Avada

avatar 12/12/2011 @ 17:52:41
A cet égard, je voudrais soumettre à votre critique mon interprétation de la violence du nazisme et du stalinisme. Je ne partage pas l'opinion selon laquelle elle serait due, notamment, à l’ « athéisme » de ces idéologies. Au contraire, il me semble que l’absence totale de respect de la dignité humaine d’un Hitler et d’un Staline, d’un Mussolini, …, de même que la soumission et la violence de ceux qu’ils ont endoctrinés, sont explicables par leur commune éducation religieuse initiale, qui a constitué un terreau favorable à la volonté de puissance des premiers et à la soumission des seconds.

On peut dire également que la relation du peuple avec son fürher s'apparente à un lien religieux.

Ton interprétation rejoint celle qui est proposée dans le film de Michael Haneke "Le Ruban blanc" où le luthéranisme est présenté comme un terreau favorable au totalitarisme et au nazisme, parce qu'il contraint à une obéissance aveugle et à une quête impossible de la pureté, et génère la haine de soi et la violence.

Radetsky 12/12/2011 @ 18:03:58
parce qu'il contraint à une obéissance aveugle et à une quête impossible de la pureté, et génère la haine de soi et la violence.

Exact : ceux qui aujourd'hui sont encore vivants des anciennes "brebis" du troupeau soumis aux dogmes religieux, et qui ont depuis suivi d'autres chemins, se souviendront toute leur vie de la haine forcenée du corps, cultivée, portée aux nues, pas les gens en soutane, de leur acharnement à encourager mortifications, privations et punitions des mêmes corps. La chair, cette création supposée d'un "dieu", réduite à l'état de déjà-future charogne à mépriser en vue du salut dans un au-delà mythique. Vous avez dit "aliénation"...? Aliénés, oui.

Saint Jean-Baptiste 12/12/2011 @ 18:09:02
. il ne faut pas confondre "religieux" et "religion" , le danger pour la religion étant de devenir une fin en soi...

Ce que tu dis là, 4 du 2, est tout à fait vrai. Un des buts des religions est de former une communauté. Mais le but principal doit rester religieux, c'est-à-dire entretenir le lien avec la divinité.

Certaines religions ne sont qu’un ensemble de rites incantatoires destinés à souder une communauté et n’ont rien de religieux.
Quand on parle de guerre de religion, il s’agit toujours de guerre entre communautés qui se sont soudées autour de rites, dits religieux. mais ces rites pourraient tout aussi bien être profanes et, comme dit très bien Avada, le chef pourrait être un quelconque Führer.

Une armée se soude autour de rites guerriers et un club de supporters de foot se soude autour de déguisements, de chansons et de cris, avec un cérémoniel toujours bien arrosé…

Guigomas
avatar 12/12/2011 @ 18:19:30
Ben dis-donc, on s'absente trois jours et voilà que le nazisme est l'exacerbation de la religion (ou religiosité ? on s'y perd dans vos ratiocinations)...

Dans le Credo, il y a des passages où je me dis qu'il faut vraiment être marteau pour croire des trucs pareils, c'est quand on en arrive à "je crois à la résurrection de la chair, à la vie éternelle" : le corps n'est pas une future charogne, Radetsky, mais appelé comme l'âme à la résurrection. Le corps d'un athée, par contre, est une future charogne.

Vous avez une vision des croyants (du moins des catholiques) qui me laisse vraiment pantois. Et une triste vision de l'homme, limitée à ce qu'il peut connaître par son intellect.

Bises, je serai encore absent trois jours

Saint Jean-Baptiste 12/12/2011 @ 18:38:52
... encourager mortifications, privations et punitions des mêmes corps. La chair, cette création supposée d'un "dieu", réduite à l'état de déjà-future charogne à mépriser en vue du salut dans un au-delà mythique. Vous avez dit "aliénation"...? Aliénés, oui.

C’est vrai, Radetski, l’Église a eu jadis des difficultés avec la chair, la sexualité, la femme, mais c’est du passé. Les choses ont bien changé ; mais c’est vrai que c’est toujours trop tard et trop lent. L’Église est souvent trop conservatrice mais elle doit tenir compte des autres mentalités du monde qui n’évoluent pas si vite qu’ici.

