La femme qui court de Jennifer Johnston

La femme qui court de Jennifer Johnston
(The invisible worm)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Malic, le 27 novembre 2006 (Inscrit le 9 décembre 2005, 82 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 905ème position).
Visites : 4 211  (depuis Novembre 2007)

Le ver dans le fruit

Laura est hantée par un passé douloureux. Elle se souvient de ce jour où elle a couru sur la plage. Ce jour là, sa mère est partie sur son voilier comme elle le faisait souvent, sauf que cette fois, elle s’est noyée ; de toute évidence un suicide. Laura en est-elle responsable comme le lui a reproché son père ? Et puis, il s’est passé autre chose en ce jour fatidique, et on comprend rapidement qu’il s’agit d’inceste.

Rongée par ce passé ( le « ver invisible » du titre original emprunté à William Blake), Laura vit désormais une existence tourmentée et diminuée. Elle sort très peu, refuse la société d’autrui et semble perpétuellement au bord de la dépression, sinon de la folie. Son mari, Maurice, qui ignore une bonne part de son passé, se montre gentil et indulgent avec celle qu’il traite plutôt en petite fille qu’en épouse. D’ailleurs c’est un homme sérieux, soucieux avant tout de sa carrière et des relations qui pourraient s’avérer utiles.

Un jour, Laura rencontre Dominic, un prêtre défroqué, rejeté par sa famille. Avec cet homme lui aussi blessé, va s’établir une connivence souvent rugueuse, qui évoque déjà celle d’un roman postérieur, « Petite musique des adieux. » Parallèlement, Laura entreprend de dégager une gloriette enfouie dans les broussailles en bas de la propriété, symbole évident, un peu trop peut-être, de son passé.

Le roman mêle avec virtuosité présent et réminiscences de plus en plus précises. L’auteur excelle à nous faire partager l’angoisse liée à cette journée ensoleillée qui a fait basculer Laura dans un piège de souffrance et de culpabilité. Il lui suffit de presque rien , comme l’aboiement triste d’un chien, pour nous serrer le cœur. Un roman poignant sur le poids du passé.

Titre original : The invisible worm.

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Trop aimée

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 24 mai 2017

Encore un roman qui va encourager mon inclination déjà bien marquée pour la littérature irlandaise, j’ai été, en effet, enchanté par la lecture de ce texte de Jennifer Johnston. Non pas tellement pour l’histoire qu’il raconte, même si elle est particulièrement dramatique, mais surtout par la façon dont l’auteure écrit cette histoire et par ses qualités littéraires. Elle vit son texte, respire les sentiments des personnages qu’elle met en scène et transporte le lecteur au plus profond de l’Irlande, de son histoire, de sa culture, de ses coutumes et des conflits qui l’ont régulièrement secouée.

Laura a hérité d’une entreprise de sa mère qui l’a elle-même héritée de sa propre mère, une transmission filiale qu’elle ne pourra pas assurer car elle n’a pas d’enfant. Au moment où elle enterre son père, elle semble bien fragile, son mari qu’elle a épousé parce qu’il pouvait assurer la gestion de l’entreprise, veille sur elle même s’il s’absente régulièrement pour des motifs pas très crédibles. Pour vaincre son ennui et éteindre une douleur qui semble l’affecter depuis son adolescence, Laura décide de déblayer un coin de végétation envahissante qui a recouvert une gloriette qui semble avoir marqué sa jeunesse. Au cours de ces travaux épuisants, elle reçoit le renfort d’un voisin rejeté par sa famille lors du décès de on père parce qu’il a jeté sa soutane aux orties. Les deux écorchés de la vie traversent tous les eux un deuil sans vraiment regretter leur père respectif. De vieux comptes semblent ne jamais avoir été soldés.

Sur fond d’histoire de l’Irlande, de haine entre protestants et catholiques – Laura a été persécutée par ses camarades de classe catholiques parce qu’elle est protestante – d’incestes familiaux récurrents qu’il faut absolument taire pour ne pas être banni et pour ne pas jeter l’opprobre sur la famille, Jennifer Johnston écrit un roman très habile, enchanteur malgré la douleur qu’il dégage. Elle construit son histoire principalement sous la forme de dialogues qui mêlent le présent que vit son héroïne, avec des scènes de son passé qui apportent progressivement des éléments permettant de mieux comprendre la fragilité qui l’affecte encore au moment du décès de son père. L’auteure passe du je au elle sans que cela nuise à la lecture, comme si elle ne voulait pas s’enfermer trop profondément dans la douleur de l’héroïne, garder une certaine distance pour que le lecteur ressente mieux les sentiments se dégageant de cette tragédie familiale.

La rencontre de deux êtres trop ou mal aimés qui voudraient faire le ménage dans leur passé pour essayer de construire un avenir plus serein que leur présent. Un véritable bijou qui enchantera les amis des beaux textes.

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