie, la finance, les technosciences, les biotechnologies, l’information, la communication, l’administration, la bureaucratie … ne sont que des moyens. Il faut redonner du sens au mot valeur et de la valeur au mot sens…

>>> Au dépérissement de la politique, au dévoiement de la démocratie, réapprentissage du « vivre ensemble », du « Bien commun ». « Vive la révolte » est un vrai manuel pour tous les citoyens-électeurs qui ne veulent pas être de simples électeurs-consommateurs et a fortiori pour toutes et tous ceux qui, à quelque niveau que ce soit, aspirent à assumer des responsabilités dites « politiques » …

La politique comme médiation

La politique n’est pas jeux de pouvoirs, « divertissement », combats de Basse-Cour… Les « politichiens », comme disaient de Gaulle empoisonnent, défigurent ce qui devrait avoir un caractère « sacré » : « Le désordre présent des jeux politiques risque de favoriser l’émergence d’une démocratie hors la loi ». De cette démocratie qui est remise en cause « parce qu’elle ne représente pas la société ». Et n’est pas qu’un mode de sélection des élites mais d’abord une grille de valeurs. Pourtant, « rien d’humain n’est sans doute plus grand que la politique ». Quand on a conscience qu’un responsable politique est d’abord un « médiateur » avant d’être détenteur d’un pouvoir. « Médiateur » : un mot-clef. Surtout aujourd’hui, en cette époque où les contradictions, les antagonismes, les incompatibilités s’accumulent. Surtout dans ce monde où tout a changé et tout va encore changer. Vite.


« Réformer en labourant profond »

En l’état, pendant que le monde court, la France piétine. « A reculons, parfois ».

*En ayant peur d’elle-même. En restant prisonnière des moules, des habitudes et des réflexes hérités d’un passé révolu. En ne sachant pas « réformer en labourant profond », c’est-à-dire en partant des besoins et des finalités : « Il faut réformer pour, non contre, en expliquant le pourquoi et le pour…qui ».

*En se contentant de réformettes, de « rafistolages », dictées par pulsions, impulsions et pressions… et effectuées dans la précipitation, puisque trop tardivement : Quand mesurera-t-on le coût du « ne rien faire »,du « mal fait » et du « non- fait-à-temps »?

* En ne se libérant pas de ce jacobinisme hérité d’un temps où, comme il l’écrit sur son site, « Paris colonisait la province comme la France avait colonisé l’Afrique »

*En ne sachant pas donner la priorité des priorités à l’éducation-formation qui devrait être complétée par une « inducation », c’est-à-dire de méthode pédagogiques qui permettent « à chaque être de se construire lui-même à partir de ce qu’il apprend plutôt que d’être fabriqué par ce qu’on lui apprend »

*En n’inscrivant pas ses délires législatifs dans une « vision d’ensemble » et dans une anticipation de l’avenir. « Il nous faut réhabiliter le plan comme organe d’anticipation, d’orientation et de cohérence ». Une suggestion parmi beaucoup d’autres…

L’homme politique devrait, selon Pisani, être comme le « médecin généraliste » : « il ne se concentre pas sur un organe, mais sur tout l’organisme »

« Les adversaires sont des partenaires »

Pourquoi tant de candidats aux Présidentielles ne l’ont-ils pas lu, ce « Vive la révolte » ?


A coté des chantiers prioritaires qu’Edgard Pisani suggère d’ouvrir, bien des programmes semblent pauvres ou pernicieux, à commencer par ceux des deux favoris… Il est encore temps si l’on veut que cette échéance ne soit pas, au final, un nouveau signe de déchéance.

Mais qui en campagne peut encore prendre le temps de lire des ouvrages qui font réfléchir autrement qu’un miroir et raisonner autrement qu’un tambour ?

Celui « qui ne fut jamais gaulliste mais demeure gaullien » et qui a assumé de hautes responsabilités sous de Gaulle, sous Pompidou et sous Mitterrand confie : « Strauss-Khan, hélas rejeté, et Bayrou sont les seuls à faire une vraie campagne présidentielle. Les autres confondent l’Elysée et Matignon ou le Palais Bourbon… ». Et oublient qu’en politique « les adversaires sont des partenaires »

« L’identité des volontés »

Mais ce constat ne doit en rien être interprété comme une intention de vote. « J’ai droit moi aussi au secret de l’isoloir », sourit-il en marge d’une rencontre que j’ai animée à la salle Blanche de la librairie Kléber, à Strasbourg.

Une seule certitude, formulée à travers une citation de saint Thomas d’Aquin : « La concorde ne naît pas de l’identité des pensées mais de l’identité des volontés ».Et une ligne de conduite puisée chez Erasme : « « Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire. Comprendre ». Admirable, Pisani !

Daniel RIOT

POUR PARTICIPER AU FORUM D'EDGARD PISANI http://www.vivelarevolte.com

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Les éditions

  • Vive la révolte ! [Texte imprimé], un vieil homme et la politique Edgard Pisani
    de Pisani, Edgard
    Seuil / HIST.IMMED
    ISBN : 9782020906739 ; 13,09 € ; 02/11/2006 ; 197 p. ; Broché
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