Radetsky 12/12/2011 @ 18:50:01

C’est vrai, Radetski, l’Église a eu jadis des difficultés avec la chair, la sexualité, la femme, mais c’est du passé. Les choses ont bien changé ; mais c’est vrai que c’est toujours trop tard et trop lent. L’Église est souvent trop conservatrice mais elle doit tenir compte des autres mentalités du monde qui n’évoluent pas si vite qu’ici.

SJB la situation de l'église n'est plus celle du XIe siècle, période où l'on condamna le clergé séculier au célibat pour étouffer dans l'oeuf les situations de monopole de l'écrit, donc du savoir, donc du pouvoir héréditairement transmis (un fils de prêtre devanait prêtre, celui d'un d'évêque devenait avec une grande probabilité évêque...). Et il ne s'agit pas seulement de sexe, mais de la vie, de la vie dans sa totalité complexe. Alors quoi ? On attend le déluge...

Saint Jean-Baptiste 12/12/2011 @ 18:51:04
... mon interprétation de la violence du nazisme et du stalinisme. (...) la violence de ceux qu’ils ont endoctrinés, sont explicables par leur commune éducation religieuse initiale, qui a constitué un terreau favorable à la volonté de puissance des premiers et à la soumission des seconds.


On peut dire également que la relation du peuple avec son fürher s'apparente à un lien religieux.

... le luthéranisme est présenté comme un terreau favorable au totalitarisme et au nazisme, ...



Avada
Le Luthérianisme est-il un terreau favorable au totalitarisme, rien n’est moins sûr, à mon avis.

Luther était un disciple de saint Augustin et, comme son maître, il avait des problèmes avec « le péché ». C’était des personnages très orgueilleux qui avaient du mal à admettre que le péché les faisait tomber.
Saint Augustin a trouvé comme explication le péché originel et Luther y a ajouté la prédestination. La prédestination est tout à fait rejetée par le christianisme et le péché originel est sujet à caution, c’est le moins qu’on puisse dire. En tout cas, ce n’est pas un dogme.

Je crois plutôt que c’est le Germanisme qui est un terreau favorable au totalitarisme.
Les Germains aiment bien de suivre un chef aveuglément. Une fois qu’ils ont adopté un chef, ils le suivent sans plus réfléchir : dans leur esprit, si le chef le dit, on ne discute pas, c’est bien !
C’est une attitude très différente de la nôtre : nous, on dirait qu’on aime bien d’élire un chef pour avoir le plaisir de le critiquer.

Radetsky 12/12/2011 @ 19:17:22

Le Luthérianisme est-il un terreau favorable au totalitarisme, rien n’est moins sûr, à mon avis.
Luther était un disciple de saint Augustin et, comme son maître, il avait des problèmes avec « le péché ». C’était des personnages très orgueilleux qui avaient du mal à admettre que le péché les faisait tomber.
Saint Augustin a trouvé comme explication le péché originel et Luther y a ajouté la prédestination. La prédestination est tout à fait rejetée par le christianisme et le péché originel est sujet à caution, c’est le moins qu’on puisse dire. En tout cas, ce n’est pas un dogme.
Je crois plutôt que c’est le Germanisme qui est un terreau favorable au totalitarisme.
Les Germains aiment bien de suivre un chef aveuglément. Une fois qu’ils ont adopté un chef, ils le suivent sans plus réfléchir : dans leur esprit, si le chef le dit, on ne discute pas, c’est bien !
C’est une attitude très différente de la nôtre : nous, on dirait qu’on aime bien d’élire un chef pour avoir le plaisir de le critiquer.

SJB tu te rapproches d'une analyse socio-historique, parfaitement applicable ici. Ce que les infidèles (dont moi) disent en préambule : les religions on utilisé d'une part (au travers des instances chargées de les répandre, politiques y compris) leurs dogmes, et encore plus les constantes ethno-linguistico-sociales locales (englobant certains mythes païens pour les recycler) d'autre part.
Les caractéristiques liées aux comportements, mythes, légendes, modèles familiaux (loin d'être "universels"), pratiques économiques, ont mis non pas des années mais des dizaines de siècles à s'élaborer.
Quoi qu'on en dise, le "Welche" (le Celte), l'Allemand, etc. ont des prédispositions héritées. Ces prédispositions ont été accompagnées par les institutions religieuses et politiques, sans vraiment en modifier les traits principaux, au contraire : les vices qu'on encourage paient tôt ou tard tribut et servent ceux qui les ont encouragés. Tu fais allusion à l'obéissance ("Befehl ist Befehl" : un ordre est un ordre), à juste titre, ce pourrait être autre chose.
Quant à Luther, si on gratte l'enveloppe respectable du théologien, on retrouve bel et bien un mauvais type acharné à lécher les bottes des princes allemands (car il avait quand même la trouille de la portée de ses initiatives) et à détourner l'attention de ceux-ci sur d'autres mal-pensants (Thomas Münzer, les Anabaptistes), appelant publiquement à leur massacre (on critique les "fatwas"....), quand ce n'étaient pas des imprécations contre les femmes, les juifs, etc. Luther ? misogyne, antisémite, intolérant et féroce : le digne fils de son temps. Si ça ne suffit pas...
SJB, il faudrait répudier l'Edit de Constantin pour commencer !

@ Guigomas
Je maintiens : l'église catholique a de tout temps méprisé le corps, l'a renié et voué aux gémonies. Veux-tu une bibliographie ?

Avada

avatar 12/12/2011 @ 20:33:34

Le Luthérianisme est-il un terreau favorable au totalitarisme, rien 'est moins sûr.

Je n'y crois pas vraiment non plus mais c'est intéressant d'y réfléchir surtout avec un film de la qualité du Ruban blanc. Il faudrait plutôt se demander pourquoi le luthérianisme est né et a pris dans ces régions-là.

SJB : La prédestination est tout à fait rejetée par le christianisme

Tu veux dire plutôt par le catholicisme et par les papistes ;-).

Radetsky : Je maintiens : l'église catholique a de tout temps méprisé le corps, l'a renié et voué aux gémonies. Veux-tu une bibliographie ?

Tout à fait.

Saule

avatar 12/12/2011 @ 22:00:07
Pourquoi l'église a-t-elle méprisé le corps ? Pourtant, le christianisme est la religion de l'incarnation, et il est dit que nous sommes à l'image de Dieu. Il serait intéressant de savoir d'où venait cette déviance de l'église contre le corps et la sexualité. Je dis venait, car je crois que maintenant ce n'est plus le cas (même si l'Eglise prône toujours une morale un peu rétrograde et contre l'esprit du temps).

Oburoni
avatar 12/12/2011 @ 22:02:55
Voici ce que dit E. Jung à propos de l'expérience religieuse :
"Ce que le monde pense de l'expérience religieuse est indifférent à celui qui l'a vécue .
Il possède un immense trésor, une source de vie et de beauté, qui a donné un sens à son existence.
Il a, à présent, la paix, la confiance et la joie."

Je pense qu'on sort du registre "foi, dogme, doctrine et hiérarchie religieuse " . On entre dans un autre registre .
Cela demande sans doute une ouverture d'esprit, et une grande humilité..


C'est justement ce qui la rend toxique. Pardon, donc, si un Savonarole ou un David Koresh (désolé de me limiter a des chrétiens^^) ne me rendent pas plus "ouvert d'esprit et humble"...

Radetsky 12/12/2011 @ 22:22:00

Radetsky : Je maintiens : l'église catholique a de tout temps méprisé le corps, l'a renié et voué aux gémonies. Veux-tu une bibliographie ?

Tout à fait.
Bizarrement, c'est le Christ qui s'est montré le moins préoccupé par ce mépris du corps. Il n'en parle pas : ce n'est pas le vrai problème pour lui, manifestement.
Mais dès qu'arrive l'hystérique en chef (Paul de Tarse) la machine se détraque et s'emballe. On peut commencer par lire les épitres aux Corinthiens ( VII, 28 - XII, 2/10 - 1IX, 27 - XV, 8). A partir de cette attitude, l'éloge de l'âme et les mortifications espérées ou provoquées en gage du salut "éternel", vont faire florès. Flagellants, cilices, jeûne, indifférence à la maladie considérée comme une épreuve imposée par dieu, hostilité envers la femme éternelle créature diabolisée, fixation obsessionnelle sur le "péché de chair"... On pourra s'acharner sur ce pauvre corps, d'autant qu'on accélère son transfert au "paradis" !

Avada

avatar 13/12/2011 @ 07:40:04
Oui, c'est surtout chez Paul. Mais c'est quand même un choix de lecture; les lecteurs des textes sacrés en ont retenu ce qu'ils souhaitaient en retenir.

Et, comme tu le dis, quand on met l'âme au-dessus de tout, c'est le corps qui subit. Dans les philosophies matérialistes (caricaturées par le christianisme), tout est corps et tout est matière, il n'y a donc pas de hiérarchie dans ce qui constitue un homme.

Radetsky 13/12/2011 @ 09:23:53
Dans les philosophies matérialistes (caricaturées par le christianisme), tout est corps et tout est matière, il n'y a donc pas de hiérarchie dans ce qui constitue un homme.

Exact, car lorsqu'on hiérarchise, on classe, on opère une séparation. Séparation qui finit par briser un être humain en autant de "morceaux", justifiables de traitements différents, réduits à des partie "nobles" et à d'autres méprisables. Classer, dénombrer, jauger en fonction de critères fantasmatiques favorise le rejet, l'exclusion d'une partie de soi et d'une partie des autres. A la limite on pourrait parler de religions blasphématoires, qui défont arbitrairement ce que leur dieu a créé. Ce n'est pas propre aux monothéismes d'ailleurs, l'Orient est tout aussi fertile.

Michelthys 15/12/2011 @ 18:43:40
J'ai été très occupé ces derniers jours, d'où mon retard à vous répondre.

@ Guigonas, je ferai remarquer que seuls deviendront des "charognes" ceux qui, croyants comme incroyants, ne se seront pas fait incinérer. C'est tellement plus écologique.
La "vision" athée de l'homme n'est pas du tout "limitée à ce qu'il peut connaître par son intellect". Certes, chez lui, la raison prédomine par rapport à sa sensibilité, mais il cherche constamment à réaliser un équilibre harmonieux entre les deux.

@ Radetski : je suis d'accord avec tous tes commentaires, très éclairants.

@ Le Mont Carmel :
à propos de Carl G. JUNG, je suis étonné que, malgré sa brillante intelligence et son intellect, il ne semble jamais s'être demandé dans quelle mesure sa croyance religieuse initiale et persistante ait pu influencer son « expérience intérieure » de la spiritualité.
La « fonction religieuse », est, pour lui, « constitutive de l'inconscient », mais apparemment pas influencée par l'environnement éducatif et culturel.

Certes, Jung ne pouvait pas avoir connaissance des travaux de psychologues, même religieux, tels qu'Antoine Vergote, professeur émérite à l'Université catholique de Louvain, qui se sont intéressés à l'origine psychologique et éducative de la foi, ni aux découvertes, via l'IRM fonctionnelle, qui tendent à expliquer sa fréquente persistance par l'imprégnation inconsciente et par la plasticité neuronale du cerveau émotionnel, puis du cerveau rationnel. Je m'étonne quand même que ce fin connaisseurs de l'âme humaine, qui avait certainement constaté la corrélation entre un milieu familial et culturel unilatéralement croyant et la persistance fréquente de la foi, n'ait pas conclu à l' origine exclusivement éducative et culturelle de la foi, voire à l'existence subjective, imaginaire et donc illusoire de "Dieu"( contrairement à Freud, pourtant d'origine juive, pour qui la religion était une névrose obsessionnelle collective).

L'exemple de Jung, apparemment influencé comme tant d'autres par leur milieu religieux initial (je pense à Lacan), tend, me semble-t-il et jusqu'à preuve du contraire, à confirmer mon hypothèse d'une anesthésie inconsciente du cerveau rationnel, à des degrés divers, au point parfois de "disjoncter" en faveur du cerveau émotionnel, du moins dès qu'il est question de religion, ce qui réduit le libre arbitre de bien des croyants, aussi éminents soient-ils par ailleurs.

@ Saint Jean Baptiste :
"Les difficultés de l'Eglise avec la chair, la sexualité, la femme" ne sont vraiment pas "du passé", comme en témoigne le rétrograde Benoît 16, comme en matière d'éthique, d'ailleurs.
Ce n'est pas grâce à lui que, pour survivre sous nos latitudes, l'Eglise a mis (hypocritement) un peu d'eau dans son vin dogmatique, et qu'elle a un peu plus évolué que le judaïsme et l'islam (qui s'y refuse).
L'Eglise ne renoncera jamais à son projet éducatif de mainmise sur les consciences, ni à sa volonté d'évangélisation.

Saule

avatar 15/12/2011 @ 19:49:57
Jung a mis en évidence l'existence d'archétypes, ce sont des images primordiales, qui font partie de notre patrimoine génétique au même titre que des caractéristiques physiologiques. La confrontation avec un de ces archétypes est en quelque sorte l'expérience religieuse : c'est ce qu'il appelle le "numineux", une expérience qui peut "saisir" entièrement, c'est la rencontre du sacré (sentiment d'effroi).

Le fait d'être confronté avec ces archétypes n'est absolument pas lié à l'éducation, c'est le processus d'un processus d'inviduation. Ca peut-être une expérience qui rend fou, ou qui fait un génie ou un mystique. C'est comme si notre partie consciente, qui n'est jamais qu'un petit ilot flottant dans l'océan dans notre partie inconsciente, s'agrandissait. Bien sur le fait de traduire la rencontre avec un archétype dans des termes religieux est lié au fait qu'on ait reçu une éducation chrétienne : les hommes des cavernes qui dessinaient une divinité maternelle ne l'appelaient pas Sainte Marie. Mais un chrétien qui rencontre son Soi, pourra lui donner le nom de Jésus.

Je me sens beaucoup plus proche de Jung que des matérialistes pur et dur. Je ne sais pas ce que tu veux dire par "anesthésie inconsciente du cerveau rationnel", mais visiblement tu en donnes une connotation négative. Alors que c'est tout le contraire: au fur et à mesure que ton Moi rationnel et conscient laisse la place à un Autre (ton Soi dans les termes de Jung), tu enrichi ta partie rationnelle par la totalité de ton être.

Par ailleurs, Jung ne se prononce jamais sur Dieu : il parle toujours de l'image de Dieu qui se manifeste dans la psyché. Quelque chose de visible par l'expérimentation, mais qui ne dit rien sur l'existence métaphysique d'un Dieu. C'est un point essentiel. Jung n'a jamais dit qu'il était croyant ou pas, car en fait ça n'intéresse personne (d'après lui).

Michelthys 16/12/2011 @ 11:39:51
@ Saule :
L'archétype fondamental, au point d'être commun à toutes les espèces de mammifères, dont la nôtre, c'est, me semble-t-il, la peur. L'évolution l'a compensée par des réactions physiologiques (de fuite ou d'inhibition) et par des structures cérébrales (le néocortex) permettant aux seuls humains d'imaginer un père protecteur substitutif et sécurisant : Dieu.
Dommage que Jung ignorait évidemment les observations actuelles à propos du fonctionnement cérébral. Il aurait sans doute interprété son expérience du « numineux » autrement que comme la « rencontre du sacré qui saisit » au point de générer un « sentiment d'effroi ».

Comment expliques-tu autrement que par une anesthésie inconsciente du cerveau rationnel le fait que d'éminents intellectuels et scientifiques soient restés imperméables à toute argumentation rationnelle ou scientifique, par exemple à propos du créationnisme ?
Je pense que si on laisse son « Moi rationnel » à un « Autre » (émotionnel et subjectif), on appauvrit sa rationalité. Mais je conçois que tu sois persuadé du contraire.

Radetsky 16/12/2011 @ 11:54:41
Le sens du sacré réside dans la perception informulée au départ de ce que l'expérience humaine avait d'unique dans le monde et de la nécessité concomitante d'en préserver les acquis en refusant le sort commun réservé aux créatures, préservation contenue dans le refus d'une condition d'être infiniment vulnérable, pourchassé, humilié, soumis aux diktats de la nature, devenu conscient du caractère inacceptable de son sort. Il en a d'abord conçu la possibilité d'une "rédemption" attachée à une instance extérieure (dieu), pour envisager ensuite que la condition première de sa libération résidait d'abord en lui-même, par les efforts de la volonté et de la connaissance, par le sentiment de former une communauté indissoluble dans son sens et son avenir.

Saule

avatar 16/12/2011 @ 13:29:02
La peur n'est pas un archétype, c'est un sentiment.

Les archétypes, ce sont l'anima, le Soi, ce sont des manifestations psychologiques ue Jung a étudiés pendant toute sa vie. C'est l'Inconscient, quelque chose qui nous englobe. Il a montré que les mêmes symboles revenaient à travers les âges et les cultures, d'ou l'idée que ces structures qui semblent "flotter" dans notre inconscient font partie de notre héritage humain.

Pour carricaturer ce que tu dis : à quelqu'un qui fait l'expérience du coup de foudre, tu peux bien lui dire qu'il est en train d'anesthésier son cerveau rationnel (ce qui est vrai dans un sens, il est peut-être en train de faire une bêtise). Mais alors ? Qu'est-ce qui fait de nous des êtres humains ? Est-ce notre raison uniquement ? Relis le message de Radetsky avec qui tu dis être toujours d'accord : en se basant uniquement sur notre cerveau rationnel, on peut tout légitimer (l'eugénisme, le traffic d'organes, l'esclavagisme,..)

Je crois qu'il faut avoir fait l'expérience d'un archétype pour en parler. C'est comme le coup de foudre.

Le dernier post de Radestky m'agrée. "Vous êtes faibles, pauvres et nus" est-il dit dans la Bible. On a été chassé du paradis. On vit et meurt, dans la souffrance. Que la vie soit un cadeau (pour les chanceux), ou une vallée de larmes, la question est la même : qu'a-t-on fait pour mériter ça (culpabilité atavique). Il nous faut trouver un sens à notre passage sur terre. D'ou le sens du sacré. Mais encore, qu'est-ce que ça dit sur l'existence des archétypes, sur le symbolisme, sur le fait que l'homme réfléchit à sa condition sur terre ?

En bon "spiritualiste" que je suis, j'ai du mal à comprendre que ce soit une substance chimique issue d'une évolution hazardeuse qui fait écrire à nous tous sur ce fil toute les considérations philosophiques. Est-ce que ça veut dire que Dieu existe ? Bien sur que non. Mais tant qu'on ne parviendra à trouver une formule chimique qu'on injecterait dans un animal et qui ferait qu'il commence à inventer des rites, écrire des considérations philosophiques sur un forum comme celui-ci, ... et bien je préfère m'attacher à lire Jung, écouter cet Autre en qui je crois (sans me tracasser de savoir si il est assis sur un nuage ou si il est en moi).

Michelthys 16/12/2011 @ 18:35:54
@ Radetski :
D'accord avec ta définition du sacré, qui n'est pas en contradiction avec la mienne (ce qui est non négociable, inviolable, comme le respect de la dignité de l'homme, de la femme et de l'enfant, leur droit à la liberté de conscience, de pensée, etc.).

@ Saule :
La peur est certes un sentiment, mais c'est aussi, pour tout être vivant, la condition sine qua non de sa survie. Elle est d'ailleurs aussi une "manifestation psychologique" dont notre inconscient est pétri.

Si "les mêmes symboles reviennent à travers les âges et les cultures", c'est parce que certains de nos neurones y sont sensibles, comme s'ils entraient en résonance avec eux. C'est le cas aussi pour la sensibilité musicale, au départ virtuelle, et qui ne s'actualise vraiment qu'à la suite d'un certain apprentissage. C'est le cas aussi chez les francs-maçons, théistes, déistes, agnostiques ou athées, lorsqu'ils interprètent librement les symboles, selon leur perception, au cours de leur cheminement initiatique.

Le "coup de foudre" amoureux et la "Révélation" ont en commun de faire disjoncter le cerveau rationnel, mais seul est réel l'être charnel et aimé ...

Ce qui fait que nous sommes des humains, c'est à la fois notre raison et notre sensibilité, qu'il importe d'équilibrer. Les rationalistes qui légitimeraient l'eugénisme, par exemple, n'auraient rien compris. Je n'en connais d'ailleurs aucun. Par contre, je vous rappelle que le très catholique docteur Alexis Carrel ("L'homme, cet inconnu") proposait sérieusement en 1932 l'usage de "gaz appropriés" pour éliminer "les criminels, ceux qui ont "gravement trompé la confiance du public", etc. D'où le Zyclon B des chambres à gaz des nazis !

"Le sens de notre passage sur terre", c'est à chacun de se le donner, sans nécessairement lui donner une connotation "sacrée".

Ce n'est pas "une substance chimique issue d'une évolution hasardeuse", pas plus qu'un siècle d'expériences, qui parviendraient à créer un robot, à jamais incomparable avec l'être humain, résultat d'une évolution de centaines de millions d'années, évidemment impossible à reproduire en éprouvettes.

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